Rendement en hausse dans un contexte tendu
Au cours des dernières années, les perspectives de rendement offertes par les projets de financement participatif immobilier ont montré une relative stabilité, oscillant entre 9,1 % et 9,6 % en moyenne annuelle de 2017 à 2022. Depuis 2023, une dynamique positive s’est installée, avec des rendements moyens atteignant 9,9 %, pour atteindre un pic de 10,7 % à la fin mars 2024. À première vue, cette dynamique peut sembler attrayante, mais elle intervient dans un contexte économique dégradé pour le secteur immobilier. La remontée des taux d’intérêt, la baisse du nombre de transactions immobilières et la pression accrue sur les porteurs de projets soulèvent des interrogations quant à la réalisation effective de ces rendements.
Retards de remboursement : une tendance inquiétante
Parallèlement, un autre phénomène préoccupant émerge : les retards de remboursement. Selon l’AMF, environ 30 % des projets en cours au 31 mars 2024 accusent des retards, certains ayant conduit à des procédures collectives ou à des pertes définitives. Les projets financés en 2020 et 2021 sont particulièrement touchés, avec des taux de retard significatifs de 20,1 % et 36,9 %, respectivement, deux ans après leur lancement. En 2023, un ralentissement notable de la collecte a également été observé, après une année 2022 record, un signal qui ne doit pas être ignoré.
L’un des enjeux majeurs soulevés par l’AMF réside dans l’équilibre entre les rendements attractifs présentés par les plateformes et les risques réels auxquels sont confrontés les investisseurs. Bien que les taux de pertes définitives demeurent modérées pour le moment, il est important de souligner que les pertes totales ne sont pas immédiates et peuvent prendre plusieurs années avant d’être constatées. En revanche, les retards de remboursement du capital et des intérêts, bien qu’ils ne conduisent pas systématiquement à une perte définitive, sont souvent sous-estimés dans les statistiques communiquées. À titre d’exemple, pour les projets financés en 2019, le taux de retard affiché était de 15,2 %, mais si l’on prend en compte les retards sur les remboursements d’intérêts, ce taux grimpe à 60,2 %.
Des montages financiers risqués pour les investisseurs
Un autre aspect souligné par l’AMF est le modèle financier souvent adopté par les projets de financement participatif immobilier. Ceux-ci reposent sur des structures à forte asymétrie des risques : les porteurs de projets mobilisent peu de fonds propres et s’appuient largement sur l’endettement financé par les investisseurs. Si cette approche permet aux porteurs de projets de maximiser leur effet de levier, elle transfère une part significative des risques aux investisseurs, notamment en cas de retard ou d’échec du projet. En conséquence, ces derniers pourraient se retrouver à perdre une partie de leur capital investi, sans pour autant bénéficier pleinement des gains en cas de succès. Les investisseurs ne peuvent, en effet, espérer qu’un remboursement du montant initialement prêté, assorti des intérêts, sans partager véritablement les bénéfices générés par le projet.
L’appel à une plus grande transparence
Face à ces risques, l’AMF insiste sur la nécessité d’une plus grande transparence de la part des plateformes de financement participatif immobilier. Il devient essentiel que les rendements publiés par ces dernières soient clairement distingués des performances réelles des projets, en prenant en compte l’ensemble des retards et incidents de paiement. Une meilleure granularité des indicateurs, incluant les retards sur les projets déjà remboursés, ainsi qu’une évaluation des risques de liquidité et de pertes en capital, permettrait aux investisseurs de mieux comprendre les risques réels associés à ces placements.
Pour aller plus loin :
Notes :
Christian-Olivier Kajabika
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)