Contexte et objectifs des visites mystère
Depuis 2010, l’AMF effectue des campagnes de « visites mystère » dans les agences bancaires et en ligne afin d’examiner les pratiques de vente des produits financiers et garantir le respect de la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIF 2 [1]). Ces visites servent d’outil de surveillance et d’amélioration des pratiques de commmercialisation, plus que de contrôle.
La campagne la plus récente [2] s’est focalisée sur la manière dont les conseillers bancaires recueillent les préférences des clients en matière de durabilité. Menée peu après l’entrée en vigueur de nouvelles directives de l’ESMA en octobre 2023 [3], cette initiative visait à évaluer la qualité des conseils fournis et la pertinence des produits proposés en termes de durabilité.
182 visites mystère ont été effectuées dans 12 grandes banques de réseau. Deux profils de clients ont été simulés : un profil intéressé par les investissements durables et un autre exprimant explicitement une volonté d’investir de manière durable. Ces clients fictifs avaient une épargne de 60 000 à 105 000 euros et cherchaient des conseils pour des investissements durables sur une période de dix ans.
Le scénario des visites mystère est décomposé en plusieurs étapes : prise de rendez-vous, entretien pour un conseil en investissement, discussion sur les préférences de durabilité, propositions commerciales, et remise de documents. Ce processus permet de dresser un panorama complet des pratiques des établissements bancaires un an après l’entrée en vigueur des nouvelles exigences réglementaires.
Visites mystère de l’AMF effectuées entre juin et octobre 2022 : L’AMF poursuit son évaluation des pratiques commerciales des banques.
Résultats principaux : un recueil des préférences encore parcellaire
Les préférences de durabilité doivent être recueillies selon trois critères : taxonomie, règlement SFDR et principales incidences négatives. Néanmoins, ces critères n’ont été expliqués que dans la moitié des entretiens, souvent de manière succincte, et leur recueil systématique n’a été observé que dans moins de 20 % des cas.
Plus de la moitié des visiteurs mystère ont jugé les conseillers peu clairs et pédagogiques. De plus, dans deux tiers des entretiens, les conseillers semblaient avoir une connaissance insuffisante de la finance durable.
Propositions commerciales et souscriptions
Parmi les 182 visites, 72 ont mené à des propositions commerciales et 22 à des souscriptions de produits financiers. Environ 70 % de ces propositions concernaient des fonds actions labellisés ISR, sans différenciation notable entre les différents profils de clients. Près de 40 % des visiteurs ont estimé que les produits proposés étaient en adéquation avec leurs préférences de durabilité.
Dans plus de 10 % des visites, les visiteurs ont souscrit à un produit. Dans neuf cas, les conseillers ont orienté les clients vers une sélection d’investissements en ligne. Un rapport d’adéquation a été remis dans seulement six des treize rendez-vous ayant abouti à une souscription avec conseil.
Qualité du questionnement et de l’information fournie
Deux conseillers sur trois ont interrogé les visiteurs sur leurs projets et objectifs financiers, et un sur deux sur leur expérience ou leurs connaissances financières. Cependant, seul un conseiller sur trois a abordé la tolérance aux risques du client. Les préférences de durabilité n’ont été détaillées que dans un tiers des entretiens.
Les concepts de taxonomie et de règlement SFDR n’ont été expliqués de manière détaillée que dans un nombre limité de rendez-vous. La notion des principales incidences négatives a été abordée succinctement dans la plupart des cas.
Un tiers des conseillers n’a fourni aucun document d’information clé au visiteur mystère. La majorité des documents remis étaient pédagogiques ou commerciaux, et les rapports d’adéquation n’ont été fournis que dans six cas sur treize lors de souscriptions.
Formation des conseillers et initiatives d’amélioration
La formation des conseillers bancaires est essentielle pour une mise en œuvre efficace des nouvelles réglementations. Les établissements doivent veiller à ce que leurs conseillers comprennent et appliquent correctement les directives en matière de durabilité.
L’AMF a initié des rencontres avec les établissements pour discuter des résultats de la campagne et proposer des axes d’amélioration. Un module sur la finance durable est disponible pour les conseillers dans le cadre de la certification professionnelle. En 2024, l’AMF participera à une action de supervision commune de l’ESMA sur les préférences de durabilité et mènera des contrôles ciblés sur la finance durable.
Certification professionnelle : examen AMF, vérification interne et examen AMF Finance durable.
Notes :
[1] Dir. (UE) 2014/65 du Parlement européen et du Conseil, 15 mai 2014, JOUE 12 juin.
Ferroudja Saidoun
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)