Pouvez-vous nous présenter brièvement SYAGE Notaires ?
Pascal Lebeau : SYAGE Notaires a été créée en 2002. L’entreprise est restée une petite étude jusqu’à ce que nous la reprenions, Romain Cabanac et moi-même. Geoffroy Padovani, spécialiste en droit public, est venu nous rejoindre très rapidement. Nous dirigeons tous les trois l’étude. Ensuite, plusieurs jeunes associés sont venus nous rejoindre pour accompagner le développement de notre activité.
Nous sommes implantés à Bordeaux, Arcachon et Biarritz. SYAGE est composée actuellement de huit notaires associés. Nous sommes une étude généraliste composée de spécialistes et nous couvrons ainsi de nombreux pans de l’activité notariale.
La gestion de patrimoine est l’une de nos compétences-clé. Il s’agit d’une activité générale mais qui comporte nombreuses spécificités. Cette gestion de patrimoine est classique ou « subie » lorsque nous réglons l’ensemble des successions et des divorces. Il s’agit aussi d’une gestion « voulue » lorsque nous accompagnons les transmissions privées ou professionnelles, dans le cas des cessions d’entreprises par exemple.
Nous hébergeons au sein de l’étude une activité un peu moins connue dans le métier, il s’agit du financement. Nous sommes ainsi les notaires de plusieurs banques.
Enfin, bien entendu, la partie la plus connue des notaires, qui est l’immobilier. Là encore, notre champ d’intervention est vaste puisqu’il couvre l’immobilier des particuliers et celui des professionnels.
L’activité de l’office s’est beaucoup développée ces dernières années. D’où vous vient cette passion pour l’art ?
P. L. : Il n’y a pas que moi bien sûr, nous sommes plusieurs à l’étude à partager cette passion.
Exposer des œuvres d’art, c’est une façon de communiquer, de créer du lien entre les personnes. Nous nous définissons comme une entreprise citoyenne, et cette volonté est vraiment partagée entre l’équipe dirigeante et l’ensemble de nos collaborateurs. Selon nous, ce n’est pas parce que nous sommes notaires que nous ne sommes pas une partie intégrante de la Cité. Et être dans la cité, c’est aussi avoir des plaisirs, faire de belles rencontres et créer des liens forts entre les personnes. Donc, nous avons réellement une volonté de partage avec nos clients et nos collaborateurs.
Notre engagement en faveur de l’art est très bien perçu parce que les gens aiment que nous sortions du cadre traditionnel du métier de notaire. Bien entendu, pour notre profession, l’essentiel, c’est d’être rigoureux, honnête et compétent dans l’exercice quotidien du métier. Mais, si le notaire n’a que cela à offrir, il ne réussira pas totalement. Il doit aussi rayonner. Et de mon point de vue, pour rayonner, le développement d’une entreprise citoyenne est fondamental. L’art en fait évidemment partie.
À l’occasion du vernissage de votre dernière exposition, vous avez dit « L’art, comme le droit, est un pont entre les individus, un moyen de créer du lien et de donner du sens à nos actions. Loin d’uniformiser le monde il permet de le rendre différent et donc forcément beaucoup plus humain ». Pouvez-vous détailler davantage votre propos ?
P. L. : Le droit crée un cadre qui est indispensable à la vie en société. Il impose des règles, mais ces règles sont parfois, voire souvent complexes et nécessitent une interprétation jurisprudentielle.
À l’inverse, l’art est fondamentalement différent, puisque par définition il n’entre dans un aucun cadre normatif. Il laisse libre cours à la pensée. Il est de fait éminemment complexe.
De fait, qu’allons-nous retenir lorsque nous sommes en contact avec l’art ? Ce sont bien les émotions générées et vous savez que les émotions gouvernent les sentiments. C’est bien la magie de l’art de créer cela et c’est formidable !
