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[INTERVIEW] « Bâtir de nouveaux ponts entre les greffiers des tribunaux de commerce et les notaires » : entretien avec Victor Geneste, Président du CNGTC

[INTERVIEW] « Bâtir de nouveaux ponts entre les greffiers des tribunaux de commerce et les notaires » : entretien avec Victor Geneste, Président du CNGTC

Depuis la loi n°90-1259 du 31 décembre 1990, la profession de greffier de tribunal de commerce est représentée auprès des pouvoirs publics par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, doté de la personnalité morale et chargé d’assurer la défense de ses intérêts collectifs.

Pour la profession, l’année 2024 a été chargée et les sujets d’actualité nombreux : vie de l’institution, conjoncture de l’immobilier et de la construction, LCB-FT, associations, registre des bénéficiaires effectifs, guichet unique et nouvelles synergies avec le Notariat.

Victor Geneste, Président du CNGTC, a accepté de répondre aux questions de la Rédaction.

Vous avez pris les rênes du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce le 24 janvier 2024. Pouvez-vous nous dresser un premier bilan de vos premiers mois à la tête de l’institution ?

Victor Geneste : J’ai pris mes fonctions dans un contexte économique difficile, mais j’ai eu à cœur de poursuivre l’innovation chère à notre profession et à mes prédécesseurs, en renforçant nos liens avec l’ensemble de nos partenaires.

C’est notamment le cas avec nos partenaires internationaux. Une délégation du Conseil s’est rendue au Québec pour y rencontrer les responsables des registres locaux. Ces rencontres ont abouti à la signature d’un protocole d’entente avec le Registraire des entreprises. Yves Pépin, sous-ministre adjoint des registres du Québec, lequel a participé à notre Congrès annuel, qui s’est tenu le 3 octobre à Reims sous le thème de la coopération entre registres francophones.

La profession a également été mobilisée par des évolutions réglementaires et législatives, qu’il s’agisse de la mise en place de la procédure de secours du Guichet Unique des entreprises, grâce à notre outil Infogreffe, de la mise en place du nouveau tribunal des activités économiques ou de la révocation de l’accès “grand public” au registre des bénéficiaires effectifs. Nous avons été sollicités sur plusieurs fronts et avons, à chaque fois, répondu présents.


En tant qu’observateur privilégié de l’écosystème entrepreneurial français, que vous inspire la situation actuelle du secteur immobilier et de la construction ?

V. G. : Le secteur immobilier est l’un des plus exposés aux crises, notamment à l’inflation et aux conflits. Notre baromètre national des entreprises en témoigne : le secteur de l’immobilier semble évoluer à contre-courant de la tendance observée pour la moyenne des entreprises. Par exemple, alors que la création d’entreprises a augmenté de 9 % au premier semestre 2024 par rapport à l’année précédente, la création d’entreprises dans le secteur immobilier a, quant à elle, diminué de 8 %.

Dans notre dernier baromètre, nous avons ajouté un indicateur révélateur : les ordonnances portant injonction de payer. Elles témoignent généralement des premières difficultés des entreprises, et sont un indicateur fort de la santé du tissu entrepreneurial. En regardant cet indicateur, il apparaît que les secteurs de l’immobilier et de la construction sont aux antipodes. La construction est, en volume, le secteur le plus touché, avec plus de 15 000 ordonnances sur le premier semestre, mais ce nombre diminue de 23 % à un an d’intervalle. À l’inverse, un peu plus de 2 500 ordonnances ont été émises à l’encontre d’entreprises du secteur immobilier, une hausse de + 21 %.

Globalement, les indicateurs montrent donc que ces deux secteurs sont exposés aux crises multiples, mais qu’ils ne réagissent pas simultanément. C’est aussi une tendance que mes confrères constatent jour après jour dans leurs greffes.

Vous avez publié en mai dernier un livre blanc sur la contribution des greffiers à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT). Quelles sont les principales recommandations issues de vos travaux ?

V. G. : Effectivement, nous avons publié un livre blanc de quinze propositions pour renforcer l’efficacité de l’arsenal de lutte anti-fraude.

Ces quinze mesures se résument en 3 axes principaux :

  • cinq propositions pour renforcer les missions de police économique au service de la transparence ;
  • cinq propositions pour doter l’écosystème de la LCB-FT d’outils facilitant les missions des autorités et des assujettis ;
  • et cinq propositions pour gagner en efficacité dans la tenue du registre des bénéficiaires effectifs.

Nous avançons des mesures fortes, comme l’interconnexion du RNIPP et du RCS, la restauration de l’obligation de déclaration des chaînes de propriété au RBE, que nous défendons avec Transparency International, ou encore la sécurisation du secteur associatif ayant une activité économique.

