L’expérience le montre. Echangez avec des propriétaires qui procèdent à la création d’une mezzanine, à l’aménagement de combles, à la construction d’une véranda ou encore à la création d’un étage supérieur, tous penseront automatiquement à déposer préalablement un dossier de permis de construire auprès de la Mairie.
Ils n’auront par ailleurs pas tort dès lors que ces ouvrages ont pour conséquence d’agrandir la Surface De Plancher [1], laquelle nécessite une autorisation urbanistique.
A contrario, questionnez les sur leurs obligations envers la copropriété…peu de réponse. Encore moins lorsque la copropriété est dite « horizontale », soit un agglomérat de pavillons. Même pour des professionnels de l’immobiliers, notamment ceux en charge de la maîtrise d’œuvre d’exécution et/ou de suivi d’exécution du chantier, la problématique est trop souvent occultée.
Pourtant, en matière d’affouillement, de construction et de surélévation, le respect du P.L.U n’est pas le seul critère. Et, un défaut d’autorisation de la copropriété d’aliéner les droits de construire peut aisément entraîner une action en justice à procéder purement et simplement à la démolition de l’ouvrage. La prudence doit donc être de rigueur.
I. Qu’est-ce que le droit de construire en copropriété ?
En propos limaires, il est assez compréhensible d’observer à quelle point cette question est oubliée par les maître d’ouvrage, tant elle est peu traitée par la sphère juridique. Les écrits sont rares et souvent trop complexes pour un profane. Il convient donc de mettre un terme à cette lacune.
Reprenons du début. En matière de copropriété, il doit être entendu qu’à défaut de contradiction dans les titres notariés tels que le Règlement de copropriété ou l’Etat descriptif de division, le sol doit être réputé comme une partie commune. En l’espèce, cela signifie qu’il importe peu que la copropriété soit composée d’un immeuble de plusieurs étages ou de pavillons de plain-pied, l’assiette foncière du terrain doit être considéré comme une partie commune. Cette règle découle de la lecture de l’article 3 de la Loi du 10 juillet 1965.
Il émane de ce paradigme une deuxième abstraction : le droit de construire. Disposé dans le même article 3, il doit être principalement décomposer en « droit de surélever […] droit d’édifier […] droit d’affouiller… » [2].
Le droit de construire est donc l’accessoire de la partie commune qu’est le sol ou l’assiette foncière de la copropriété. De ce fait, toute création d’un lot, qu’il soit affecté à l’usage commun ou privatif, devra être considérée comme un acte de disposition vis-à-vis de la copropriété et nécessitera une autorisation de l’assemblée générale.
II. Comment aliéner un droit de construire sur un lot privatif ?
Il sera opéré ici une dichotomie entre l’aliénation d’un droit de construire pour un lot à usage commun (création d’un parking, d’un local…), souvent à l’initiative du Syndicat des copropriétaires (maître d’ouvrage) et sur lequel les copropriétaires voisins auront un droit de préemption [3], et le droit de construire pour un lot à usage privatif.
C’est évidemment le dernier cas qui nous intéresse et l’article 35 alinéa 1 prévoit que : « la surélévation ou la construction de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée par les soins du syndicat que si la décision en est prise à la majorité prévue à l’article 26 ».
Cette disposition étant d’ordre public, aucune convention, ni même le Règlement de copropriété de l’immeuble, ne pourra déroger à la règle de la majorité des deux tiers édictée par l’article 26 de la Loi du 10 juillet 1965.
En outre, la jurisprudence de la Cour de cassation, auparavant changeante sur la question, a tranché et considéré que même si le lot avait été créé par un copropriétaire, à titre privatif, étant donné que ce dernier se situe sur le terrain d’assiette de la copropriété, partie commune, il devait être accordé à la majorité de l’article 26 [4].
Concrètement, un copropriétaire qui souhaiterait édifier, surélever ou affouiller son lot devra faire voter une résolution en assemblée générale, laquelle se décomposera comme suit :
- La création d’un lot transitoire attaché au droit d’utiliser le SDP, assiette de la copropriété (majorité de l’article 26) ;
- L’approbation du projet de travaux précis affectant les parties communes et ayant une incidence sur l’aspect extérieur de l’immeuble (majorité de l’article 25 b)) ;
- L’approbation du projet modificatif des tantièmes de copropriété et des charges induites par ces travaux (majorité de l’article 26) ;
- L’approbation du projet de cession du lot transitoire et la création d’un lot privatif moyennant une indemnité (majorité de l’article 26).
Considérant la complexité du projet, l’intervention d’un géomètre expert est obligatoire d’autant plus que ce dernier dispose d’un monopole règlementaire sur les bornages fonciers.
III. Est-il possible de s’arroger conventionnellement un droit de construire ?
Avant la Loi Elan du 23 novembre 2018 (n°2018 – 1021), les copropriétaires pouvaient se réserver le droit de construire sur un lot privatif, avec la condition de l’exercer dans les dix ans de la convention et de soumettre le projet aux copropriétaires à la majorité de l’article 25 [5].
Depuis le 23 novembre 2018 et la création de l’article 37-1 de la Loi du 10 juillet 1965 : « par dérogation à l’article 37, les droits de construire, d’affouiller et de surélever ne peuvent faire l’objet d’une convention par laquelle un propriétaire ou un tiers se les réserverait. Ces droits peuvent toutefois constituer la partie privative d’un lot transitoire ».
Ce qu’il faut comprendre est qu’à compter de cette loi (non rétroactive pour les conventions antérieures), le copropriétaire qui souhaite prévoir conventionnellement une possibilité pour lui de surélever, par exemple, un étage de son pavillon, ne le pourra pas. Sauf pour le Syndicat des copropriétaires à créer dès l’origine un lot transitoire consistant en un lot privatif affecté desdits droits de construire et que le copropriétaire pourra aliéner contractuellement.
IV. Quid en cas de construction irrégulière ?
C’est malheureusement souvent le cas. Comme cité en introduction, beaucoup de copropriétaires s’inquiètent de déposer un permis de construire mais oublient les règles du droit de la copropriété.
Or, une construction non approuvée en assemblée générale doit être considérée comme une appropriation frauduleuse des droit de construire. La jurisprudence est à ce sujet particulièrement sévère et fait droit aux actions du Syndicat des copropriétaires mais également de tout copropriétaire, sans qu’il ne justifie d’un intérêt à agir direct, et prononce la condamnation sous astreinte à faire démonter l’ouvrage irrégulier.
En outre, une indemnité pourra être accordée aux copropriétaires voisins lésés du fait de cette appropriation frauduleuse. La double sanction pour le copropriétaire négligent qui doit faire démolir son ouvrage et payer des dommages-intérêts.
Ajoutons enfin que cette aliénation constitue un droit réel, prescrit non pas de dix ans mais de trente années !
En conséquence, lors d’un projet d’édification, d’affouillement ou de surélévation, il convient toujours de se conformer à la bonne application des règles de la copropriété et d’acquérir préalablement les droits de construire.
Notes :
[1] SDP – Articles L.112-1 et R.112-2 du Code de l’urbanisme.
[2] Article 3, Loi du 10 juillet 1965.
[3] Article 30 de la Loi du 10 juillet 1965.
[4] Cass. Civ. 3ème, 20 mars 2002, Constr. urb. 2002, page n°173, obs. D. Sizaire.
[5] Article 37 de la Loi du 10 juillet 1965.
Charles Dulac
Avocat