Testaments, donations, procurations authentiques, contrats de mariage, transactions immobilières… Autant d’actes authentiques ayant force exécutoire en France que les expatriés et les non-résidents peuvent avoir besoin de réaliser hors du territoire national. Pour ce faire, ils pouvaient jusqu’à il y a peu de temps, s’orienter vers le notaire consulaire de leur pays de résidence, compétent pour instrumenter. Depuis, la réalisation d’actes authentiques à l’étranger a évolué.
Actes notariés à l’étranger : privilégier l’acte sous seing privé par défaut et si possible
L’acte authentique est un acte reçu avec les solennités requises par un officier public ayant compétence pour instrumenter dans le lieu où il a été rédigé [1]. À l’inverse, un acte sous seing privé est un acte écrit, rédigé par les parties entres elles sans la présence et le contrôle d’un notaire pour produire effet, et qui peut être régularisé en tout lieu y compris à l’étranger.
Désormais, face à l’impossibilité de réaliser des actes notariés à l’étranger auprès des postes diplomatiques et consulaires français, il convient dans un premier temps, avec le conseil d’un notaire, de vérifier si au regard de l’opération souhaitée, l’acte peut être réalisé sous seing privé. Si tel est le cas, le consulat ou l’ambassade de France restent compétents pour légaliser et certifier la signature de l’acte à l’étranger qui pourra être opposable en France pour toute démarche. Toutefois, cette solution à ses limites. En effet, les actes qui requièrent une forme authentique ne peuvent être remplacés par un acte sous seing privé. De ce fait, leur réalisation à l’étranger implique de passer par d’autres moyens.
Réaliser des actes authentiques à l’étranger : entre complexité et disparité
Dans les pays de droit latin, il faut faire appel à un notaire local qui aura toute compétence, au même titre que le notaire français, pour réaliser l’acte notarié demandé selon les conditions requises de l’authenticité.
En pratique, le notaire français enverra au notaire étranger un modèle de l’acte français, éventuellement sa traduction en langue étrangère pour permettre au notaire local d’en faire la lecture et d’en donner une explication claire au client, avant de recueillir sa signature.
Ensuite, pour que la procuration soit recevable en France et opposable pour toute démarche, il convient de procéder, à la légalisation ou l’apostille de l’acte par les autorités diplomatiques et consulaires françaises situées dans le pays émetteur. En effet, un acte réalisé dans un pays ne peut produire effet dans un autre pays sans la formalité de légalisation. En quoi consiste-t-elle ?
La légalisation se présente sous la forme d’un cachet officiel ajouté sur le document. Elle a pour objectif d’attester « la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte sous seing privé ou de l’acte authentique a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu [2] ». L’apostille, quant à elle, n’est autre qu’une « forme simplifiée de légalisation consistant à apposer sur un document une forme de tampon identique dans tous les pays [3] ».
À noter que dans certains cas, les actes réalisés dans certains pays peuvent être dispensés de légalisation, notamment s’il y a une convention signée avec la France qui prévoit sa suppression.
Dans les pays de droit anglo-saxon, la situation est plus complexe. L’équivalent d’acte authentique n’existe pas, tout comme le rôle de notaire. L’acte notarié peut se faire « en la forme authentique locale [4] », devant ce qu’on appelle un « notary public ». Il s’agit d’un juriste local, dont le rôle principal est de certifier la sincérité et l’authenticité des signatures. Il n’a en aucun cas le statut de notaire ou d’officier public au sens du droit civil, dont les actes qu’il rédigerait seraient considérés comme authentique au sens strict.
La Cour de cassation [5] est d’ailleurs très claire à ce sujet. En l’espèce, il s’agissait d’une procuration réalisée par un notary public australien pour une cliente française, en vue de réaliser un acte notarié de caution hypothécaire reçu par un notary public, et simplement apostillé par ce dernier. La Cour a estimé que l’acte n’était pas un acte authentique, en ce qu’il ne revêtait pas les solennités requises par le droit français. La forme authentique de la procuration est rejetée tant en qui concerne la qualité de notary public que des conditions stricto sensu d’authenticité prévue par le droit français. Par conséquent, les actes réalisés à l’étranger par un juriste local dans un pays de Common Law, ne peuvent être opposables en France et son considérés comme nuls.
C’est pourquoi, en pratique, il convient davantage de s’orienter vers un lawyer ou un homme de loi dont la compétence est identique à celle du notaire français pour réaliser une procuration authentique dans un pays anglo-saxon. Il sera qualifié pour expliquer l’acte à son client, répondre à ses questions et s’assurer de son consentement éclairé. Ce n’est qu’après que le notary public interviendra pour certifier le caractère original de la signature. Une solution pour le moins complexe et coûteuse loin de fluidifier la réalisation d’actes depuis un pays anglo-saxon !
Face à la difficulté pour les clients expatriés ou non-résidents de réaliser un acte hors de France et notamment dans les pays de Common Law, les notaires français doivent trouver des solutions pragmatiques : inciter leurs clients à rentrer en France pour réaliser un acte ou recourir à la procuration authentique à distance quand cela est possible.
L’acte notarié à distance : une solution bienvenue pour faciliter la réalisation des actes notariés à l’étranger
Depuis l’entrée en vigueur du décret du 20 novembre 2020 [6], il est possible de rédiger une procuration authentique à distance afin de favoriser la signature d’un acte. Cette technique donne compétence aux notaires français de réaliser des actes de procurations par voie dématérialisée, sans que l’une ou l’ensemble des parties ne soient physiquement présentes. Une aubaine pour les clients ne pouvant se déplacer mais qui gardent la possibilité de conclure des actes notariés à distance.
La comparution du client par visio-conférence ne dispense pas du respect des formalités de l’acte authentique : au cours de la réunion, le notaire délivre toutes les informations utiles et nécessaires, il répond à l’ensemble des questions afin de s’assurer du consentement éclairé des parties. Ce n’est qu’à l’issue de cet échange que l’acte pourra être signé électroniquement et de manière sécurisée. Les procurations ainsi réalisées peuvent être reçues pour les actes notariés les plus fréquents : bail, donation, contrat de mariage, partage de bien immobilier ou encore vente ordinaire.
Ce dispositif est un véritable avantage pour les clients installés ou travaillant à l’étranger, qui ont vu les procédures se complexifier depuis la fin des fonctions des notaires consuls. Elle constitue une alternative sécurisée qui permet de fluidifier les actes réalisés par les non-résidents et plus particulièrement pour les clients établis dans un pays de droit anglo-saxon. Reste un seul regret : que cette solution ne soit limitée qu’aux procurations. Face à l’impossibilité pour le notaire d’instrumenter à l’étranger, on peut espérer que la procuration notariée à distance constitue la première étape vers une généralisation des procédures à distance pour l’ensemble des actes notariés.
Notes :
[1] Art. 1369 du code civil
[2] Décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs, et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d’actes, art 1 et 2.
[3] Guide Juridique des français de l’étranger (site des Français à l’étranger)
[4] Guide Juridique des français de l’étranger, Comment faire établir un acte authentique à l’étranger, févr. 2021, p. 3
[6] Décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020, instaurant la procuration notariée à distance
Amel Ben-Hefaied
Pour la Rédaction du Village des Notaires et des Experts du Patrimoine