Bienvenue sur le site des Experts du patrimoine

Site de référence d’information juridique pour tout ce qui concerne les problématiques patrimoniales Notaires, professionnels de l’immobilier, de la gestion de patrimoine, de la banque, des finances et de l’assurance vous disent tout !

Nouveau !

Devenez auteur !

Retrouvez aussi l’actualité des legs et donations / rubrique associations

+ management des offices
Pères séparés ou divorcés : jusqu'à quand payer la pension alimentaire de votre enfant devenu majeur ?

Pères séparés ou divorcés : jusqu’à quand payer la pension alimentaire de votre enfant devenu majeur ?

Aujourd’hui, près d’un million de familles touchent une pension alimentaire d’après les chiffres publiés par la Caisse d’Allocations Familiales l’année dernière.
En effet, en cas de séparation ou de divorce, le parent qui se voit accorder la garde des enfants bénéficie le plus souvent du versement d’une pension alimentaire.
En France, consécutivement à un divorce, lorsque la mère obtient la garde des enfants (garde exclusive), il appert que le père verse une pension alimentaire dans 83 % des cas. À l’inverse, lorsque c’est ce dernier qui se voit accorder la garde des enfants, la mère verse une pension alimentaire dans 36% des divorces.

Ainsi, factuellement, au regard de ces éléments chiffrés, cet article s’adresse en priorité aux pères qui s’interrogent sur leurs droits et devoirs s’agissant du versement de la pension alimentaire. Toutefois, les informations du présent texte trouvent évidemment à s’appliquer pour les mères de famille qui seraient concernées par l’obligation de verser une pension alimentaire à l’autre parent.
Ainsi, le parent débiteur d’une pension alimentaire doit-il continuer de la payer une fois l’enfant devenu majeur ?
Cet article est l’occasion de faire d’y répondre et de faire le point sur la pension alimentaire.

Il existe un principe directeur selon lequel le parent débiteur du paiement d’une pension alimentaire est tenu de continuer à en assurer le paiement, y compris lorsque l’enfant devient majeur, tant que celui-ci n’est pas autonome financièrement. Le non-respect de cette obligation est susceptible d’entrainer de sérieuses difficultés, y compris des poursuites au plan pénal (1).

Ce principe n’est toutefois pas absolu : le parent créancier et l’enfant majeur sont en effet tenus de respecter certaines conditions (2).

Lorsque ces conditions ne sont pas respectées ou s’il fait face à des difficultés sérieuses, le parent débiteur dispose de moyens d’action pour agir (3).

La procédure est toutefois spécifique et justifie que certaines précisions soient apportées (4).

Enfin, certains conseils peuvent être appliqués pour prévenir d’éventuelles difficultés (5).

1) Le principe : peu importe la majorité, le parent débiteur d’une pension alimentaire doit continuer d’en honorer le paiement jusqu’à l’autonomie financière de l’enfant.

En droit, aux termes de l’article 371-2 du Code Civil :

« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.
Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l’autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l’enfant est majeur
 ».

L’obligation de contribuer à l’entretien de l’enfant trouve ainsi sa source dans un fondement légal et moral :

En vertu de la loi, les parents ont en effet l’obligation légale de subvenir aux besoins de leurs enfants.

Ainsi, le principe est le suivant : sauf circonstances particulières, le versement de la pension alimentaire ne cesse pas systématiquement lorsque l’enfant atteint la majorité puisqu’il doit être poursuivi jusqu’à ce que celui-ci ait acquis son autonomie financière.

En effet, la circonstance que l’enfant devienne majeur ne met pas fin à l’obligation alimentaire puisque la majorité nouvelle acquise n’entraine pas de facto une indépendance financière.

Le plus souvent, l’enfant entame des études supérieures ou se met à la recherche d’un premier emploi, ce qui signifie qu’il demeure un certain temps encore à la charge de ses parents.

De ce fait, le parent débiteur de la pension alimentaire ne peut cesser de manière unilatérale d’en verser le montant ou de le réduire au seul motif que l’enfant est devenu majeur ou ne poursuit pas ses études et doit continuer à s’en acquitter tant qu’il n’y a pas eu de saisine du juge aux affaires familiales.

Cela signifie concrètement que le versement ne pourra cesser que lorsque l’enfant majeur sera en mesure de subvenir seul à ses besoins, par l’obtention notamment d’un emploi régulier et stable qui lui permette d’être autonome financièrement [1].

