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La reconnaissance en France des filiations établies par une GPA à l'étranger

La reconnaissance en France des filiations établies par une GPA à l’étranger

La Cour de cassation a publié trois arrêts récents qui rappellent quelles sont les conditions de reconnaissance d’une Gestation pour autrui (GPA), réalisée à l’étranger.

En France et dans la plupart des États membres de l’Union européenne et du monde, la GPA est une pratique interdite par la loi (Articles 16-7 et 16-9 du Code civil). On considère que cette pratique heurte un principe fondamental qui est l’interdiction de la marchandisation du corps humain. D’ailleurs, parmi les États qui l’autorisent, certains d’entre eux exigent comme condition qu’il s’agisse d’un acte altruiste.

Les conditions de reconnaissance d’une décision étrangère en France : l’exéquatur.

En vertu de l’article 509 du Code de procédure civile, les décisions de justice doivent en principe pouvoir produire des effets à l’étranger.

Les tribunaux saisis d’une requête en exéquatur sont interdits de re-juger l’affaire au fond, la reconnaissance doit se limiter à un examen superficiel de conformité avec les principes essentiels du droit français.

Les conditions de reconnaissance sont :

  • Compétence du juge étranger
  • Absence de fraude
  • Conformité à l’ordre public français, c’est-à-dire uniquement à ses principes essentiels.

Les conditions pour reconnaître une GPA en France.

Même si la GPA demeure une pratique illégale, La Cour de cassation considère que les GPAs réalisées à l’étranger doivent pouvoir être reconnues en France pour protéger l’intérêt des enfants nés avec cette pratique et vivant en France si elles remplissent quelques conditions [1].

Dans deux arrêts de principe publiés le 2 octobre 2024 [2], la Cour de cassation examine deux affaires de demande de reconnaissance d’une GPA en France.

1. Motivation du jugement ou arrêt étranger.

Dans la première affaire, un couple homosexuel a eu recours à une GPA dans la province de l’Ontario au Canada. À son retour en France ils ont demandé l’exéquatur de la décision du tribunal canadien qui a établi qu’ils sont les parents légaux de deux enfants.

La Cour de cassation a estimé que le jugement canadien était contraire au principe essentiel de motivation des décisions de justice parce qu’il « ne précisait pas les qualités des différentes personnes qui y étaient mentionnées ni, le cas échéant, leur consentement à une renonciation à leurs éventuels droits parentaux ».

Dans cette affaire la cour avait donné l’opportunité aux parents d’intention de fournir des preuves du consentement des parties mais étrangement ils ne l’ont pas fait.

Elle décide que la décision ne peut être reconnue car pour elle la motivation est indispensable pour s’assurer du respect du droit à la vie privé des parties et des droits de l’enfant.

La cour rappelle que cette motivation est indispensable dans le cadre d’une pratique comme la GPA qui comporte des risques de vulnérabilité et des dangers de santé pour les parties. La filiation et la procréation sont des matières sensibles du point de vue juridique et sanitaire.

2. Reconnaissance avec les effets du droit étranger.

Dans la deuxième affaire, un autre couple homosexuel ayant eu recours à une GPA en Californie demande la reconnaissance en France sous forme d’une adoption plénière. La Cour de cassation la refuse en précisant que « l’arrêt produit les effets du droit étranger ».

Ainsi, l’arrêt californien peut produire tous ses effets en France et les enfants du couple ne sont pas considérés comme ayant été adoptés. Dans ce cas, c’est la reconnaissance pure et simple de la GPA en France.

En conclusion, il suffit que le jugement motive le consentement et la qualité des parties à la convention de GPA pour qu’il soit reconnu tel quel.

3. Reconnaissance avec absence de lien biologique avec la mère porteuse ou avec la mère d’intention.

Dans une troisième affaire de principe du 14 novembre 2024 [3], la cour rappelle qu’« aucun principe essentiel du droit français n’interdit la reconnaissance en France d’une filiation établie à l’étranger qui ne correspondrait pas à la réalité biologique ».

La cour considère que même les GPA avec un parent d’intention seul et une mère porteuse qui n’est pas la mère biologique de l’enfant, n’heurtent pas l’ordre public français et peuvent produire leurs effets en France.

Pour justifier sa décision, la cour rappelle qu’en droit français, on retrouve aussi des moyens d’établir une filiation non biologique comme avec la PMA ou l’adoption.

Conclusion.

La jurisprudence actuelle permet à une GPA réalisée à l’étranger de produire tous ses effets en France à condition que le jugement étranger mentionne :

  • La qualité des personnes qui ont participé au projet
  • Le consentement surtout de la mère porteuse et des autres parties à cette convention, dans ses modalités comme dans ses effets sur leurs droits parentaux.


Article initialement publié sur le Village de la Justice.


Notes :

[1Ass. plén., 4 octobre 2019, pourvoi n°10-19.053, publié.

[22 octobre 2024 Cour de cassation 1ère Civ. Pourvoi n° 22-20.883 et 2 octobre 2024 Cour de cassation 1ère Civ. Pourvoi n° 23-50.002.

[314 novembre 2024 Cour de cassation 1ère Civ. Pourvoi n° 23-50.016.

  • La reconnaissance en France des filiations établies par une GPA à l’étranger

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