Pour rappel, la saisie des rémunérations est une mesure d’exécution forcée qui permet à un créancier de se faire payer les sommes qui lui sont dues sur le salaire de son débiteur. L’employeur retient ainsi une partie des rémunérations du salarié. Actuellement, elle fait l’objet d’un régime dérogatoire par rapport aux autres mesures d’exécution forcée mobilières en raison de sa gravité : elle implique en effet l’intervention préalable du juge de l’exécution (JEX), mais aussi l’intervention des services de greffe des tribunaux judiciaires pour sa mise en œuvre. Sa saisine par le créancier, muni d’un titre exécutoire, est donc obligatoire.
Or le projet de loi d’orientation et de programmation de la Chancellerie 2023-2027, pour harmoniser le régime des mesures d’exécution mobilières, prévoit d’en déjudiciariser (partiellement) la procédure pour confier la mise en œuvre de cette saisie exclusivement au commissaire de justice. Plus précisément, il serait créé pour cette fonction un commissaire de justice dit répartiteur.
Si cette réforme, qui doit entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2025, est adoptée telle quelle, la mesure serait désormais mise en œuvre par la délivrance d’un procès-verbal de saisie des rémunérations par le commissaire de justice à l’employeur du débiteur. L’office du JEX serait néanmoins maintenu s’il est, en cas de contestation, saisi par le débiteur. D’un contrôle a priori, l’on passerait ainsi à un contrôle a posteriori du juge. Il convient donc de faire un emploi parcimonieux du terme « déjudiciarisation ».
Notons toutefois que la procédure de saisie n’est mise en œuvre qu’après la délivrance, au débiteur, d’un commandement de payer assorti d’un délai suspensif d’un mois lui permettant soit de contester la mesure, soit de conclure un accord avec le créancier. Cela signifie que seule la contestation formée dans ce délai est de nature à suspendre la procédure.
Mais le CNB déplore, dans sa résolution, la disparition du recours à la Justice et l’absence de contrôle par le juge a priori, dénonçant ainsi le risque d’aggravation de la précarité des plus vulnérables qui verraient leur accès à la justice dégradé. On peut en effet souligner que la contestation par le débiteur passé le délai d’un mois suivant le commandement de payer ne suspend pas, elle, la procédure.
Dans son avis consultatif sur le projet de loi du ministère de la Justice, rendu public le 2 mai 2023, le Conseil d’État fait plusieurs suggestions sur le contenu du décret à venir sur les modalités d’application d’une telle réforme. Pour préserver et concilier les intérêts à la fois des débiteurs, des créanciers et des commissaires de justice, il appelle ainsi à prévoir des mesures telles qu’un plafonnement du nombre d’actes d’exécution ou du
montant des frais des commissaires de justice à la charge des débiteurs, ou un étalement de ces frais. Il soulève dans le même temps l’absence d’éléments d’appréciation des conséquences sociales et économiques de cette mesure sur la population.
Consultez la résolution du CNB du 12 mai 2023 ici. Pour aller plus loin, retrouvez également l’étude d’impact du projet de loi ici.
Alix Germain
Rédaction du Village des Notaires et des Experts du Patrimoine