« L’hyperlégifération enchante les angoissés du vide juridique. Elle est active en crédit immobilier aux consommateurs. »
Le contexte
Depuis le 20 décembre 2019, le Haut Conseil de Stabilité Financière (ou « HCSF ») impose des « normes » d’octroi de crédit immobilier aux consommateurs visant à « prévenir une dynamique excessive de l’endettement des ménages (sic) » [1].
Depuis le 1er janvier 2022, le HCSF présente ces « normes » limitant l’octroi de crédit immobilier comme dotées d’un caractère juridiquement contraignant [2]. Mais ces « normes » d’octroi s’ajoutent à celles déjà existantes, visant les mêmes buts, notamment l’obligation de mise en garde en crédit et l’obligation de conseil en crédit du Courtier Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement (IOBSP).
Un désordre juridique en matière d’obligations précontractuelles en crédit immobilier aux consommateurs, accru depuis le 1er janvier 2022
Jusqu’en 2016, l’octroi du crédit immobilier aux consommateurs était encadré par « l’inusable obligation jurisprudentielle de mise en garde, à la conception spectaculairement ratée » :
- une technique bancaire d’octroi de crédit aux particuliers se montrait insuffisante pour prévenir le risque de crédit excessif ;
- une jurisprudence d’octroi de crédit, fondée sur l’obligation de mise en garde de l’emprunteur non averti « à raison […] des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts », difficilement maniable.
Depuis, les choses ont changé, mais à peine apparue (en 2016), l’obligation légale de mise en garde en crédit immobilier aux consommateurs est entrée en concurrence avec les « normes » 2022 du Haut Conseil de Stabilité Financière.
Retrouvez la première partie de l’article de Laurent Denis en cliquant sur l’image ci-dessous (site du Village de la Justice) :
Les "normes" du HCSF de 2022 évincent, nécessairement, les obligations précontractuelles des professionnels du crédit immobilier aux consommateurs
Le Droit se fixe pour objectif de préserver les emprunteurs particuliers du risque d’endettement excessif en crédit immobilier. Les obligations dites précontractuelles (en référence au contrat principal de prêt) délivrées par les distributeurs bancaires (agences directes des établissements de crédit et Intermédiaires bancaires) exercent cette fonction primordiale.
Mais s’y ajoutent depuis le 1er janvier 2022 les principes d’octroi du HCSF, au même objectif. Le droit en vigueur (art. L. 313-12, et s. R. 313-13 et s. du Code de la consommation) était pourtant suffisamment précis et clair pour autoriser l’octroi de crédit immobilier aux consommateurs dans de bonnes conditions, juridiques et financières. Pourtant, une couche juridique nouvelle s’est imposée, arrivant par un conduit normatif inusuel : le HCSF présente ses « normes » d’octroi de crédit immobilier aux consommateurs comme dotées d’un caractère juridiquement contraignant [3].
Conséquence immédiate : les « normes » du HCSF évincent, nécessairement, les obligations précontractuelles des professionnels du crédit immobilier aux consommateurs :
- l’obligation légale de mise en garde en crédit immobilier aux consommateurs se substitue à l’obligation jurisprudentielle de mise en garde en crédit, pour tous les prêts immobiliers aux consommateurs postérieurs au 1er octobre 2016 ;
- poursuivant les mêmes buts, les « normes » d’octroi de crédit immobilier aux consommateurs, imposées par le Haut Conseil de Stabilité Financière, sont supérieures aux obligations précontractuelles de mise en garde et de conseil en crédit immobilier aux consommateurs.
Les distributeurs bancaires, notamment les Intermédiaires en crédit immobilier (IOBSP) ont donc tout intérêt à adapter leurs schémas juridiques aux « normes » dominantes du HCSF en matière d’octroi de crédit immobilier aux particuliers.
Retrouvez l’analyse et les préconisations de Laurent Denis dans la seconde partie de l’article en cliquant sur l’image ci-dessous (site du Village de la Justice) :
Notes :