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Meublés de tourisme : adoption de la proposition de loi dite loi « Anti-Airbnb »

Meublés de tourisme : adoption de la proposition de loi dite loi « Anti-Airbnb »

Le 7 novembre 2024, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale.

Pour mémoire, cette proposition de loi avait été déposée par madame la députée Annaïg Le Meur en avril 2023. Elle a fait l’objet d’un accord en Commission Mixte Paritaire le lundi 28 octobre 2024, avant d’être adoptée par le Sénat le 5 novembre 2024 puis par l’Assemblée nationale. La proposition de loi nouvellement adoptée apporte des modifications au régime des locations meublées de courte durée sur l’ensemble de leurs aspects (urbanisme, fiscalité, copropriété).

Analyse des principales mesures, dans l’attente de la publication du texte définitif au Journal Officiel.

La future loi dite « anti-Airbnb » est très attendue des élus locaux dans un contexte où la pratique de la location de meublés de courte durée a fortement augmenté, répondant à une demande massive dans les régions touristiques, avec parfois pour corollaire une baisse du nombre de logements disponibles pour les actifs et les étudiants. Il n’en demeure pas moins que cette activité est une ressource importante pour les finances des communes, la ville de Nice ayant perçu 4,1 millions d’euros de taxes de séjours sur la période du 1ᵉʳ novembre 2022 au 31 octobre 2023 (source Nice Presse, article du 19 janvier 2024) dont une partie servira à financer de grands projets d’infrastructures.

Les principales dispositions entérinées par l’Assemblée nationale (texte provisoire) sont les suivantes.

I. Sur la généralisation de la procédure d’enregistrement pour toute déclaration des meublés de tourisme.

L’article 1 de la proposition de loi généralise la procédure d’enregistrement des déclarations des meublés de tourisme afin d’accroître les pouvoirs de vérification des communes.

Il appartiendra désormais à toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme de procéder préalablement « en personne » à une déclaration soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national (cf. III de l’article L324-1-1 du Code du tourisme modifié).

Cette disposition vise à faciliter les contrôles en évitant que les déclarations soient effectuées par des tiers tels que les conciergeries ou autres sociétés de services intermédiaires.

Cette mesure générale a vocation à s’appliquer à tous les meublés de tourisme, qu’ils constituent des résidences principales ou secondaires, et quelle que soit la commune. La déclaration devra indiquer si le meublé constitue la résidence principale du loueur, et celui-ci devra renouveler sa déclaration à l’expiration d’un délai fixé par décret.

Pour les meublés résidences secondaires, des pièces complémentaires sont exigées en matière de respect des règles de sécurité contre les risques d’incendie pour les bâtiments à usage d’habitation, ou, si la capacité d’accueil du meublé de tourisme est supérieure à quinze personnes, des règles de sécurité pour les établissements recevant du public. Un décret va déterminer les informations et pièces justificatives à joindre à la déclaration, dont l’avis d’imposition sur le revenu afin de rapporter la preuve de la résidence principale du loueur.

La commune peut suspendre la validité du numéro de déclaration et émettre une injonction aux plateformes numériques de location de courte durée de retirer ou de désactiver l’accès au référencement d’une annonce (cf. III bis nouveau de l’article L324-1-1 du Code du tourisme).

Ces dispositions entreront pour la plupart en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 20 mai 2026.

L’amende administrative en cas de non-respect de la procédure d’enregistrement passe de 5 000 à 10 000 euros. Il est ajouté que toute personne qui effectuerait de fausses déclarations ou utiliserait un faux numéro de déclaration encourt une amende administrative de 20 000 euros (cf. article 4 de la proposition de loi).

II. Sur la durée maximale de location des résidences principales.

La proposition de loi ne modifie pas la durée maximale de location de 120 jours par année civile pour les meublés résidences principales mais elle réintroduit la possibilité pour les communes, sur délibération motivée, d’abaisser le nombre maximal de jours de location dans une limite de 90 jours (cf. nouvel alinéa au IV de l’article L324-1-1 du Code du tourisme). Cette disposition s’appliquera dès le 1ᵉʳ janvier 2025.

Le montant de l’amende civile pour tout manquement à l’obligation de location d’une durée maximale de 120 jours pour les résidences principales est augmenté de 10 000 à 15 000 euros (cf. modifications de l’alinéa V de l’article L324-1-1 du Code du tourisme, qui entrera en vigueur à une date prévue par décret).