Avec ces propositions, nous souhaitons agir très concrètement pour plus de sécurité et pour faciliter les missions des autorités et des acteurs privés engagés dans la lutte contre la criminalité financière. Avec Didier Oudenot, délégué national à la lutte contre la fraude du Conseil national, et Thomas Denfer, président honoraire, nous avons d’ailleurs présenté nos constats et propositions dans le cadre d’une audition par la Commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic.

Vous avez alerté sur les risques de blanchiment et de fraude entourant les associations. Pouvez-vous nous en dire plus ?

V. G. : Le secteur associatif est un secteur majeur en France, représentant plus de 1,5 million de structures. Pourtant, l’arsenal législatif n’est aujourd’hui pas à la hauteur des enjeux posés par ces structures. Les associations échappent largement aux mesures mises en œuvre depuis plusieurs années, ce qui ouvre la porte à un certain nombre de dérives : il n’est pas rare que des structures associatives soient utilisées comme couverture pour des activités criminelles.

Notre proposition s’inspire de ce qui se fait chez nos partenaires européens, notamment en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et en Pologne : il existe un registre des personnes morales qui regroupe non seulement les sociétés commerciales et les sociétés civiles, mais également les associations. De plus, dans tous les États membres de l’UE, les associations sont tenues de déclarer les bénéficiaires effectifs de leurs structures. La France a pris des mesures pour remédier à cet état de fait, mais de fortes marges d’amélioration demeurent sur ce sujet.

Nous proposons donc de soumettre les OBNL (organisations à but non lucratif) qui exercent une activité économique, à l’obligation de déclaration au RCS. Cela permettrait aux tiers de disposer d’informations juridiques fiables, car contrôlées (identité des dirigeants, siège, statuts...), d’éléments financiers (dépôt des comptes annuels) et de données sur les bénéficiaires effectifs. Les greffiers des tribunaux de commerce peuvent s’appuyer sur leur expertise et leur expérience dans la tenue des registres pour relever ce défi.


À la suite d’une décision de justice européenne, l’accès au registre des bénéficiaires effectifs (RBE) a été restreint à compter du 31 juillet. Quelle est votre position sur ce sujet ?

V. G. : L’accès au registre des bénéficiaires effectifs pour le grand public a effectivement été restreint, en application d’une décision de la cour de justice de l’union européenne datant de novembre 2022 et concernant un conflit entre la protection des données personnelles et la transparence des informations financières. Nous respectons la décision des juridictions compétentes, d’autant plus que celui-ci reste ouvert aux personnes disposant d’un intérêt légitime : les journalistes et les organismes qui agissent sur ces sujets peuvent donc formuler une demande et conserver l’accès à ces informations.

La mise en œuvre de cette décision a pris plus d’un an, car il convenait de disposer du cadre juridique au niveau européen pour s’assurer qu’en renforçant la protection de la vie privée, la transparence était maintenue. Cette transparence est un sujet cardinal de l’action du Conseil national. C’est une ambition que nous savons cultiver en la conciliant toujours avec l’impérieux impératif de protection des données personnelles.

Le guichet unique des formalités a « défrayé la chronique » après son lancement. La situation est-elle en voie de stabilisation pour les entreprises ?

V. G. : Nous avons effectivement constaté le nombre important de dossiers qui ont afflué vers les greffes en raison des dysfonctionnements du guichet unique. La profession s’est entièrement mobilisée pour mettre en place une procédure de secours via notre G.I.E. Infogreffe, une procédure qui est encore d’actualité en ce moment.

Après deux années de procédures de secours, il apparaît clairement que l’outil n’a pas tenu ses promesses. Les dysfonctionnements et bugs divers perdurent.

Par ailleurs, l’accompagnement est largement insuffisant car il n’existe plus de guichets physiques pour accompagner les déclarants. Les greffiers des tribunaux de commerce, dont l’expertise dans la validation des formalités est depuis toujours reconnue, ont pourtant proposé d’assurer l’accompagnement physique des chefs d’entreprises à travers leurs 141 points d’accès au service public en métropole et outre-mer.

Au-delà de l’accompagnement, il convient de souligner que la fin de l’année 2024 sera décisive. La profession attend du gouvernement une réponse pérenne aux difficultés jusqu’ici rencontrées.


Les greffiers ont des relations privilégiées avec le monde du Notariat. Quels sont les projets que vous souhaiteriez mener conjointement avec la profession pour développer davantage les synergies ?

V. G. : Les greffiers et les notaires partagent en effet le statut d’officier public et ministériel. Par ailleurs, les notaires effectuent auprès du registre du commerce et des sociétés, de nombreuses formalités pour leurs clients. Nos deux professions sont également assujetties à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Sur ce sujet, de nombreuses actions conjointes peuvent être menées. Enfin, nous partageons la volonté de promouvoir le modèle français à l’international et précisément au sein de la francophonie. Des échanges ont été initiés dans ce cadre afin de mutualiser nos expériences.

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