Ainsi, aux termes d’une jurisprudence ancienne et bien établie, le juge retient que l’obligation alimentaire perdure pendant toute la durée des études supérieures de l’enfant, ainsi que pendant la recherche du premier emploi de l’enfant, à la condition évidente qu’elle soit effective et sérieuse [2].

Le non-respect de son obligation par le parent débiteur d’une pension alimentaire n’est pas sans conséquence puisqu’il s’expose à des sanctions de nature civile mais également pénale.

- Au plan civil :

Il est à noter que tant qu’il n’y a pas eu de saisine du juge aux affaires familiales, la pension alimentaire doit continuer d’être versée sous peine de sanctions.
En effet, si le parent débiteur décide de diminuer ou de stopper le versement, le parent créancier ou l’enfant majeur, le cas échéant, disposera de voies de recours afin que la somme soit versée, en application du jugement fixant l’attribution et les modalités de la pension alimentaire.
Selon la situation de l’espèce, il sera notamment possible de faire intervenir la Caisse d’Allocations familiales (CAF) dans le cadre de l’intermédiation financière ou d’engager le paiement par une saisie en recourant au service d’un huissier de justice.

- Au plan pénal :

L’article 227-3 du Code pénal dispose que :
« Le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou l’un des titres mentionnés aux 2° à 6° du I de l’article 373-2-2 du Code civil lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le Code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (…) ».

Ainsi, les conséquences ne sont pas négligeables puisque le défaut de paiement de la pension alimentaire pendant une durée supérieure à deux mois expose le parent débiteur à des poursuites pénales pour abandon de famille.

De ce fait, lorsque le parent débiteur de la pension alimentaire estime que son versement n’est plus justifié, il lui faudra obtenir l’accord de l’autre parent (ou enfant majeur) pour stopper le paiement. Les parents peuvent en effet convenir d’un commun accord (entre le débiteur et le créancier) que le montant de la pension soit diminué. En principe, un tel accord amiable n’aura aucune valeur juridique mais il est possible d’en demander l’homologation par le juge aux affaires familiales, lequel vérifiera à si celui-ci est cohérent au regard de la nouvelle situation des parents et respecte l’intérêt de l’enfant. Dès lors, l’accord homologué aura force exécutoire.

À défaut d’un tel accord, le parent débiteur devra saisir le Juge aux Affaires Familiales pour faire constater l’extinction de cette obligation (voir troisième partie ci-après).

2) Un principe conditionné.

Toutefois, le versement de la pension alimentaire n’est évidemment pas dû ad vitam æternam pour l’enfant majeur.

En effet, la jurisprudence rappelle régulièrement que si la pension alimentaire d’un mineur est un droit absolu, la pension d’un jeune majeur - contrairement à certaines idées reçues - est un droit conditionnel (soumis à des conditions) :

« qu’attendu cependant que le domaine de l’obligation d’entretien est essentiellement celui de l’éducation et de la préparation de l’avenir ; qu’alors que le mineur a un droit absolu à être aidé financièrement, le jeune majeur n’a qu’un droit conditionnel lié au fait qu’il ne peut lui-même subvenir à ses besoins [3] ».

Ainsi, la poursuite du paiement de ladite pension est en effet conditionnée au respect de plusieurs conditions.

• L’enfant devenu majeur doit notamment suivre avec assiduité ses études (avoir un projet cohérent et ne pas aller d’échecs en échecs) ou, s’il ne poursuit pas d’études, s’atteler avec sérieux à des démarches de recherche d’emploi.

• Trop souvent négligé ou sciemment oublié, il doit par ailleurs justifier de sa situation ou de ses démarches auprès du parent qui verse la pension.

Dans une situation considérée comme normale, le bon sens - et la morale - veulent que ces informations soient présumées être communiquée spontanément par l’enfant à son parent, puisque celui est supposé avoir, mais également parce qu’il reçoit du parent débiteur une contribution financièrement pour mener à bien ses projets scolaires et/ou professionnels.

Toutefois, lorsque tel n’est pas le cas, le droit permet de fixer un cadre et des règles afin de prévenir les éventuels abus.

Ainsi, la jurisprudence rappelle régulièrement qu’il appartient à l’enfant majeur d’adresser des éléments permettant de justifier de sa situation.