III. Sur les nouvelles obligations en matière de décence et de performance énergétique.
La proposition de loi aligne le régime des meublés de tourisme sur celui des locations longues durées en matière de salubrité et renforce les obligations de décence et de performance énergétique.

L’article 3 de la proposition de loi soumet les meublés de tourisme résidences secondaires aux critères de décence définis à l’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 (cf. nouvel article L324-2-2 du Code du tourisme). Le maire pourra exiger la transmission du diagnostic de performance énergétique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à défaut de transmission dudit diagnostic dans un délai de deux mois.

Le propriétaire qui loue ou maintient à la location un meublé ne respectant pas les niveaux de performance énergétique d’un logement décent encourt une amende maximale de 5 000 euros.

Ces obligations entreront en vigueur au 1er janvier 2034.

Les propriétaires de locaux souhaitant obtenir une autorisation de changement d’usage devront présenter un diagnostic de performance énergétique dont le niveau doit être compris entre les classes A et E, puis, à partir du 1ᵉʳ janvier 2034, entre les classes A et D (rétablissement de l’article L631-10 du Code de la construction et de l’habitation).

IV. Autorisation de changement d’usage : sur la fixation de « quotas » d’autorisations.

Jusqu’à présent, dans les communes de plus de 200 000 habitants (et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) le changement d’usage de locaux à usage d’habitations en meublés de tourisme est soumis à autorisation préalable selon les conditions des articles L631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.

Les communes dont la liste est fixée par le décret déterminant les communes assujetties à la taxe sur les logements vacants sont désormais concernées (cf. article L637-1 du Code de la construction et de l’habitation modifié).

Sur la limitation du nombre d’autorisations temporaires délivrées.

Trois nouveaux alinéas viennent compléter l’article L631-7-1 A du Code de la construction et de l’habitation relatif au régime des autorisations temporaires. Il est précisé que la délibération du conseil municipal peut également fixer :

le nombre maximal d’autorisations temporaires qui peuvent être délivrées sur tout ou partie du territoire de la commune,
ou la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage.
Dans un tel cas, aucune autorisation permanente de changement d’usage de locaux à usage d’habitation en meublés de tourisme ne pourra être accordée, sauf si elle l’est contre compensation. En outre, toutes les autorisations seront délivrées « pour une durée identique, inférieure à cinq ans ».

La délibération doit définir la procédure de sélection entre les candidats, moyennant des garanties de publicité et de transparence, tant pour les demandes initiales que les renouvellements.

Sur le renforcement des sanctions en cas de transformation irrégulière d’un local à usage d’habitation.

La proposition de loi alourdit considérablement les sanctions pécuniaires à l’égard des personnes qui transformeraient irrégulièrement un local à usage d’habitation en meublé de tourisme, en violation des obligations d’autorisation de changement d’usage temporaire ou permanente. Le montant de l’amende civile passe de 50 000 à 100 000 euros (cf. article L651-2 du Code de la construction et de l’habitation modifié).

Un nouvel article L651-2-1 du Code de la construction et de l’habitation instaure une amende civile maximale de 100 000 euros qui pourrait être prononcée à l’égard de toute personne qui se livre ou prête son concours à la commission de l’infraction susvisée, par une activité d’entremise, de négociation ou par la mise à disposition de services, à l’exception des plateformes numériques de type Airbnb.

Sur la preuve de l’usage d’habitation.

La notion de « local réputé à usage d’habitation » est élargie avec la nouvelle loi. Jusqu’à présent, un local était réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1ᵉʳ janvier 1970. Face aux difficultés procédurales rencontrées par les communes pour prouver cet usage d’habitation, les députés et sénateurs ont étoffé cette définition.

Désormais, il s’entend d’un local qui était affecté à cet usage « soit à une date comprise entre le 1ᵉʳ janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus, soit à n’importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d’autorisation préalable au changement d’usage ou la contestation de l’usage dans le cadre des procédures prévues par le livre VI du présent code, et sauf autorisation ultérieure mentionnée au quatrième alinéa du présent article » (cf. article L631-7 modifié du Code de la construction et de l’habitation).

En outre, l’usage d’habitation est donc décorrélé d’une occupation effective du bien.

L’objectif de ces dispositions est clairement de faciliter l’action contentieuse à venir des autorités locales.

V. Sur les dispositions en matière d’urbanisme.

Le II de l’article 5 de la proposition de loi modifie les dispositions du Code de l’urbanisme et le Code général des collectivités territoriales. Ces dispositions ont vocation à créer un frein à la création de nouveaux meublés de tourisme.