Donc, en suscitant des émotions, l’art permet de construire des ponts entre les individus. Ces émotions créent ainsi des interactions sociales riches. Elle se révèlent prosaïquement très bénéfiques pour l’image de l’étude. Elles le sont aussi pour notre propre bonheur et pour le plaisir de vivre ensemble. Selon moi, dans notre monde, ces passerelles sont indispensables à la vie en société.
Comment sélectionnez-vous les artistes qui exposent dans vos locaux ?
P. L. : Nous ne sommes pas encore directement sollicités par des artistes parce que notre notoriété dans l’art reste encore locale et confidentielle. Il s’agit plutôt d’évènements organisés à l’issue de rencontres qui nous ont marqué. Pour le moment, nous recherchons plutôt des artistes locaux, qui ont le potentiel d’avoir un rayonnement national ou international. C’est aussi la proximité qui fait que nous allons pouvoir les recevoir et les exposer dans les meilleures conditions.
Le champ des possibles dans l’art est par définition très vaste. Certes, nous n’organiserons pas de concert parce que l’étude ne s’y prêterait pas. Nous ne proposerons pas toujours des expositions classiques de peinture ou de sculpture. Nous envisageons par exemple un événement autour de la photographie. Nous avons aussi un projet d’exposition de montres anciennes.
Nous pensons aussi proposer des évènements éphémères qui ont du sens. Par exemple un sujet de société, comme un débat littéraire ou bien une conférence animée par un professeur de philosophie. Ce serait bien sûr l’occasion de convier quelques-uns de nos clients.
En fait, nous ne nous interdisons absolument rien. Vous voyez, nous sommes épicuriens et nous intéressons à tout ce qui fait partie des plaisirs de la vie.
Avez-vous déjà programmé des expositions en 2025 ?
P. L. : Bien entendu, nous souhaitons demain accélérer la fréquence de nos évènements culturels. Nous avons l’ambition de proposer à brève échéance deux à trois événements par an. Dès lors que nous trouverons des sujets qui résonneront en nous, nous les présenterons bien sûr au public.
Pour l’instant, nous demeurons encore au stade de l’expérience, nous avons l’humilité de dire que nous ne sommes que des amateurs et non des professionnels de l’art. Cependant, nous structurons clairement notre communication autour de l’entreprise citoyenne.
Nous sommes une étude provinciale et la culture, elle n’est pas qu’à Paris, elle est aussi très vivante et riche en province. Le dynamisme culturel existe dans tous les territoires et c’est heureux. Et il faut sortir aussi des sentiers battus. Mon collaborateur Nathan Libat ne fait que du marketing. Il n’est pas du tout issu du monde du droit. Est-ce qu’il y a beaucoup de notaires qui ont quelqu’un qui fait du marketing pour leur étude ? Je n’en suis pas sûr.
Utilisez-vous le dispositif du « leasing » d’œuvres d’art ?
P. L. : Non, notre approche n’est absolument pas mercantile. Nous ne cherchons pas un profit personnel ou à générer une économie fiscale en achetant des œuvres d’art.
En revanche, nous souhaitons ancrer SYAGE dans la durée et créer notre propre histoire. Nous sommes encore une étude très jeune et mon ambition, c’est que SYAGE perdure après ses fondateurs. C’est aussi une conviction. Encore une fois, qu’est-ce que le client va retenir de la relation qu’il entretient avec son notaire ? Bien entendu, le critère de la compétence est fondamental, mais pas uniquement. L’aspect émotionnel est tout aussi important. La relation entre le professionnel du droit et son client est basée sur une confiance mutuelle qui mêle subtilement la compétence et les émotions. C’est cette alchimie qui crée une histoire originale et lorsque nous créons cette histoire, nous avons ensuite la légitimité pour la transmettre. Après, les générations futures pourront s’en inspirer ou au contraire s’en détacher, mais là, c’est un tout autre sujet.
Vous pouvez également retrouver cet entretien en page 28 du Journal du Village des Notaires n°106.
Propos recueillis par Axel Masson