Bienvenue sur le site des Experts du patrimoine

Site de référence d’information juridique pour tout ce qui concerne les problématiques patrimoniales Notaires, professionnels de l’immobilier, de la gestion de patrimoine, de la banque, des finances et de l’assurance vous disent tout !

Nouveau !

Devenez auteur !

Retrouvez aussi l’actualité des legs et donations / rubrique associations

+ management des offices
Quel régime matrimonial pour les professions libérales ? Par Henri-Paul Jauffret, notaire

Quel régime matrimonial pour les professions libérales ? Par Henri-Paul Jauffret, notaire

La question du choix du régime matrimonial se pose tout particulièrement lorsqu’on exerce une profession libérale. En effet, en fonction du régime choisi, les conséquences peuvent être très variables en termes de protection du conjoint, de succession ou encore, en cas de divorce. Le régime de la séparation de biens est-il toujours celui qui convient le mieux aux professions libérales ? C’est au travers de 3 cas pratiques que chaque régime sera envisagé afin d’illustrer les opportunités et les limites intrinsèques aux différentes situations ciblées.

Le cas de Paul, jeune pharmacien

Paul, jeune pharmacien, en concubinage depuis quelques années, envisage de se marier avec sa compagne. Il demande à son notaire de lui établir un contrat de mariage qui puisse préserver à la fois son conjoint d’éventuels créanciers professionnels et assurer la sauvegarde de sa pharmacie en cas de séparation.

Le régime de la séparation de biens semble remplir cet objectif de protection, chaque époux ayant un patrimoine séparé, mais présente, également, des limites :

  • la contribution aux charges du mariage, c’est-à-dire les dépenses liées à la vie du couple ou de la famille : cette contribution est réputée effectuée à hauteur de leurs facultés respectives (selon les décisions des tribunaux, ces charges peuvent parfois s’appliquer non seulement aux dépenses relatives à la résidence principale mais également à celles relatives à la résidence secondaire) ;
  • la protection du logement de la famille ;
  • le profit indirect du conjoint par l’enrichissement de son époux.

En cas de faillite, les ressources financières à disposition du couple seront le patrimoine et les revenus du conjoint. La séparation de biens protège donc la future épouse de Paul des créanciers de l’entreprise.

Si Paul se mariait en communauté (régime légal), les revenus générés par l’entreprise et les économies faites pendant le mariage profiteraient pour moitié à chacun des conjoints. Toutefois, le patrimoine des époux serait plus exposé aux dettes de l’entreprise.

En conséquence, tant que l’entreprise est en bonne santé, les attentes sont tout autant respectées mais, en cas de mauvaise gestion, les effets seraient nettement différents.

Quant à la participation aux acquêts, elle paraît aussi convenir aux objectifs de Paul puisque, son entreprise ayant été créée avant le mariage, son conjoint est protégé pendant toute la durée de l’union.

Le cas de Pierre, chirurgien-dentiste en plein divorce

Pierre est chirurgien-dentiste, marié sous le régime de la séparation de biens. Il a créé son entreprise pendant le mariage et sa femme travaille avec lui. Doit-il craindre pour sa société du fait de son divorce ?

En séparation de biens, même créée pendant le mariage, l’entreprise est un bien personnel. En cas de divorce, Pierre conserve alors son entreprise et son conjoint ne pourra rien revendiquer au titre de l’activité.
Toutefois, le conjoint pourra solliciter, au titre du maintien du niveau de vie, une prestation compensatoire, destinée à contrebalancer cette perte.
Le patrimoine de l’entrepreneur, en ce compris la valeur de la société, est pris en considération pour chiffrer cette prestation dont le montant à financer pourrait être conséquent et aboutir à la vente de l’entreprise.
Qui plus est, si le conjoint est également conjoint collaborateur, sans rémunération, Pierre a pu s’enrichir à son détriment, de sorte qu’il s’expose au versement d’une indemnité pour enrichissement sans cause, voire de dommages et intérêts.

Sous le régime de la participation aux acquêts, l’entreprise est toujours la propriété de l’entrepreneur puisque l’époux agit comme s’il était en séparation de biens tant que le mariage est effectif. Lors de la séparation, le patrimoine de chaque époux est chiffré. Celui de l’entrepreneur comprendra la valeur de l’entreprise. Le conjoint qui s’est le moins enrichi aura droit à une participation. La prestation compensatoire est, dans ce cas, plus faible car la perte de niveau de vie du conjoint est mesurée. Le conjoint collaborateur pourra toujours agir au titre de l’enrichissement sans cause.

À noter que la clause excluant l’entreprise des acquêts de l’entrepreneur est révoquée de plein droit (donc sans effet) en cas de divorce.

