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Dématérialisation des demandes d'autorisation d'urbanisme : un bilan mitigé

Dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme : un bilan mitigé

Un an après son entrée en vigueur, l’obligation de réception et d’instruction dématérialisées des demandes d’autorisation d’urbanisme pour les communes et les intercommunalités n’est pas encore pleinement effective. Des freins d’ordre techniques, matériels et humains persistent. Voyons ce qu’il en est un peu plus en détail avec l’enquête menée conjointement par l’Association des Maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et Intercommunalités de France.

Enquête DEMAT’ADS et dématérialisation des autorisations d’urbanisme

L’enjeu de la dématérialisation des demandes d’autorisations d’urbanisme entrée en vigueur le 1er janvier 2022 [1] est triple :

  • apporter un meilleur service public ;
  • simplifier les démarches des usagers ;
  • enrichir les services rendus.

Pour y parvenir, l’État a notamment mis en place une suite logicielle, composée de plusieurs outils complémentaires parmi lesquels :

  • PLAT’AU pour PLATeforme des AUtorisations d’urbanisme : elle permet à tous les acteurs concernés par un dossier de se connecter (sans remplacer les logiciels d’instruction) ;
  • AD’AU pour Assistance aux Demandes d’Autorisation d’Urbanisme : il permet à l’usager de faire la demande en ligne.

L’enquête « DEMAT’ADS pour les communes et intercommunalités » fait un état des lieux de l’organisation des communes et intercommunalités pour répondre à l’obligation de réception et d’instruction dématérialisées des demandes [2].

Les répondants [3] sont en majorité des communes de moins de 3 500 habitants. Pour les communes, les réponses ont été apportées par les maires (26%) et les directions générales des services (DGS) ou les secrétaires de mairie (37%) ; pour les intercommunalités, elles sont principalement composées de communautés de commune à dominante rurale, avec des réponses apportées en majorité par les responsables en charge de l’urbanisme (58%).

Sur la mise en place de la téléprocédure [4]

Selon l’enquête, seules 40% des communes répondantes de plus de 3 500 habitants l’ont mise en place. Mais il est vrai que 43% des communes, comptant moins de 3 500 habitants, ne sont pas concernées.
On notera toutefois une volonté nette d’appropriation du dispositif : un certain nombre de communes de moins de 3 500 habitants ont pu mettre en place une téléprocédure alors qu’elles ne relevaient pas de l’obligation légale. Souvent, la mise en place a été rendue possible grâce à un service mutualisé au niveau intercommunal pour d’autres communes de plus de 3 500 habitants.

Du côté des intercommunalités, le dispositif est opérationnel pour 70 % d’entre-elles et est en cours de finalisation pour 10 %.

Du côté des difficultés, l’enquête révèle que des communes (9%) et les intercommunalités (25%) ont rencontré des problèmes désormais résolus. Mais tout n’est pas encore réglé : 17,5% des communes et 50% des intercommunalités font face à des problèmes persistants. Ceux-ci sont de nature diverse.

En ce qui concerne les parties prenantes « externes » des collectivités, l’enquête fait état de :

  • bugs et dysfonctionnement des plateformes étatiques (notamment PLAT’AU) ;
  • problèmes de mise à jour et de stabilité des logiciels des éditeurs tiers ;
  • refus par certains services déconcentrés de recevoir le dossier de demande sous forme dématérialisée, parmi lesquels les Unités Départementales de l’Architecture et du Patrimoine (UDAP), les Architectes des Bâtiments de France (ABF) et les Directions Départementales des Territoires (DDT).

En interne, des problèmes persistent notamment au niveau des communes, en raison :

  • d’un manque de formation (agents) et d’information (usagers) concernant l’utilisation des logiciels et des outils informatiques mis en place ;
  • de la difficulté de remplacer les agents (souvent seuls et multi-tâches) pendant leurs congés, avec, à la clé, des délais d’instruction allongés.

