Fondements juridiques de la convention de concubinage
En vertu du principe de la liberté contractuelle prévu à l’article 1102 du Code civil, les concubins peuvent, sous réserve du respect des dispositions d’ordre public, organiser les modalités de leur vie commune au moyen d’un contrat. Ce dernier pourra avoir pour objet l’administration des biens acquis en commun, la contribution aux charges de la vie commune, voire, dans une certaine mesure, les conséquences de la rupture du concubinage. La convention de concubinage s’inspire du droit des obligations contractuelles et emprunte certains principes au régime du Pacte civil de solidarité sans pour autant en revêtir la force normative spécifique.
À cet égard, elle s’analyse en un contrat innommé, régi par les dispositions de droit commun des contrats. Si l’adage « pacta sunt servanda » trouve pleinement à s’appliquer à la convention de concubinage, encore faut-il en délimiter le périmètre. Il est admis que les concubins peuvent y stipuler des clauses relatives à : la répartition des charges courantes, les modalités d’acquisition et de gestion des biens communs, notamment en indivision, régie par les articles 815 et suivants du Code civil, ainsi que l’occupation du logement commun en cas de rupture. Toutefois, la convention de concubinage trouve ses limites dans le respect des principes d’ordre public.
Ainsi, une clause prévoyant une obligation de fidélité ou une pénalité en cas de rupture serait réputée nulle, conformément à la jurisprudence constante qui prohibe toute atteinte à la liberté individuelle [1].
La cessation du concubinage entraîne l’extinction de la convention. Si la rupture est libre, elle peut néanmoins donner lieu à réparation en cas de faute prouvée en application de l’article 1240 du Code civil, notamment lorsque l’un des concubins a sciemment trompé l’autre sur la pérennité de la relation [2].
La restitution des biens indivis est soumise au droit commun de l’indivision, et l’éventuelle indemnisation de l’un des concubins pourra être envisagée en cas d’enrichissement sans cause.
Régime juridique et opposabilité aux tiers
La convention de concubinage revêt la nature d’un contrat synallagmatique lorsqu’elle crée des obligations réciproques entre les parties. En pratique, elle peut être conclue sous seing privé ou faire l’objet d’un acte authentique devant notaire, ce qui confère aux obligations qu’elle contient une force exécutoire accrue res judicata.
Toutefois, son opposabilité aux tiers demeure limitée. Contrairement au Pacs, qui confère un statut légal, article 515-1 du code civil spécifique aux partenaires, la convention de concubinage ne produit d’effets qu’inter partes. Il en résulte que les tiers, notamment les créanciers, ne sont pas liés par les stipulations de la convention, sauf à rapporter la preuve d’un engagement contractuel spécifique.
En conclusion
Loin d’être un simple engagement moral, la convention de concubinage constitue un outil juridique pertinent d’organisation patrimoniale et personnelle. Elle permet aux concubins de pallier l’absence de régime légal en encadrant les aspects financiers et matériels de leur union.
Toutefois, ses effets se heurtent aux impératifs d’ordre public et à l’absence de reconnaissance légale en tant que statut. Une réforme du droit du concubinage mériterait, en ce sens, d’être envisagée afin d’harmoniser ses effets avec les autres formes d’union reconnues par le droit positif.
Notes :
[1] Cass. 1re civ., 3 février 1999, n° 97-11.097.
[2] Cass. 1re civ., 4 janvier 2005, n° 03-19.702.
Antoine Aufrand
Fondateur Gérant - Cabinet Hypérion Stratégie