En communauté, l’entreprise est un bien commun, propriété des deux époux. Dans ce cas précis, l’entreprise constituera, alors, un bien à partager sur lequel les époux doivent s’entendre tant sur l’attribution que sur la valeur. En cas de désaccord, elle pourra être vendue.

Aucun régime matrimonial ne préserve totalement le décisionnaire quand se présente un divorce, compte tenu des diverses règlementations et décisions des tribunaux qui tendent à protéger le conjoint. Le notaire attirera aussi l’attention de Pierre sur les conséquences de son décès pendant la procédure du divorce.

Le cas d’Odile, veuve de Jacques, ancien vétérinaire

Odile, femme de Jacques et mère de Pierre et Paul, a rendez-vous pour l’ouverture de la succession de Jacques, vétérinaire associé, avec lequel elle était mariée en séparation de biens. Aucune disposition n’avait été prise quant à sa succession. Quels sont ses droits ?

Quel que soit le régime matrimonial, aucun ne peut revendiquer la qualité d’associé, de sorte que les parts dont la valeur devra être fixée en accord avec les autres associés seront vendues. Odile souhaite se renseigner sur les droits successoraux induits par chaque régime matrimonial.

En séparation de biens, l’intégralité des parts du cabinet vétérinaire figureront à l’actif. Les droits de succession pour les enfants seront importants et amputeront la succession d’une grande partie des liquidités.

En participation aux acquêts, compte tenu des règles de calcul, Odile aurait bénéficié préalablement d’une créance de participation incluant une partie de la valeur du cabinet, ce qui, mécaniquement, aura diminué le montant des droits de succession pour les enfants.

Il en serait de même en communauté.

Nous pouvons donc en déduire que tous régimes matrimoniaux confondus, le conjoint reste protégé. Les règles de succession, une fois le patrimoine du défunt déterminé, sont identiques pour tous.

Pour améliorer la situation du conjoint, le notaire peut conseiller à ses clients :

  • d’établir une donation entre époux permettant d’augmenter la part lui revenant, voire de changer de régime matrimonial  ;
  • de souscrire un ou plusieurs contrats d’assurance-vie.
EN CONCLUSION
Le régime de la séparation de biens remplit les objectifs des entrepreneurs quant à la liberté de gestion de l’entreprise et à la protection du couple en cas de liquidation judiciaire. Toutefois, les évolutions juridiques, judiciaires et sociétales tendent à en limiter les effets.

BON À SAVOIR
Le choix d’un régime matrimonial n’est pas figé. Il peut être modifié, d’un commun accord entre les époux, en fonction de l’évolution de leur situation familiale, professionnelle ou patrimoniale. Le notaire peut être sollicité à tout moment pour éclairer les époux sur l’opportunité d’un tel changement et les conditions de sa réalisation.

Henri-Paul JAUFFRET
Notaire à Palaiseau
Membre de la Chambre des Notaires de l’Essonne

  • Quel régime matrimonial pour les professions libérales ? Par Henri-Paul Jauffret, notaire

Commenter cet article

Vous pouvez lancer ou suivre une discussion liée à cet article en cliquant et rédigeant votre commentaire. Votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé. Nous ne publions pas de commentaires diffamants, publicitaires ou agressant un autre intervenant.

A lire aussi dans la même rubrique :

L’État au coeur des familles : quelle place pour le généalogiste ?

La déshérence successorale, une problématique universelle ? « L’État héritier » n’est pas un modèle naturel dans toutes les sociétés. Sous la dynastie Choson en Corée (1392-1910) par exemple, le terme « succession » était quasi inexistant, l’utilisation de (...)

Lire la suite ...

Déclaration domiciliaire citoyenne : bientôt une obligation ?

4,6. C’est le nombre de fois que nous déménageons au cours de notre vie. Cela peut sembler peu, et pourtant, les Français sont mobiles : chaque année, ils sont près de 3 millions à changer de résidence principale [1]. Mais une fois les cartons déballés, (...)

Lire la suite ...

Loi sur le changement de nom : 1 an déjà !

Plus de 70 000 demandes en un an Depuis juillet 2022, plus besoin de passer par la case tribunal pour changer de nom. La loi sur le choix de nom [9] permet à tout français majeur de modifier son nom de famille une fois dans sa vie. Chaque (...)

Lire la suite ...

Bientôt un règlement européen sur la filiation ?

La Commission en faveur d’une reconnaissance mutuelle automatique de la filiation La proposition de règlement COM(2022) 695 final, adoptée le 7 décembre 2022, a pour but de créer un socle commun de règles de droit international privé relatives à la (...)

Lire la suite ...