C’est ce qu’à rappeler très récemment la Cour d’Appel de Toulouse :
« Néanmoins, Madame X, majeure, ne justifie pas par le biais de sa mère de ce qu’elle serait actuellement toujours à charge : dès lors, il sera statué à nouveau et la contribution supprimée à compter du présent arrêt (…) [4] ».

Par conséquent, tirant les conséquences de cette absence de justification relative à la situation de l’enfant majeur, la cour ordonnait la suppression de la contribution paternelle à l’entretien et l’éducation de celui-ci.

Cet arrêt permet également de souligner que lorsque la pension alimentaire continue d’être versée à l’autre parent et n’est pas directement versée à l’enfant, le parent créancier (le plus souvent la mère) est également tenu d’informer le parent débiteur de la situation de l’enfant majeur.

C’est ce que rappelle la Cour d’Appel de Rouen dans son dispositif :

« Fait obligation à Madame X de justifier trimestriellement auprès du père, à compter de la présente décision, de la situation scolaire ou professionnelle de son fils majeur, pour bénéficier de la contribution paternelle à son entretien [5] ».

Plus récemment encore, la Cour d’Appel de Bordeaux a rappelé que la condition tenant à l’information du parent débiteur de la pension alimentaire devait être respectée par le parent créancier :

« (…) La décision déférée a relevé cette absence totale d’informations du père sur la situation de l’enfant majeur, laquelle n’a été justifiée par la mère qu’à l’occasion de la procédure engagée par M. X, s’agissant tant de la scolarité de l’enfant majeur (…), puis de son admission dans l’enseignement supérieur (…) que de la santé.
(…) Dès lors, les conditions de maintien du versement de la contribution paternelle à Mme X, posées par les dispositions de l’article 373-2-5 du Code civil ne sont pas réunies, faute pour l’appelante de justifier qu’elle avait toujours la charge effective de l’enfant majeur à la date du jugement contesté, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur l’absence de liens entre le père et l’enfant majeur, constat que la cour ne peut que déplorer (…).
Il convient en conséquence, par substitution de motifs, de confirmer la décision déférée, en ce qu’elle a déchargé M. X de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de X (enfant majeur)
 [6] ».

Revenons plus en détail sur les deux principales situations :

-  Enfant majeur étudiant  :

Ainsi, lorsque l’enfant devenu majeur poursuit des études, il doit communiquer au parent qui verse la pension alimentaire (le plus souvent le père) les informations relatives à sa scolarité (université choisie, école, structure, formation) et fournir un justificatif d’inscription, certificat de scolarité ou encore ses relevés de notes .

Ce dernier document est en effet important car il permet de mesurer l’implication et la réussite de l’enfant majeur dans son projet. Ainsi, même si ce seul critère ne saurait être suffisant pour apprécier l’investissement de l’étudiant, il sera permis de douter du sérieux d’une année d’étude dans le supérieur avec une moyenne très faible ou avec des absences répétées aux cours, voire aux examens.

-  Enfant majeur en recherche d’emploi  :

Lorsque l’enfant majeur fait le choix de ne pas se lancer dans des études et décide d’entrer dans la vie active, il devra alors justifier d’une recherche effective d’emploi et de démarches sérieuses.

En effet, la jurisprudence rappelle régulièrement que le paiement de la pension alimentaire à un enfant majeur n’a pas pour objectif de financer un état d’inertie ou d’oisiveté mais bien de l’accompagner vers l’indépendance, de telle sorte que celui-ci doit se montrer proactif dans ses démarches.

Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que les justificatifs communiqués au parent débiteur de la pension devront être parfaitement authentiques.

En effet, il convient de rappeler - pour les parents ou enfants majeurs qui seraient tentés de falsifier ou de dissimuler certaines informations (fausse attestation de scolarité ou de France Travail) dans le but d’amener le juge à maintenir la pension alimentaire – que l’obtention d’un jugement par des moyens frauduleux relève de la qualification d’escroquerie et qu’ils pourraient ainsi se voir condamnés sur ce fondement, aux termes des dispositions de l’article 313-1 du Code pénal [7].

3) Le recours du parent débiteur de la pension alimentaire.

Lorsque les conditions précédemment évoquées ne sont pas respectées, le parent débiteur de la pension alimentaire peut-il intenter un recours ?

La réponse est oui.

Par ailleurs, y compris lorsque ces conditions sont respectées mais qu’il rencontre des difficultés, le parent débiteur peut-il engager une procédure ?

La réponse est également oui, mais pour des raisons différentes, ayant de facto une incidence sur la procédure et particulièrement sur les preuves à fournir.

