Les dispositions relatives à l’étude géotechnique ont été introduites par la loi ELAN 2018-1021 du 23 novembre 2018 suivie de son décret d’application 2019-495 du 22 mai 2019. Certains textes ont été modifiés ou abrogés par la suite et d’autres ont été créés.
À ce jour, ce sont les dispositions de l’ordonnance 2020-71 du 29 janvier 2020, celles de l’ordonnance 2023-78 du 8 janvier 2023 [1] et celles du décret 2021-872 du 30 juin 2021 [2] qui s’appliquent, ainsi que les dispositions des deux arrêtés du 22 juillet 2020 et des deux arrêtés du 24 septembre 2020.
Concernant l’entrée en vigueur des textes, le décret du 22 mai 2019 a précisé que les dispositions étaient applicables « aux actes de vente mentionnés aux articles L112-21 et L112-24 du Code de la construction et de l’habitation et aux contrats de construction conclus à compter du 1er janvier 2020 », mais les deux arrêtés du 24 septembre 2020 ont fixé expressément l’entrée en vigueur des arrêtés du 22 juillet 2020 au 1er octobre 2020. La question n’a pas été directement tranchée, mais dans la mesure où ces arrêtés sont nécessaires pour l’application des premiers textes, il semble que la volonté politique était de différer la date d’entrée en jouissance au 1er octobre en lieu et place du 1er janvier.
Par ailleurs, rappelons que toutes les ventes sont concernées par l’étude géotechnique préalable, qu’elles soient amiables ou judiciaires, y compris les ventes publiques. A contrario, il n’existe aucune obligation pour un acte à titre gratuit, même s’il constate un transfert de propriété, ni pour un acte déclaratif. L’acte d’échange, la cession de droits indivis, l’apport en société ne sont pas visés par l’article L132-5 du CCH. Concernant la cession de droits indivis, nous pouvons penser qu’elle peut être assimilée à une vente si elle ne peut être considérée comme un acte de partage au sens de l’article 883 du Code civil.
En outre, l’étude géotechnique préalable est à distinguer de l’étude géotechnique de conception.
L’article R132-4 du CCH indique que l’étude géotechnique préalable « procède à une première identification des risques géotechniques d’un site et à la définition des principes généraux de construction permettant de prévenir le risque de mouvement de terrain (…) », alors que l’article R132-5 du CCH précise qu’une étude géotechnique de conception, qui prend « en compte l’implantation et les caractéristiques du bâtiment », « a pour objet de fixer, sur la base d’une identification des risques géotechniques du site d’implantation, les prescriptions constructives adaptées à la nature du sol et au projet de construction, afin de prévenir le risque de mouvement de terrain (…) ».
Le contenu de ces études a été précisé par un arrêté ministériel du 22 juillet 2020.
Ces rappels étant faits, nous allons à présent nous intéresser à cette obligation d’information du vendeur.
Les dispositions relatives à l’étude géotechnique préalable sont destinées à informer l’acquéreur d’un terrain de la situation de ce-dernier au regard des « zones exposées au phénomène de mouvements de terrain différentiel consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols ».
Dès lors, il s’agit d’une obligation spéciale d’information propre à un domaine spécifique qui s’inscrit dans le devoir d’information générale du vendeur de l’article 1112-1 du Code civil, l’information ayant « un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat », savoir l’objet.
Rappelons que l’article 1112-1 du Code civil dispose que :
« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».
Il résulte de cet article que :
« les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir ».
L’obligation d’information précontractuelle du vendeur et par conséquent, l’obligation de fournir une étude géotechnique préalable lorsque les conditions sont réunies, est donc une obligation d’ordre public et s’impose en toutes circonstances. Ainsi, le contrat de vente ne peut comprendre une clause limitative ou exclusive de responsabilité pour le vendeur.
Concernant les sanctions, les textes n’en prévoient pas. Il convient donc de se tourner vers le droit commun des sanctions de l’obligation générale d’information. Ainsi, si l’absence d’étude géotechnique préalable est à l’origine d’un vice du consentement de l’acquéreur tel que stipulé à l’article 1130 du Code civil (erreur ou dol), la sanction pourrait être l’octroi de dommages-intérêts, voire l’annulation de la vente. Il faut noter également qu’une action en garantie des vices cachés à l’encontre du vendeur serait possible. Nous pourrions aussi penser à un éventuel préjudice pour perte de chance de négocier une réduction du prix de vente de l’immeuble comme cela a pu être admis par les juges en matière de diagnostic de performance énergétique [3].
Réflexion : comment traiter (i) le cas des actes qui ne sont pas constitutifs d’une vente (échange, cession de droits indivis au sens de l’article 883 du Code civil, apport en société), ou (ii) d’une vente pour laquelle l’étude géotechnique n’est pas obligatoire faute de remplir toutes les conditions ?
La prudence commande pour le vendeur de donner l’information dans l’acte de vente concernant la situation de l’immeuble au regard des zones d’exposition en rappelant la réglementation, et ce même s’il appartient à l’acquéreur, créancier de l’obligation d’information, de s’informer lui-même. Cela lui permettra notamment, en cas de réalisation de travaux, de savoir s’il devra remettre ou non une étude géotechnique préalable ou de conception au maître d’ouvrage.
Heureusement ou malheureusement, les juges n’ont pas été amenés jusqu’à ce jour à se prononcer sur ces questions. Pour plus de précisions, il convient donc d’attendre les premières décisions de Justice en la matière ou une actualisation des textes.
Notons que le phénomène de mouvement de terrain différentiel tend à s’amplifier en raison du changement climatique et une attention particulière est à porter à ce sujet dans la mesure où il peut avoir un impact non négligeable sur la valorisation de l’immeuble et/ou lors de la souscription des polices d’assurances multirisques et construction. S’il n’existe pas à ce jour de jurisprudence à rapporter en la matière, nous pouvons néanmoins craindre un contentieux futur.
Article initialement publié sur le Village de la Justice.
Notes :
[1] Articles L 132-4 et suivants du CCH.
[2] Articles R 132-3 et suivants du CCH.
[3] Cour de cassation, chambre civile, 21 novembre 2019, 18-23.251.
Cyrielle Baltzinger
Notaire à Paris (8ème arr)