Il prévoit notamment de créer un nouvel article L.151-14-1 du Code de l’urbanisme selon lequel le règlement du plan local d’urbanisme peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale. Cette délimitation ne sera possible que dans les zones où la taxe sur les logements vacants est applicable ou lorsque les résidences secondaires représentent plus de 20% du nombre total d’immeubles à usage d’habitation. Ces nouveaux logements ne pourront pas faire l’objet d’une location en tant que meublés de tourisme.

VI. Sur les nouvelles règles applicables en copropriété.

L’article 6 de la proposition de loi dispose que tout nouveau règlement établi à compter de l’entrée en vigueur de la loi devra mentionner de manière explicite l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme (cf. ajout d’un nouvel article 8-1-1 à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis).

Surtout, l’article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est modifié. Il devrait préciser que pourront être adoptées à la majorité de l’article 26 (soit des deux tiers des voix) les décisions concernant la modification du règlement de copropriété ayant pour objet l’interdiction de location en meublés de tourisme des lots à usage d’habitation constituant des résidences secondaires.
Le vote d’une telle interdiction ne sera possible « que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale ».

Il convient de suivre avec attention la pérennité de cette nouvelle disposition qui pourrait être remise en cause dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité de la loi.

Enfin, l’article 8 de la proposition de loi (ajouté par l’Assemblée nationale) prévoit que lorsqu’un copropriétaire (ou son locataire) procède à une déclaration de meublé touristique, le syndic devra en être informé afin de pouvoir mettre à l’ordre de jour de la prochaine assemblée générale « un point d’information » relatif à l’activité de locations de meublés touristiques au sein de la copropriété (insertion d’un nouvel article 9-2 à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).

VII. Sur la modification de la fiscalité.

L’article 7 de la proposition de loi modifie la fiscalité de la location meublée en ce qui concerne le régime du « micro-BIC » considéré comme une « niche fiscale ».

En premier lieu, les seuils de chiffre d’affaires hors taxe pour bénéficier du régime du micro-BIC sont modifiés. Les locaux classés meublés de tourisme ne pourront plus bénéficier du régime du micro-BIC dans la limite de 188 700 euros (cf. modification du 1° du 1 de l’article 50-0 du Code général des impôts). Les meublés de tourisme classés tombent donc alors dans la catégorie des « autres entreprises » dont le seuil de chiffre d’affaires hors taxes est limité à 77 700 euros annuels pour bénéficier de ce régime.

Pour les meublés de tourisme hors meublés classés, la Commission Mixte Paritaire entérine un abaissement du seuil de revenus locatifs annuels à 15 000 euros (alors que le Sénat avait proposé 23 000 euros) alignant ainsi les meublés de tourisme sur le régime du micro-foncier de la location nue (cf. modification de l’article 1 bis de l’article 50-0 du Code général des impôts). Il s’agit d’un retour au seuil initialement proposé par l’Assemblée nationale.

En second lieu, les abattements sont modifiés. Ils s’élèvent à 50% pour les meublés de tourisme classés (contre 71% antérieurement) et à 30% pour les meublés de tourisme non classés (contre 50% antérieurement).

Ces modifications avaient déjà été introduites à l’article 50-0 du Code général des impôts par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. Néanmoins, ce nouveau régime ne s’appliquera pas aux revenus 2024 (cf. III de l’article 3 de la proposition de loi).

Il est précisé que le seuil de 15 000 euros pour les meublés de tourisme est exclu de la réévaluation, tous les trois ans, des seuils du micro-BIC qui suit l’évolution triennale de la première tranche de l’impôt sur le revenu.
Ce nouveau régime fiscal ne s’appliquera que pour les revenus locatifs perçus à compter du 1er janvier 2025. Ces dispositions seront toutefois complétées par celles du projet de loi de finances pour 2025.

En conclusion, si la nouvelle loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale propose des outils de régulation du marché des meublés de tourisme, elle pose encore de nombreuses interrogations, que ce soit en ce qui concerne la manière dont les communes vont établir les critères de sélection entre les candidats souhaitant louer un meublé de tourisme, ou les potentielles atteintes au droit de propriété en copropriété. Il convient donc d’attendre la publication du texte définitif au Journal Officiel ainsi que son décret d’application pour en déterminer plus précisément les contours.

Article initialement publié sur le Village de la Justice.
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