A - Fondements juridiques et mise en lumière des nouvelles conditions
Il résulte de cette décision qu’en matière de saisie immobilière, l’article 33 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (A.U.V.E.) doive être combiné avec l’article 247, alinéa 1 du même acte. En outre, l’article 247 de l’A.U.V.E. dispose que : « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ». Concrètement, le juge communautaire estime que : l’acte notarié de convention de crédit établit juste la naissance de l’obligation. C’est-à-dire de la créance et non la constatation de la liquidité et de l’exigibilité de la créance.
À la vérité, on ne pourrait plus se baser uniquement sur l’acte notarié de convention de crédit pour requérir une saisie immobilière. Il faudrait, en plus, un acte distinct qui constate la certitude, la liquidité et l’exigibilité de la créance. Au demeurant, seule la clôture contradictoire d’un compte courant peut déterminer le montant exact dû par le débiteur. Item, une reconnaissance de dette ne saurait être valable, si elle n’est pas signée de manière contradictoire à la clôture du compte. Dans la même optique, l’insertion des tableaux d’amortissements avec des échéanciers dans un acte notarié ne suffira pas pour requérir une saisie immobilière en l’absence d’un document de clôture contradictoire du compte.
En dépit des qualités de cet arrêt, la question demeure de savoir qui peut certifier de la liquidité et de l’exigibilité de la créance si le débiteur refuse d’entériner le solde définitif ? Également, cette décision ne remet-elle pas en cause les vertus de l’acte notarié ? ou encore, n’a-t-elle pas un effet négatif sur la sécurité juridique ?
B - Portée de cette décision de justice
Notons que, l’article 42 de la loi 2018-35 du 24 mai 2018, portant statut des notaires au Niger identiques dans plusieurs pays de l’espace OHADA dispose que : « Tous les actes notariés font foi en justice de la convention qu’ils renferment entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause. Ils sont exécutoires sur toute l’étendue du territoire de la république. Ils sont opposables au tiers dès qu’ils en ont connaissance, ou dès qu’ils ont fait l’objet de publicité légale ». Par conséquent, le juge est tenu d’accepter la véracité du contenu des preuves ou de leur reconnaître la force probante telle qu’elle est déterminée par la loi.
In concreto, en matière de saisie immobilière l’article 33 des procédures simplifiées et voies d’exécution dispose que : « les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute sont des titres exécutoires ». Fondé sur cela, l’acte notarié est un titre exécutoire aux vues de la lecture combinée du statut des notaires nigérien et de l’acte uniforme. En se basant sur cela, la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance « CERTAINE, LIQUIDE ET EXIGIBLE ». Il en résulte que, certes, l’acte notarié est un titre exécutoire, mais il ne saurait fonder une saisie immobilière que s’il constate une créance certaine, liquide et exigible.
Pourtant, l’acte notarié doit conférer à son titulaire une date certaine, un contenu garanti, une force probante et une immédiateté dans l’exécution. En outre, son contenu fait foi en justice, car ses éléments en ont été vérifiés en amont par un officier public. Par conséquent, l’engagement notarié est une preuve incontestable et ne peut être attaquable. Une sécurité pour les bénéficiaires et le trafic juridique en pleine recherche d’efficacité juridique. Cependant, est-il dans l’intérêt des notaires et des clients une telle décision ? La réponse est affirmative. En effet, cette position de la CCJA n’est pas nouvelle, d’ailleurs elle est en étroite ligne avec la cour de cassation française qui adopte régulièrement une solution identique, désormais assez classique. Les notaires y ont intérêt au nom de la justice, car, il serait injuste que l’acte notarié serve de bouclier aux injustices. Concernant la question qui peut certifier le solde débiteur d’un compte débiteur, la réponse est le notaire. En effet, son devoir d’impartialité, sa fonction de juge pacificateur, sa maitrise en amont de la convention, lui donne les éléments nécessaires pour mener à bien cette opération.
La décision de la CCJA du 30 avril 2020, souligne la nécessité impérieuse pour les actes notariés d’attester non seulement de l’existence d’une créance, mais aussi de sa certitude, de sa liquidité et de son exigibilité pour être considérés comme des titres exécutoires dans l’espace OHADA. Cette évolution jurisprudentielle renforce la responsabilité du notaire et souligne l’importance d’une analyse approfondie des conditions d’exécution des actes notariés dans les procédures de recouvrement.
En définitive, comme le dit l’adage latin, « Fiat justitia, ruat caelum » — que la justice soit faite, même si les cieux s’effondrent. Cette décision de la CCJA vise à garantir l’intégrité et l’équité des processus juridiques, tout en soulignant l’impératif de la certitude et de la clarté dans les actes notariés pour assurer une exécution juste et équilibrée des obligations contractuelles. Elle souligne ainsi l’importance cruciale de ce changement radical et met en avant le rôle déterminant du juge régional dans cette transformation majeure de l’interprétation et de l’application des actes notariés au sein de l’espace OHADA
GUEGUANG TSALEFACQ GHOMO
Doctorant en droit, Diplômé notaire, Auteur et passionné de notariat.