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"La profession notariale porte en elle l'ADN de la responsabilité sociale"

"La profession notariale porte en elle l’ADN de la responsabilité sociale"

Au cours du 52ème Congrès du Syndicat des notaires qui s’est tenu à Malte début octobre, la rédaction du Village des notaires a pu s’entretenir avec Elisabeth Couturon, Présidente de cette dernière édition.

Le 52ème Congrès du Syndicat des notaires a pour thème la responsabilité sociale de l’entreprise notariale. Pourquoi ce sujet ?

La première raison de ce choix est qu’il s’agit d’un sujet qui n’a jamais été abordé au sein de l’entreprise notariale. La genèse de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) remonte aux années 1930 aux Etats-Unis et également en France à la même époque. C’est l’ouvrage de BOWEN en 1953 qui marque l’avènement du concept : il s’agit de s’intéresser aux relations entre l’entreprise et son environnement sociétal. En France, le pouvoir exécutif en place dans les années 1970 s’intéresse à ce concept avec "le bilan social de l’entreprise". Mais ce document interne aux entreprises met un coup d’arrêt à la notion de RSE qui est bien plus large. Il faut attendre les années 1990 pour que de grandes entreprises s’y intéressent à nouveau...

La deuxième raison est, qu’avec l’adoption de la loi "Macron" qui souhaite dans une certaine mesure nous mettre en concurrence, nous multiplier et nous soumettre aux lois de la financiarisation par l’ouverture à des capitaux étrangers, il était important de rappeler que la profession notariale porte en elle l’ADN de la responsabilité sociale. Nos relations avec l’Etat et avec le client ne laissent place à aucun doute. La seule finalité de nos entreprises est de garantir l’intérêt général et ceux des particuliers.

Nous devons donc valoriser notre service public, mettre en exergue notre apport à la société et ne pas tomber dans le piège de la concurrence. La lumière doit être faite sur ce qui nous distingue des autres professions juridiques : notre contribution sociétale.

Face aux dispositions instaurées par la loi dite « Macron », quelles mesures préconisez-vous pour que vos offices puissent rester pérennes ?

La RSE est une vision qui nous tire vers le haut mais il ne faut pas être dupe : une entreprise doit d’abord être économiquement viable. Il faut d’abord assumer une responsabilité économique et technique de premier ordre. Nos offices sont avant tout des entreprises. A ce titre, il faut rappeler la juste fonction du profit comme premier indicateur du bon fonctionnement de l’entreprise. Pour ce qui est de la responsabilité technique, nous sommes des juristes et, en notre qualité d’officier public, chargé de l’authenticité et du respect de la loi.

Au-delà, nous devons assumer notre responsabilité sociale et sociétale. Nous sommes dans un monde globalisé en plein bouleversement. En ces temps de crises multiples (économiques, financières, écologiques...) nous devons conserver ce qui fait notre force : nos valeurs fondées sur une éthique forte. La RSE fait partie de notre ADN, cette dernière peut être mise en péril par la loi Macron. Nous serons obligés de veiller d’abord au maintien d’un chiffre d’affaires suffisant pour garantir l’emploi de nos collaborateurs. Nous restons inquiets. La modification du tarif nous permettra-t-elle de continuer à supporter la production d’actes à perte ? Aurons-nous encore la possibilité d’investir dans les nouvelles technologies ? Pourrons-nous conserver notre haut niveau de performance facilité par des structures professionnelles fortes ?
Pour assurer la pérennité à nos entreprises, nous allons donc essayer de faire plus de management, de rationaliser les charges, de motiver nos collaborateurs, de donner du sens. Nous allons motiver nos troupes pour que la vision de notre profession puisse perdurer.

Il faudra s’appuyer sur les forces et faiblesses de l’étude. Il faudra diversifier nos activités, trouver de nouveaux services. On peut utiliser plus souvent et mieux les NTIC.

Nous devrons nous montrer plus dynamiques et moins passifs. Le notaire va devoir accroitre son rôle de chef d’entreprise. Le problème est que l’on nous apprend à être des juristes mais on ne nous apprend pas à être des chefs d’entreprise. Je pense qu’il va falloir que le notariat prenne conscience qu’être un patron est un vrai métier. En maitrisant mieux cette fonction, nous pourrons mieux gérer l’étude, minimiser les charges et essayer de conserver nos collaborateurs.

Comment comptez-vous refonder votre relation avec vos clients ?

Il faut tout d’abord poser comme principe que le client est un consommateur de droit mais on ne peut pas le considérer comme tel. Si on le fait, on le banalise et nous sommes dans un processus de rentabilité pure. Bien au contraire, nous devons rester proches du client. C’est la relation physique qui restera primordiale. Dans notre monde informatisé, le client aura le choix soit de se soumettre aux puissants soit d’aller se confier à une personne physique. Le notaire sera donc la seule profession qui permettra au client de rencontrer une personne à son écoute et non pas un simple ordinateur.