-  Le recours tenant à des éléments relatifs à la situation de l’enfant.

En cas de non-respect des conditions susmentionnées, telles que la fourniture de justificatifs de scolarité ou relatifs à l’activité professionnelle de l’enfant majeur par exemple, le parent débiteur peut engager une procédure pour demander une révision de la pension alimentaire, y compris sa suppression.

La principale difficulté va alors tenir à la charge de la preuve.

En effet, il appartiendra au parent qui fait la demande de révision de la pension de produire des éléments probants permettant de justifier sa demande de révision de la pension.

Dans quelles situations la demande de révision de la pension alimentaire peut-elle apparaitre légitime ?

Quelques exemples peuvent être donnés :

  • L’enfant majeur occupe désormais un emploi
    Auquel cas, bien que souvent difficile, le parent devra rapporter au Juge cette situation en fournissant le plus d’éléments possible.
  • L’enfant ne suit pas avec sérieux ses études
    Cette situation correspond à celle où l’enfant majeur est inscrit pour « la forme » à l’université mais ne va pas ou très peu en cours, ne se présente pas à certains examens ou multiplie les inscriptions à des formations ou études sans réellement s’impliquer.

Ainsi, bien évidemment, l’enfant majeur peut décider de changer d’orientation, abandonner une filière ou modifier son projet professionnel sans que cela n’entache son droit à percevoir la pension alimentaire de la part du parent débiteur.

En revanche, il ne doit pas s’agir de stratagèmes pour demeurer plus longtemps sur les bancs de l’école sans réelle motivation ou objectif.

  • L’enfant majeur a stoppé ses études et est sans réelle activité (ne recherche pas réellement un emploi)
    Là aussi - et on peut regretter que la charge de la preuve ne soit pas inversée - la démonstration de ce constat n’est pas sans poser de difficultés.

La nécessité pour l’enfant de suivre sérieusement ses études ou d’être actif dans le cadre de sa recherche d’emploi, est régulièrement rappelée par la jurisprudence, à l’instance de l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, qui réaffirme que :

« (…) l’obligation d’entretien des parents vis-à-vis d’un enfant majeur ne poursuivant pas d’études ne peut subsister au-delà d’une certaine période nécessaire pour trouver un emploi ou effectuer un stage ; au-delà de cette période d’adaptation suivant la majorité ou la fin des études, l’obligation d’entretien doit cesser à l’égard de l’enfant majeur physiquement capable d’assurer ses moyens d’existence, même si celui-ci se trouve temporairement sans travail, dès lors qu’il n’est pas rapporté la preuve de recherches sérieuses afin de trouver un emploi (…) [8] ».

  • L’enfant majeur ne fournit aucune information et justificatif sur sa situation
    C’est une situation malheureusement des plus fréquentes. Elle n’est toutefois pas immuable, à la condition d’agir.

À cette fin, le parent débiteur pourra fournir la copie des différentes demandes (sms, mails) demeurées sans réponse.

La Cour de cassation considère en effet « qu’il appartient à celui qui demande la suppression d’une contribution à l’entretien d’un enfant de rapporter la preuve des circonstances permettant de l’en décharger [9] ».

Toutefois, il est admis qu’il est difficile pour le débiteur d’aliment - à nouveau, le plus souvent le père - de rapporter la preuve de l’absence d’implication de son enfant dans un projet de vie stable, soit parce qu’il est privé de tout contact, soit parce qu’il n’a pas d’élément matériel tangible pour justifier ses dires.

Dès lors, il pourra être démontré au juge que le père (ou parent débiteur) a demandé des justificatifs et qu’aucune réponse ne lui a été apportée malgré ses demandes.

  • Le recours tenant à des éléments relatifs à la situation du parent débiteur

Il existe certains cas où le parent débiteur d’aliment cesse d’être tenu de l’obligation alimentaire lorsqu’il est dans l’impossibilité matérielle de verser la pension alimentaire.

Cette impossibilité matérielle ressort d’un arrêt ancien de la Cour de cassation, qui admet qu’un père, lorsqu’il n’est pas dépourvu de ressources, doit contribuer à l’entretien de l’enfant [10].

Plus récemment, la Cour de cassation a admis que n’est pas en mesure « actuellement » de verser une pension alimentaire le père qui est en congé parental et ne perçoit à ce titre que de faibles ressources [11].

Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain et évalue chaque situation au cas par cas.

