Depuis 2013, une révolution dans l’analyse des loyers en France : les 34 Observatoires Locaux des Loyers (OLL) [1] couvrant 58 villes à travers la France. Ces observatoires, clés pour comprendre l’état du marché locatif privé, sont orchestrés par l’ADIL et l’OLAP, unifiant divers experts du secteur immobilier. En 5 ans, 11 nouveaux observatoires ont été ajoutés, enrichissant notre compréhension des données locatives.
La DGALN (Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature) a également apporté sa contribution avec la "carte des loyers" [2] en 2018, désormais supervisée par l’ANIL depuis 2022. Avec plus de 7 millions d’annonces locatives, et la collaboration d’Agrosup Dijon et de l’INRAE, cette carte fournit une méthodologie unique pour une analyse précise des loyers en France.
Ces informations révèlent les disparités des loyers selon la localisation (ville ou campagne) et le type de logement (appartement ou maison). De plus, elles exposent l’impact majeur de la pandémie et de l’inflation sur les prix des loyers. Face à ces défis, de nouvelles réglementations ont été mises en place pour encadrer les loyers et ainsi éliminer les abus.
Le grand écart des loyers : Villes vs. Campagnes
Les variations de loyers en France sont marquées. Dans les grandes métropoles comme Paris, Lyon et Marseille, les loyers sont souvent plus élevés, reflet d’une forte demande liée à la population et aux opportunités économiques.
En tête du marché locatif français, l’Ile-de-France se distingue avec des prix moyens de 27,27€ par m2 à Paris et 21,11€ dans les Hauts-de-Seine. À l’inverse, les régions rurales ou moins densément peuplées, telles que la Haute-Loire et les Ardennes, présentent les coûts locatifs les plus abordables, à respectivement 6,75€ et 6,76€ du m2.
Un autre écart notable concerne les types de logements. Qu’il s’agisse d’une maison ou d’un appartement, meublés ou non, les coûts diffèrent. Selon le baromètre Seloger d’août 2023, la moyenne mensuelle est de 985€ pour une maison (902€ si elle est meublée) contre 709€ pour un appartement (671€ pour un meublé).
Ces données révèlent les disparités régionales et typologiques du marché locatif français en constante évolution.
Covid-19 et Inflation : Les Loyers en Ébullition
La pandémie de Covid-19 et ses confinements successifs ainsi que les mesures de distanciation sociale ont entraîné un changement notable dans les habitudes de vie et d’habitation des Français en quête de liberté et de grands espaces. Le télétravail et les restrictions de déplacement ont incité de nombreux locataires à rechercher de plus grands espaces et à s’éloigner des grandes métropoles pour bénéficier de loyers moins onéreux.
Selon l’observatoire des loyers du marché locatif privé 2023 de Clameur [3], cette tendance a eu pour conséquence une hausse significative des prix des loyers en France. Les loyers des appartements ont enregistré une hausse de 6,71% et ceux des maisons de 6,43% depuis 2018, soit une augmentation annuelle moyenne de 1,3%.
Cette hausse des loyers s’est inévitablement traduite par une augmentation des impayés. Les dernières données d’Imodirect montrent une nette augmentation des impayés de faible montant (nécessitant une première relance dès le jour suivant [J + 1]) en Ile-de-France, passant de 5,22% en mars 2020 à plus de 19% en mars 2023. Sur le reste du territoire, ces impayés ont grimpé de 9,23% à 23,96% sur la même période.
L’Encadrement des loyers : Le bouclier du Gouvernement
Face à l’augmentation des loyers et des impayés, le gouvernement français a mis en place des réglementations pour encadrer les loyers. À l’été 2022, une nouvelle réglementation a été établie, limitant l’augmentation des loyers à 3,5% en territoire hexagonal, 2,5% en Outre-mer et 2% en Corse. Initialement prévu pour se terminer le 30 juin 2023, ce plafonnement a été prolongé au moins jusqu’au premier trimestre 2024 par l’Assemblée nationale.
Zones d’encadrement spécifiques : Dans certaines agglomérations dites « zones tendues », où la demande de logements locatifs dépasse l’offre (généralement en raison d’une inflation des prix des loyers), des mesures spécifiques ont été mises en place, incluant :
- Première mise en location : le propriétaire fixe librement le loyer, révisable une fois par an si prévu dans le bail.
- Renouvellement de bail : possibilité d’augmenter le loyer si sous-évalué ou si la consommation énergétique est inférieure à 331kWh par m2 et par an.
- Nouvelle mise en location : loyer égal à celui de l’ancien locataire si loué dans les 18 derniers mois.
- Bail depuis le 24 août 2022 : interdiction de réviser le loyer pour les logements classés F ou G sur le DPE.
Exceptions : Certains logements, tels que ceux soumis à la loi de 1948 ou conventionnés par l’Anah (hors conventions à loyer intermédiaire), les meublés de tourisme, les logements sociaux (HLM) et les sous-locations, ne sont pas inclus dans ce dispositif.
Ces réglementations visent à stabiliser et contrôler les loyers en France, offrant un cadre plus équitable pour les locataires et les propriétaires.
Les loyers en France sont plus qu’une simple affaire d’argent. Ils sont le reflet d’une nation en mouvement, un témoin de notre temps, de nos aspirations et de nos défis.
Notes :
Ferroudja Saidoun
Rédaction du Village des Notaires et des Experts du Patrimoine