L’enquête souligne que la majorité des intercommunalités ont mis en place un service d’instruction, soit au bénéfice de toutes les communes membres (37,5%), soit au bénéfice d’une partie seulement des communes membres (49%). Cette mutualisation de l’instruction au niveau intercommunal peut expliquer le très faible recours à des prestataires privés.

D’autres motifs plus extrinsèques expliquent les difficultés de mise en œuvre :

  • mauvaise couverture internet du territoire concerné ;
  • effet de doublon papier/dématérialisation, avec une gestion du double flux génératrice de coûts, de complexité, « une charge de travail conséquente et une perte de temps considérable » pour les collectivités.

Sur la saisine par voie électronique (SVE)

La SVE est en principe obligatoire pour toutes les communes, indépendamment de leur taille, afin de permettre aux pétitionnaires qui le souhaitent d’adresser par voie électronique leurs demandes d’autorisation d’urbanisme, ainsi que les déclarations d’intention d’aliéner [5].

Ici encore, l’enquête DEMAT’ADS fait un bilan mitigé : 66% des communes l’ont mis en place, 9% des répondants ont indiqué ne pas l’avoir mis en place et, plus surprenant, 14% des répondants ne « savent pas ».
76 % des intercommunalités ayant répondu au questionnaire ont mis en place le dispositif au bénéfice des communes guichets uniques ; 17% n’ont pas (encore) proposé la SVE.

Parmi les collectivités qui sont en conformité, les 2/5e n’ont pas rencontré de difficultés (40% pour les communes ; 37% pour les intercommunalités). D’autres font en revanche face à des problèmes.

Ces difficultés de nature similaire à celles précédemment évoquées : couverture réseau, manque de temps, d’information, de moyens, de ressources humaines. Les intercommunalités font état de leur côté, du coût financier, du manque de temps, de formation et de compétences informatiques, notamment pour les communes.

Ces difficultés sont particulièrement manifestes dans les communes rurales de petite taille, les difficultés sont d’autant plus grandes que vient s’ajouter une population ayant peu d’habileté avec les outils informatique et des usagers ruraux exprimant le besoin d’un rapport direct et humain avec les différents services.

En pratique, des difficultés pour partie déjà identifiées en 2020 persistent pour les collectivités (communes et intercommunalités) du point de vue tant technique, que matériel et humain.

Elles mettent nettement en évidence un besoin d’accompagnement fort par les services de l’État, notamment au nom de l’équité territoriale, à l’égard des communes et intercommunalités les plus rurales.

Cela étant, gardons espoir en vue d’une prochaine dématérialisation plus aboutie. En effet, comme le souligne la synthèse des résultats de l’enquête :

Les collectivités « voient à travers cette dématérialisation des possibilités de raccourcir les délais d’instruction, réduire les coûts d’instruction, fluidifier les relations avec les services consultés, améliorer la qualité de l’instruction et le suivi des dossiers ».

Accéder aux résultats de l’enquête DEMAT’ADS pour les communes et intercommunalités ici (site de l’AMF)


Notes :

[1Obligation de réception des demandes dématérialisées d’autorisation d’urbanisme et d’instruction dématérialisée pour les communes de plus de 3 500 habitants, issue de l’ord. n° 2014-1330, 6 nov. 2014 et de la loi n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 62

[2Deux enquêtes, l’une à destination des communes, l’autre à destination des intercommunalités, respectivement de 31 et 32 questions, ont été adressées à l’ensemble des communes et intercommunalités, y compris non adhérentes de l’AMF et d’Intercommunalités de France, le 19 octobre 2022. Les résultats ont été arrêtés 3 semaines après.

[34 774 communes ont répondu au questionnaire, dont 2 342 partiellement et 2 432 totalement. Pour les intercommunalités, 210 ont répondu au questionnaire, dont 131 partiellement et 79 intégralement.

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