En 2021, l’Administration fiscale a commencé, dans quelques départements Français, à utiliser l’IA pour la détection de constructions non déclarées, qui ne sont pas indifférentes pour l’assiette de la taxe foncière et de la taxe d’habitation. Techniquement, des algorithmes extraient les contours des immeubles bâtis et des piscines, qui sont ensuite confrontés aux déclarations faites par les propriétaires aux différentes administrations, afin de savoir si les éléments sont correctement imposés. Le cas échéant, une relance est d’abord envoyée au propriétaire afin qu’il confirme le caractère imposable de sa piscine, comme le veut le caractère contradictoire du modèle déclaratif.
Résultat : grâce au traitement informatique spécifique de ces prises de vue aériennes, plus de 20 000 piscines objets des omissions ou des erreurs déclaratives de leurs propriétaires ont été détectées et plus de 10 millions d’euros de recettes récoltés au titre de leur réimposition. Les Bouches-du-Rhône et le Var arrivent en tête des départements désormais connus pour leurs piscines non déclarées.
À l’occasion du bilan de cette expérimentation baptisée « Foncier innovant » réalisé par DGFiP, le dispositif a été généralisé, tous les départements étant, depuis septembre 2022, dans le viseur de ce nouveau procédé de contrôle. Pour plus de détails sur le foncier innovant, voir l’article de Laurent Thibault Montet, « DGFiP, "foncier innovant" et Google Maps ».
Si les piscines ont constitué les premières cibles de la mise en place de ce dispositif, l’IA pourrait, à terme, servir à la détection d’autre bâti non déclaré pour s’assurer de sa juste imposition et procéder aux redressements adéquats. Seraient notamment concernés les terrains de tennis, les terrasses, les dépendances, les élévations d’étage, les vérandas ou encore certains abris de jardin.
L’utilisation de tels outils est ainsi en passe de révolutionner la représentation de certaines constructions sur le plan cadastral et la « discrétion » des déclarants à leur propos pourrait bientôt être vaine. Reste que l’intensification de l’utilisation de l’IA par le Fisc fait débat au sein même du syndicat de la DGFiP, qui a récemment pris position concernant l’efficacité de l’IA comme les suppressions de postes subséquentes et la dégradation de la qualité du service public [1].
Ces craintes ressortent également d’une étude intitulée « Intelligence artificielle et action publique : construire la confiance, servir la performance » et réalisée par le Conseil d’État en 2022. Si elle confirme que les activités de contrôle sont le terrain de déploiement privilégié des systèmes d’IA que le projet « Foncier innovant » poursuit cette dynamique, elle soulève en effet des questions relatives à la maîtrise, à l’équité et à l’acceptabilité de ce type de technologie par les citoyens.
Notes :
[1] Voir not. « IA partout, service public nulle part ? ».
Alix Germain
Rédaction du Village des Notaires et des Experts du Patrimoine