Qu’est-ce que le métavers ?
Le terme « métavers » (de l’anglais metaverse) est une contraction du préfixe « méta », qui signifie au-delà, et du mot « univers ». On désigne par cette appellation un espace virtuel basé sur la technologie blockchain et peuplé d’avatars contrôlés par des internautes.
Si vous êtes un minimum à jour sur l’actualité technologique, vous vous dites sûrement que cela existe déjà depuis belle lurette. Mais voici ce qui distingue le métavers des autres expériences éprouvées : la véritable sensation de présence physique au sein de ce fameux espace virtuel.
Dans le métavers, l’utilisateur passe du statut de spectateur à celui d’acteur à part entière du monde fictif dans lequel il évolue. Là, vous vous demandez certainement comment (aussi évoluées que puissent être les nouvelles technologies, un être humain ne peut pas encore rentrer dans son écran sticto sensu...). Cela grâce à plusieurs types d’outils déjà presque arrivés à maturité pour certains ou encore en développement, parmi lesquels :
- les casques de réalité virtuelle, qui sont déjà en train de se démocratiser et avec lesquels certains chanceux sont déjà familiarisés ;
- les lunettes de réalité augmentée ;
- des manettes munies de capteurs qui permettent de se mouvoir dans le métavers en reproduisant les mouvements effectués par la personne dans le « vrai monde » ;
- des gants tactiles répliquant la sensation de toucher au contact d’objets dans le métavers, qui sont encore au stade de prototypes ;
- ou encore des combinaisons qui, grâce aux technologies haptiques, provoqueraient aussi des sensations dans tous le corps.
Ces outils permettent une immersion à s’y méprendre dans des univers parallèles où l’utilisateur est littéralement projeté et peut expérimenter un monde alternatif toujours plus palpable. Au rang des métavers les plus connus, on trouve notamment Decentraland et The Sandbox.
Après l’immobilier papier : l’immobilier numérique
Le premier secteur impacté par le développement du métavers serait l’immobilier, et pour cause : en novembre 2021, une société leader sur le marché de l’investissement dans l’immobilier virtuel a acquis en cryptomonnaie plusieurs terrains numériques de Decentraland pour un montant équivalent à 2,43 millions de dollars. Le mois suivant, c’était au tour d’une entreprise concurrente d’acheter un terrain The Sandbox pour la somme record de 4,3 millions de dollars. En février 2022, le groupe français Carrefour a sauté le pas en achetant lui aussi plusieurs parcelles dans le même métavers.
On imagine ce que pourrait apporter le métavers aux visites immobilières qui, si elles se déroulent déjà aujourd’hui de façon virtuelle, pourraient être encore plus immersives. Il serait notamment possible pour l’agent immobilier d’un pays X d’interagir de manière (presque) directe avec un client qui se trouve dans un pays Y, tout cela dans un bien immobilier situé dans un pays Z.
L’immobilier immatériel semble donc être l’objet d’un intérêt croissant chez les professionnels investisseurs et pourrait très prochainement intéresser de près les particuliers, et tout particulièrement ceux qui ont déjà pu investir dans les crypto-actifs tels que les cryptomonnaies et NFTs et voudraient assurer la diversification de leur portefeuille numérique. Le métavers reste cependant méconnu du grand public à ce jour puisque selon un récent sondage Ifop pour le groupe de conseil et innovation et transformation Talan, seuls 35 % des Français savent de quoi il s’agit [1].
La pratique notariale touchée ?
Comme les autres avancées technologiques avant lui, le métavers fait naître des réflexions concernant l’évolution de diverses professions qui se mettraient au diapason de ces nouvelles potentialités. Outre l’agent immobilier que l’on voit parfaitement s’équiper pour effectuer toutes ses missions via le métavers, le notaire est lui aussi concerné au premier plan.
En effet, en France, les notaires sont chargés de la certification de la propriété du foncier et des interrogations émergent d’ores et déjà à l’aune des ventes sus-mentionnées, qui ont été conclues sans mention de l’intervention d’un notaire ou d’un tiers assimilable, ce qui rejoint le principe cardinal de décentralisation de la blockchain dont le but est justement de réaliser des transactions sans aucun intermédiaire.
Dans ce sens, les limites juridiques au métavers ont déjà pu être abordées sur le Village de la Justice. La question agite les instances européennes, comme l’a confié la commissaire européenne à la concurrence Margrethe Vestager à l’hebdomadaire belge Politico Europe [2].
À l’instar des nouveaux métiers créés en réponse à la généralisation des pratiques numériques (SEO, community manager, etc), de nouveaux métiers du métavers pourraient apparaître, ou plus exactement de nouveaux aspects des professions existantes. Alors que la première école au monde dédiée aux métiers du métavers ouvrira à Paris en octobre 2022 [3], la question semble ne plus se poser. Parmi les professions du droit, le métier de notaire serait potentiellement impacté et l’on pourrait voir émerger un « métanotaire » qui remplirait ses missions au travers d’un avatar.
Matière immobilière. Au regard des transactions ayant pour objet des biens immeubles qui ont déjà pu avoir lieu, on peut aisément envisager que l’intervention du notaire serait bientôt requise afin d’encadrer ce nouveau type de vente immobilière. Les opérations pourraient alors se dérouler entièrement dans un métavers en présence des parties et du notaire. Le notaire pouvant aussi être amené à assurer des visites immobilières, il pourrait profiter comme l’agent immobilier de visites encore plus « augmentées ». Néanmoins, la question reste entière de la reconnaissance d’actes qui seraient signés sur le métavers. Mais une telle révolution de la notion d’acte authentique n’a-t-elle pas déjà été initiée avec l’acte authentique sur support électronique ?
Matière successorale et matrimoniale. Et si le métavers était aussi utilisé pour simplifier le règlement de successions, notamment dans le cadre des successions internationales ? Ses fonctionnalités permettraient en effet la réunion des héritiers lorsqu’ils vivent dans différents pays mais aussi des professionnels qui auraient besoin d’être mis en relation, notamment lorsque la succession comporte des biens situés à l’étranger. Mêmes remarques concernant les mariages mixtes entre une personne Française et une autre de nationalité étrangère et les mariages contractés à l’étranger : le métavers pourrait simplifier entre autres la procédure de divorce et la rendre plus « humaine » que ne les « simples » réunions en visioconférence actuelles.
Si la profession notariale n’a pas encore investi le champ du métavers, le développement de ce dernier va à tout le moins augmenter le besoin de conseil des particuliers et des entreprises qui décideraient d’exploiter les potentialités de l’au-delà numérique. Sous un angle plus managérial, la relation client pourrait elle aussi s’en trouver transformée, tout comme la manière de travailler des notaires et de leurs collaborateurs en interne. En tant que notaire, que vous soyez convaincu ou sceptique quant au sujet, vous avez donc tout intérêt à vous tenir aux aguets.
Alix Germain
Rédaction du Village des Notaires
Notes :
[1] Sondage Ifop pour Talan, « Les Français et les métavers », janvier 2022, d’après une réalisée par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon de 1 022 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
[2] Samuel Solton, Politco Europe, 18 janvier 2022, « Vestager : Metaverse poses new competition challenges ».
[3] Marion Simon-Rainaud, Les Échos, 11 mars 2022, « La première école exclusivement dédiée au metaverse ouvre ses portes à Paris ».