Pour rappel, le droit de mutation sur l’acquisition d’un immeuble est de 5,80 % ou 5,09 %. En plus d’en être exonéré, l’assujetti à l’initiative de l’engagement de revendre peut se voir appliquer un taux réduit de 0,715 % pour la taxe sur la publicité foncière [1].
Cette disposition a été conçue pour limiter les effets d’une imposition en cascade et de faciliter l’ajustement des marchés foncier et immobilier [2]. L’acquéreur n’ayant pas pu respecter son engagement de revendre à l’issue du délai de cinq ans est redevable des droits dont il a été dispensé, liquidés d’après les tarifs en vigueur au jour de l’acquisition du bien en cause, ainsi que du complément de frais d’assiette, de recouvrement, de dégrèvement et de non-valeur qui en résultent [3].
Les textes ne posent en revanche aucune limite concernant la personne à qui le bien doit être revendu. Il n’en fallait pas plus à certains contribuables pour imaginer des montages juridiques plus ou moins astucieux, en espérant ainsi ne pas avoir à acquitter les droits de mutation au taux normal à l’expiration du délai.
Dans une affaire jugée par la cour d’appel de Chambéry le 31 janvier 2023 [4], les juges ont encore une fois rappelé que cette absence de limitation apparente ne signifie pas que le contribuable puisse envisager une opération visant à détourner l’objectif du législateur.
En 2005, une SCI a fait l’acquisition d’une propriété pour 2 500 000 € en prenant un engagement de revendre. L’engagement permettait à l’acquéreur d’acquitter des droits de 15 375 € au lieu de 122 205 €. Notons que cet engagement de revendre, pris en vertu de l’ancienne version de l’article 1115 du code général des impôts était inséré dans un délai de quatre ans et non de cinq ans comme le prévoit le texte actuellement en vigueur.
Juste avant le terme de l’engagement, l’immeuble a été revendu pour 2 600 000 € payables en dix ans avec un taux productif à 3 % par an à une autre SCI créée quelques jours plus tôt. Or cette SCI était détenue à 99 % par la fille du propriétaire de la holding détenant la SCI venderesse et les intérêts n’ont jamais été réglés.
Après avoir établi la communauté d’intérêts entre les deux sociétés, l’Administration fiscale a considéré que cette vente était constitutive d’un abus de droit au motif qu’elle poursuivait un but exclusivement fiscal. Pour rappel, cette procédure permet à l’administration d’écarter l’acte litigieux et de considérer que la vente n’a jamais eu lieu. En conséquence, l’administration réclame les 122 205 € (sommes due s’il n’y avait pas eu de prise d’engagement) assortis des intérêts de retard aux titre du non-respect de l’engagement et 80 % de majoration au titre de l’abus de droit. La cour d’appel de Chambéry a confirmé le jugement de première instance en validant la position de l’administration. La majoration de 80 % et les intérêts de retard ont également été validés par les juges. Le contribuable est donc invité à régler la somme de 219 907 euros.
Ce redressement aurait été évitable avec une meilleure anticipation de l’arrivée à échéance du terme. Un conseil adapté aurait pu permettre d’envisager une vente ayant, de manière apparente, des objectifs autres que fiscaux ou encore de demander de substituer un engagement de construire un immeuble neuf à l’engagement de revendre.
Notes :
[1] CGI, art. 1115.
François OUAIRY
Avocat