Je pense qu’il va falloir porter un nouveau regard sur le client. Il nous faut donc mieux nous organiser, être plus efficace, motiver nos collaborateurs. Ces derniers doivent être plus réactifs vis à vis de notre clientèle. Nous devons donc nous servir des nouvelles technologies pour vivre avec notre temps mais sans négliger notre relation à la personne. Bien sûr, la sécurité juridique de nos clients doit toujours rester au centre de nos préoccupations.

Comment comptez vous conserver vos collaborateurs susceptibles de partir en raison de la liberté d’installation facilitée ?

Aujourd’hui, nous sommes dans une période d’attente des décrets d’application. Seul le projet relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice nous a été transmis. En ce qui concerne la libre installation, la décision du Conseil Constitutionnel de mettre la responsabilité de l’indemnisation à la charge de l’Etat, pour toutes les études nouvellement créées, va compliquer sa mise en œuvre. Il se peut qu’il y ait finalement que peu de zones carencées concernées par cette liberté d’installation. Nous sommes là encore dans l’inconnu.

Pour conserver nos jeunes, il va falloir qu’on les responsabilise plus, qu’on les valorise davantage. Ils doivent participer à la vie des offices, jouer un plus grand rôle. Nous pouvons faire évoluer notre politique en matière de rémunérations avec notamment des participations sur le chiffre d’affaires. Le statut du notaire salarié doit être précisé en raison du lien de subordination avec le notaire patron .Nous pouvons aussi développer l’apport en industrie pour associer nos collaborateurs.

Maintenant que la loi a été votée, comment comptez-vous préserver l’emploi au sein de vos études ?

Le personnel est primordial si nous voulons que l’étude puisse continuer à produire. Même si l’entreprise notariale connait une rentabilité moins importante, il sera obligé de conserver un effectif minimum s’il veut pouvoir maintenir le même niveau de production. Il sera donc difficile pour les études de licencier. Celles qui le feront seront celles qui ne pourront pas faire autrement. Nous pouvons donc être pris en tenaille surtout pour les petits offices qui ont peu de rentabilité et une masse de travail très importante.

Est-ce qu’on peut réaliser le même volume de travail avec moins de personnel ? C’est très délicat ! Les lois sont de plus en plus exigeantes et produire un acte est de plus en plus couteux compte tenu du nombre de formalités qui ne cesse de s’accroitre. Pour fabriquer un acte, il faut de plus en plus d’heures. J’espère que dans les chiffres le nouveau tarif tiendra compte du cout de production.

Quelle place souhaiteriez-vous accorder à l’innovation dans le cadre du RSEN ?

Actuellement, il existe un grand débat en ce qui concerne les startups du droit qui apparaissent peu à peu sur Internet. Est-ce qu’elles garantissent la qualité des actes et la sécurité de leurs clients ? J’en doute ! Faire des documents juridiques à bas coût ne peut qu’avoir un impact négatif. Ces startups posent de gros problèmes car on ne peut pas faire du notariat de confection. Nous ne faisons que du sur mesure. S’embarquer dans une « uberisation » du notariat n’est pas la bonne réponse. C’est tomber dans le piège de la concurrence.

La seule chose qui pourrait être allégée est celle de la constitution des dossiers. Il pourrait s’agir de tout le formalisme à respecter et qui est toujours le même.
Par contre, la rédaction de l’acte ne peut pas être automatique. A titre d’exemple, la rédaction d’un testament est un exercice difficile. Il est inconcevable que cela puisse être automatisé. Faire un testament sur des sites tels que Testamento représente un grave danger dont les consommateurs de droit n’ont aucune idée.
J’ai eu un cas récemment à l’étude : une dame se présente pour léguer tout son patrimoine à sa fille unique et à ses 3 petits enfants en 4 parts égales. Face à cette volonté, le notaire doit comprendre ses motivations, chose que ne fera jamais un site. Le notaire se soucie de la volonté du client et une startup du droit : non.
En définitive, la testatrice souhaitait procéder ainsi pour préserver sa fille dépensière. Le professionnel du droit va donc donner les limites légales au legs (une moitié en l’occurrence) et va proposer des solutions pour préserver les intérêts de chacun et garantir des revenus réguliers à la fille. Le notaire est donc un accompagnateur. Ceci, les sites ne le font pas. Ils appliquent la volonté du client sans rechercher si cela va porter atteinte aux intérêts de leurs proches.

L’ubérisation du droit vise à augmenter la rentabilité de l’entreprise. Le facteur humain n’est, en aucune façon, pris en compte. La RSEN est une méthode qui place l’intérêt de la personne avant tout.

Propos recueillis par Réginald Le Plénier
Rédaction du Village des notaires

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