Un impôt ancien et impopulaire dont le rendement augmente régulièrement au fil des ans
Les sages de la rue Cambon indiquent en préambule de leur rapport que les droits de succession ont une longue histoire derrière eux puisqu’ils ont été créés sous la Révolution française en 1791.
Fortement liés au droit civil, leur principe est de différencier la taxation en fonction du lien de parenté des héritiers avec le défunt. Les héritiers en ligne directe sont privilégiés par rapport aux autres collatéraux. Les taux d’imposition appliqués aux succession sont progressifs. Un mécanisme d’abattement vient minorer l’imposition due.
Avec la hausse tendancielle des décès et l’enrichissement global de la population, les recettes pour l’État issues des droits de succession sont en croissance depuis de nombreuses années et se révèlent désormais indispensables aux finances publiques. La Cour mentionne que « le produit de cet impôt a plus que doublé entre 2011 et 2023 ». Les recettes sont ainsi passées de 7 milliards d’euros à 16,6 milliards d’euros sur cette période, notamment en raison « de la hausse de la valeur des actifs immobiliers » dans les patrimoines. Autre fait marquant, « la France se situe au premier rang des pays de l’OCDE pour le poids des droits de mutation à titre gratuit dans le PIB (Produit Intérieur Brut) ».
On entend souvent le qualificatif d’ « impôt sur la mort » lorsque l’on évoque les droits de succession. La Cour admet l’ « impopularité » des droits de succession auprès de la population.
Les économistes sont toutefois plus mesurés sur leur effet réel. En tout état de cause, ils ont une certaine vertu redistributrice qui permet de réduire les inégalités sociales.
Au fil du temps, le législateur a introduit différentes mesures visant à en adoucir le poids. Ces réductions d’assiette viennent directement alléger le montant des droits de succession pour les héritiers.
La Cour rappelle dans son rapport ces « dispositifs fiscaux dérogatoires » :
- le « pacte Dutreil », qui « permet une exonération de droits de donation ou de succession pour les transmissions de parts de sociétés » ;
- le régime fiscal de l’assurance-vie qui est « plus favorable que le droit commun » ;
- le démembrement de propriété qui permet « lors de la réunion de la pleine-propriété d’un bien au nu-propriétaire d’un bien d’être exonéré de droits de succession sur l’usufruit qu’il reçoit ».
Des améliorations en cours dans la gestion du recouvrement des droits de succession
À partir de 2025, la généralisation du portail « e-enregistrement » devrait minorer les délais d’enregistrement des déclarations de succession, actuellement de 25 jours. Elle permettra en outre de réaliser des gains de productivité (suppression de postes) dans les services de la DGFiP.
Cette plateforme devrait aussi permettre de réduire le délai de dépôt des déclarations de succession qui, rappelle la Cour, doit « être effectué dans un délai de six mois ». En 2023, seulement un tiers des déclarations est réalisé dans ce délai. La Cour souhaite également que soit « mis en place un dispositif de transmission à la plateforme e-enregistrement, par les compagnies d’assurance et les établissements bancaires, des informations relatives aux bénéficiaires de chaque contrat d’assurance-vie et aux primes correspondantes ».
La Cour indique que le nombre de contrôles reste encore « faible », mais leur rendement est assez élevé et en hausse, notamment pour les grosses successions. Elle ne voit pas, en revanche, de gains associés à la généralisation du « data mining » pour augmenter les recettes issues des contrôles des déclarations.
Une imposition certainement à revoir dans un cadre budgétaire tendu
Au gré des majorités politiques, la Cour indique que régulièrement « les droits de succession font l’objet de propositions de réformes nombreuses poursuivant des objectifs différents ».
Le législateur ne reste cependant pas insensible à l’intérêt d’éventuelles réformes. Dans un contexte de forte fiscalité patrimoniale dans notre pays, certaines propositions recommandent « soit la suppression des droits de succession, soit un allègement plus ciblé pour répondre à des évolutions sociétales ».
Elle note aussi que « les dispositifs dérogatoires sont questionnés, car ils bénéficient de facto aux patrimoines les plus importants ». Dans notre pays où la « justice sociale » est une priorité politique, l’allègement fiscal pour ces catégories pourrait être jugé comme un avantage injustifié accordé à ces catégories de population…
Avec le vieillissement général de la population et l’augmentation de l’âge auquel les héritages sont perçus, l’objectif d’une réforme pourrait viser à « favoriser une transmission plus précoce des patrimoines ou d’alléger la fiscalité applicable aux collatéraux et aux beaux-enfants » pour tenir aussi compte du développement des familles recomposées.
Avant toute évolution législative, la Cour recommande toutefois « la réalisation d’une étude statistique, alors que les données précises font largement défaut ».
La Cour reconnaît elle-même que des évolutions doivent être apportées au régime de taxation des héritages. Elle rappelle cependant que toute évolution devra se faire à périmètre budgétaire constant.
Le « grand soir » fiscal des successions devra encore attendre…
Pour aller plus loin :
Consulter le rapport de la Cour des comptes sur les droits de succession.
Axel Masson
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)