Toutefois, il est possible de donner des exemples de situations susceptibles de justifier une procédure de révision :
- Baisse de rémunération liée à un licenciement, un accident, un handicap ;
- L’existence de nouvelles charges : arrivée d’un nouvel enfant, crédit immobilier pour accéder à la propriété.

4) La procédure.

Pour initier une procédure relative à une modification ou suppression de la pension alimentaire versée dans l’intérêt d’un enfant devenu majeur, l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire.

Toutefois, dans ce type de procédure, il est plus avisé d’être assisté pour deux raisons essentielles :

- La première tient au fait que l’intervention d’un avocat est susceptible de permettre d’éviter que le litige ne prenne d’emblée une issue contentieuse devant le tribunal.

En effet, préalablement à l’éventuelle saisine du Juge aux Affaires Familiales, votre avocat pourra notamment adresser une lettre de mise en demeure par pli recommandé avec avis de réception afin de tenter de faire respecter amiablement vos droits (en demandant par exemple au parent et/ou à l’enfant majeur créancier les justificatifs de scolarité ou de recherches effectives d’emploi et en précisant qu’à défaut d’exécution dans un délai imparti, il pourra être procédé à la saisine du tribunal)

- La seconde raison tient au fait que cette procédure soulève en le plus souvent des problématiques familiales difficiles à gérer pour le parent qui souhaite l’initier.

En effet, régulièrement, outre l’aspect financier propre au versement de la pension alimentaire, cette procédure confronte le requérant à un combat moral douloureux, notamment lorsque les liens avec l’enfant majeur sont complexes, distants, voire inexistants.

Or, une telle procédure nécessite un recul dont il n’est pas aisé de faire preuve lorsque l’on est émotionnellement impacté.

Le rôle de l’avocat prend ainsi tout son sens car il saura vous accompagner et vous aider à naviguer en gardant un cap et en construisant avec vous la meilleure des stratégies.

- Sur le déroulé même de la procédure :

Il convient de veiller à saisir la juridiction compétente. En l’espèce, le parent débiteur souhaitant obtenir la révision ou l’annulation de la pension alimentaire doit obligatoirement saisir le tribunal du lieu où demeure le créancier.

Le parent débiteur devra toutefois vérifier, préalablement à cette saisine, qu’il n’est pas soumis à une obligation de tentative de médiation familiale préalable obligatoire, qui concerne onze tribunaux judiciaires français (Bayonne, Bordeaux, Cherbourg-en-Cotentin, Evry, Montpellier, Nantes, Nîmes, Pontoise, Rennes, Saint-Denis de la Réunion et Tours).

Si tel est le cas, il devra, sous peine d’irrecevabilité de la procédure devant le Juge aux Affaires Familiales, suivre une réunion d’information sur le process de la médiation et décider ou non de s’y engager.

En cas d’absence ou d’échec de la médiation, la procédure consiste ensuite en une saisine du Juge aux Affaires Familiales, à qui il est possible de demander :

- la suspension, la révision à la baisse ou la suppression de la pension alimentaire faute de justificatifs fournis par le créancier ou en raison de l’impossibilité matérielle du parent débiteur de la pension ;
- d’exiger la production de justificatifs par le parent créancier ou l’enfant majeur ;
- la restitution des sommes indûment perçues par l’enfant majeur qui ne remplit pas les conditions sus-énoncées.

Le montant de la pension alimentaire n’est en effet pas figé dans le temps.

Toutefois, il convient d’avoir à l’esprit que pour que son montant soit modifié, la survenance d’un fait nouveau depuis la dernière décision de justice qui en fixait le montant est une condition nécessaire pour la demande de révision (cf. les situations précédemment décrites comme l’abandon des études, l’absence de recherches d’emploi de la part de l’enfant majeur ou la perte d’un emploi pour le parent débiteur qui induit une diminution importante de ses revenus).

Le Juge aux Affaires Familiales appréciera souverainement la demande qui lui est adressée.

Il s’attachera notamment à regarder les besoins de l’enfant (est-il assidu dans ses études ? sans emploi ? est-il en concubinage ? a-t-il des revenus, etc.) et les ressources des deux parents.

5) Les conseils complémentaires.

