Les Français, des « fourmis » qui épargnent toujours plus
Les Français semblent plus que jamais incarner le rôle de « fourmis » dans le domaine de l’épargne, d’après les données du baromètre Odoxa – Groupama pour Capital et BFM de novembre 2023 [1]. Une impressionnante majorité de 73% de nos concitoyens parvient à mettre de l’argent de côté chaque mois, marquant une augmentation significative de 6 points par rapport aux chiffres de juillet dernier. Ce chiffre consacre également une proportion notable de 15% de « gros épargnants », capables de mettre de côté plus de 500€ mensuellement. Cette propension à l’épargne semble loin de s’essouffler, avec 37% des Français exprimant l’intention d’augmenter leurs efforts d’épargne à l’avenir.
Cependant, cette tendance à l’épargne ne reflète pas une confiance accrue dans l’avenir, mais plutôt une réponse à la crainte omniprésente. Plus de 8 Français sur 10 se déclarent inquiets de l’évolution des prix de l’immobilier (84%), de la situation économique internationale actuelle (88%), et de l’inflation (89%). Cette défiance s’étend même au domaine professionnel, où plus de la moitié des salariés expriment des inquiétudes quant à l’avenir économique de leur entreprise.
L’impact ambivalent de la hausse des taux sur l’épargne
La récente augmentation des taux d’intérêt suscite une réaction ambivalente parmi les épargnants français. D’une part, 52% d’entre eux considèrent cette hausse comme une « bonne nouvelle », envisageant un rendement potentiellement supérieur pour leur épargne. D’autre part, cette même hausse incite la moitié des Français à revoir leurs placements et leurs projets d’épargne. Nous apprenons de surcroît que 72% des Français privilégient désormais les placements (épargne à 46%, assurance-vie à 19%, bourse à 7%) plutôt que l’investissement immobilier (à noter qu’il y a 4 ans, la répartition était de 50/50). Les répercussions ne se limitent pas à une simple adaptation des stratégies, puisque 38% des personnes envisageant un projet immobilier ont été contraintes de l’annuler ou de le reporter.
Les raisons qui incitent les Français à vouloir épargner davantage sont nombreuses. En effet, 64% estiment que l’inflation est un motif important pour épargner, vient ensuite la promulgation de la réforme des retraites (34%), la poursuite du taux d’intérêt (31%), les incertitudes sur les marchés financiers (29%), la situation du marché de l’immobilier (23%) et enfin le contexte international (guerre à Gaza et en Ukraine, etc.) pour 21% des épargnants.
Néanmoins, la hausse des taux apparaît plutôt rassurante, avec 49% des Français la percevant de manière positive. Elle engendre tout de même des changements significatifs dans les comportements d’épargne, poussant près de la moitié des épargnants à ajuster leurs placements et leurs projets pour s’adapter à cette nouvelle donne économique.
Réactions contrastées aux actualités de l’épargne
L’épargne est au cœur des débats récents, suscitant des réactions contrastées parmi les Français. L’amendement au Projet de Loi de Finances (PLF) visant à permettre le financement des entreprises de l’armement via les livrets divise l’opinion nationale. En effet, 53% des épargnants pensent que cela incitera les banques à financer l’industrie de défense alors qu’elles étaient de plus en plus réticentes à le faire par peur de voir leur réputation entachée, 52% estiment que c’est une bonne chose pour la France et 47% seraient heureux que l’argent placé sur leur Livret A ou LDDS permette de soutenir la défense nationale.
Alors que 62% des plus petits épargnants (moins de 50€/mois) s’opposent à cette idée, 56% des plus gros épargnants (moins de 500€/mois) y sont favorables. Cette divergence se manifeste également entre les sexes, avec 55% des hommes favorables à l’amendement, tandis que 55% des femmes s’y opposent.
En revanche, le Livret d’Épargne Populaire (LEP) connaît un succès indéniable, dépassant déjà les 10,5 millions de détenteurs selon les dernières données de novembre. Ces résultats confirment la popularité croissante du LEP, avec 82% des Français et 77% des personnes aux revenus les plus modestes prêtes à souscrire à ce livret s’ils y sont éligibles.
En dépit des incertitudes économiques, la décision de Bruno Le Maire de maintenir le taux du Livret A à 3% jusqu’en janvier 2025 semble avoir peu d’impact. En effet, 62% des détenteurs assurant qu’ils continueront à épargner autant sur ce support. En somme, les Français naviguent entre la prudence face à un avenir économique incertain et la recherche de solutions d’épargne adaptées aux fluctuations du marché financier.
L’épargne réglementée a la cote auprès des épargnants
Selon le dernier rapport annuel de la Banque de France sur l’épargne réglementée [2] publié en juillet 2023, les Français détiennent 874 milliards d’euros d’épargne réglementée en décembre 2022. Sur ce montant, 489 milliards d’euros sont épargnés sur le livret A et le livret de développement durable et solidaire (LDDS) et 283 milliards d’euros sur les plans épargne logement (PEL). L’épargne réglementée représente 15% du patrimoine des ménages français et est en croissance d’environ 5% par an.
La croissance des dépôts provient notamment de la hausse des taux d’intérêt du livret A et du LDDS tout au long de l’année 2002. Ils ont été relevés à 1% au 1er février 2022, puis à 2% au 1er août 2022. Ils ont ensuite augmenté à 3% au 1er février 2023. Le taux d’intérêt est identique pour les deux livrets.
En ce qui concerne le LEP, depuis le début de l’année 2022, le taux d’intérêt a connu plusieurs revalorisations. Il était ainsi de 1% en janvier 2022, 2,2% entre le 1er février et le 31 juillet 2022 puis 4,6% le 1er août 2022. Le taux a enfin été fixé à 6,1% à compter du 1er février 2023, un niveau élevé pour un instrument d’épargne liquide.
En 2022, les flux nets (versements moins les retraits) d’épargne vers le livret A et le LDDS ont atteint des niveaux historiques à plus de 34 milliards d’euros. La moyenne depuis 2009 était plutôt de l’ordre de 15 milliards d’euros par an depuis 2009.
Au 31 décembre 2022, il existe plus de 56 millions de livrets A, un nombre en augmentation de 300 000 par rapport à 2021. Ses encours atteignent 375 milliards d’euros fin 2022, un chiffre en augmentation de 31,9 milliards d’euros en un an.
Au 31 décembre 2022, le nombre de LDDS s’élève quant à lui à 24,8 millions en progression de 256 000 unités en un an. L’encours du LDDS a progressé en 2022, s’établissant en fin d’année à 134 milliards d’euros, en hausse de près de 8 milliards en un an.
Notes :
[1] « Le Livret d’Épargne Populaire poursuit son "carton" » - Échantillon de 1 005 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Axel Masson et Ferroudja Saidoun
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)