  • L’anticipation : si une procédure de divorce en cours, il est judicieux de demander au JAF d’ordonner, dans le jugement de divorce à venir, la production régulière de tous les justificatifs relatifs à la situation de l’enfant majeur par le parent créancier de la pension alimentaire à l’autre parent, idéalement en convenant d’une date, par exemple au 1er octobre de chaque année scolaire/universitaire et après chaque examen.
  • Se constituer des éléments de preuves solides : la démonstration de la preuve constitue souvent une difficulté pour le parent débiteur de la pension. De ce fait, il est préférable d’adresser toutes demandes de justificatifs de la situation de l’enfant majeur par écrit (sms, courriels, plis recommandés avec avis de réception).
  • S’impliquer dans la scolarité de l’enfant majeur : lorsque le dialogue est possible, échanger demeure l’une des meilleures garanties pour éviter une judiciarisation de la situation. Outre la préservation du lien, connaitre la situation de l’enfant permet d’évaluer au mieux ses besoins et par voie conséquent d’estimer la cohérence du montant de la pension alimentaire et déterminer si elle pourrait être modifiée à la hausse ou à la baisse.
  • Demander conseil à l’administration fiscale : la pension alimentaire versée est déductible sous certaines conditions, qui diffèrent selon qu’elle soit versée au parent créancier ex-conjoint ou à l’enfant mineur. Se rapprocher du centre des impôts compétent est une démarche judicieuse pour obtenir conseil et correctement remplir sa déclaration.
  • Verser directement à l’enfant majeur la pension : Lorsqu’il existe une situation très conflictuelle entre les parents, il peut être opportun de saisir le Juge aux Affaires Familiales pour demander que la pension alimentaire soit directement versée entre les mains de l’enfant, sur le fondement des dispositions de l’article 373-2-5 du Code Civil. Attention, sauf accord entre les deux parents, ce versement ne peut intervenir de manière arbitraire sur la seule décision du parent débiteur. En cas de refus du parent créancier, il faudra alors saisir le juge.


Article initialement publié sur le Village de la Justice.


Notes :

[1Cour de Cassation, 2ᵉ chambre civile, 27 janvier 2000, n°96-11.410.

[2Voir par exemple Cour de Cassation, Civ., 9 février 2011.

[3Cour d’appel de Douai, 7ème chambre, 8 février 2001, n° 2000-923.

[4Cour d’appel de Toulouse, 5 décembre 2023, n° 21/01254.

[5Cour d’appel de Rouen, 19 novembre 2015, n° 14/03952.

[6Cour d’appel de Bordeaux, 31 mai 2022, n° 19/05919.

[7Cour de Cassation, Chambre criminelle, 8 novembre 1962.

[8Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 12 juillet 2012, n° 11/1646.

[9Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 4 décembre 2013 pourvoi n°12-28.686.

[10Cour de Cassation, Deuxième chambre sociale. 2ème 17 octobre 1985.

[11Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 8 octobre 2008.

  • Pères séparés ou divorcés : jusqu’à quand payer la pension alimentaire de votre enfant devenu majeur ?

Commenter cet article

Vous pouvez lancer ou suivre une discussion liée à cet article en cliquant et rédigeant votre commentaire. Votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé. Nous ne publions pas de commentaires diffamants, publicitaires ou agressant un autre intervenant.

A lire aussi dans la même rubrique :

Loi sur le changement de nom : 1 an déjà !

Plus de 70 000 demandes en un an Depuis juillet 2022, plus besoin de passer par la case tribunal pour changer de nom. La loi sur le choix de nom [1] permet à tout français majeur de modifier son nom de famille une fois dans sa vie. Chaque (...)

Lire la suite ...

Bientôt un règlement européen sur la filiation ?

La Commission en faveur d’une reconnaissance mutuelle automatique de la filiation La proposition de règlement COM(2022) 695 final, adoptée le 7 décembre 2022, a pour but de créer un socle commun de règles de droit international privé relatives à la (...)

Lire la suite ...

La réforme de l’adoption se précise

Nous évoquions récemment les changements législatifs liés à cette réforme dans le cadre de la mise en circulation du nouveau livret de famille, qui les intègre. Un décret du 23 décembre dernier [4] est venu concrétiser la réforme de l’adoption (...)

Lire la suite ...

Quel régime matrimonial pour les professions libérales ? Par Henri-Paul Jauffret, notaire

Le cas de Paul, jeune pharmacien Paul, jeune pharmacien, en concubinage depuis quelques années, envisage de se marier avec sa compagne. Il demande à son notaire de lui établir un contrat de mariage qui puisse préserver à la fois son conjoint (...)

Lire la suite ...