Loi Macron et carte d’installation des notaires
La carte d’installation des notaires a été créée par la loi Macron [1] pour libéraliser le secteur des professions juridiques réglementées. L’objectif était de rendre plus accessible à la population les services des professionnels du droit, dont les notaires.
L’art.52 de la loi définit les zones d’installation des nouvelles études. Le but est de permettre aux professionnels de « librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ». « Les zones d’installation sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la Justice et de l’Économie, sur proposition de l’autorité de la concurrence ».
La carte d’installation est révisée tous les deux ans.
Ces dernières années, la très bonne tenue du marché immobilier (hausse générale des prix et du nombre de transactions) a permis d’absorber sans aucune difficulté la croissance du nombres d’études notariales.
Ainsi, depuis la loi de 2015, le CSN rappelle que « le nombre de notaires libéraux a progressé de 41,3 %, le nombre d’offices a augmenté de 50 %, le nombre total de notaires de 77,8 % ». Le CSN indique également que « le notariat a relevé les défis de la Loi Croissance d’une manière exemplaire ».
L’arrêté du 27 février 2024 précise le périmètre et l’étendue de la nouvelle carte 2023-2025
Selon l’art.2 de l’arrêté [2], la carte classe le territoire en deux cent quatre-vingt-treize zones d’installation, dont :
- cent trente-six zones d’« installation libres » ;
- cent cinquante-sept zones d’« installation contrôlées ».
Voici la carte d’installation 2023-2025 :
Source : JORF n°0049 du 28/02/2024.
Dans les zones d’« installation libre », l’arrêté prévoit la création de 303 nouveaux offices et de 502 notaires titulaires ou associés.
L’État n’a pas entièrement suivi les recommandations de l’Autorité de la concurrence. En effet, cette dernière dans son avis du 07 juillet 2023 [3] avait recommandé la création de 600 offices.
Lire également notre article sur l’avis de l’autorité de la Concurrence du 7 juillet 2023.
Le retournement conjoncturel du marché immobilier ne semble pas avoir freiné les velléités de l’État d’augmenter encore l’offre de services notariaux.
Réactions mitigées du côté de la profession
Le Conseil supérieur du notariat a « pris acte » de la décision gouvernementale, tout en indiquant que les effets se produiront « en 2025 et surtout en 2026 ». Le CSN conclut très politiquement qu’« Il est donc prématuré de juger de son adéquation à une conjoncture volatile ».
La situation conjoncturelle de l’immobilier a un impact direct sur l’activité des offices, le CSN donne le chiffre d’une « baisse de 12,4 % du chiffre d’affaires des offices sur un an glissant ». Les études très exposées à la transaction immobilière sont bien entendu les plus touchées par le retournement du marché.
Le CSN reconnait que le Gouvernement n’a pas suivi entièrement les recommandations de l’Autorité de la concurrence puisque le « chiffre définitif est en retrait de 98 unités ». Cependant, ce chiffre est le « double du chiffre de 2021 fixé à 250, lequel était bien adapté à une période de grande incertitude ».
Le CSN aurait clairement souhaité avoir un chiffre de nouvelles installations nettement inférieur…
Enfin, la répartition du territoire entre zones de libre installation et zones contrôlées évolue en faveur des zones de libre installation. En France, hors Alsace-Moselle, cette proportion passe ainsi de 38 % à 46 % avec le nouvel arrêté. Cette évolution n’est pas « nécessairement favorable au maillage, car la liberté d’installation étant aussi une liberté de déplacement des offices déjà implantés ».
Le CSN se félicite toutefois de la diminution progressive de la part de zones d’installations libres. Ainsi, « cette proportion est très inférieure à celle résultant de l’arrêté du 3 décembre 2018 (75 % de « zones vertes ») et sensiblement en retrait par rapport à l’avis de l’Autorité de la concurrence de juillet 2023 (58 % de « zones vertes ») ».
La Présidente du CSN, Sophie Sabot-Barcet, conclut ainsi : « L’avis de l’Autorité de la Concurrence de juillet dernier méconnaissait les données 2022 et 2023, il était décalé par rapport à la réalité que nous vivons, celle d’une conjoncture difficile. Les ministres ont choisi de s’écarter de cet avis. C’est sage et positif, même si nous aurions jugé plus adapté un plafond de 250 créations. Les candidats à l’installation en 2024-2026 doivent avoir à l’esprit que la carte d’installation est une recommandation qui n’engage pas les pouvoirs publics sur la viabilité de l’activité. Je suis confiante dans le discernement de ceux qui veulent être chefs d’entreprise, qui, au cas par cas, sauront juger du réalisme d’un démarrage d’activité dans un contexte globalement incertain et peu favorable. Pour l’avenir, j’aimerais que l’État prenne le recul nécessaire, car une carte d’installation tous les deux ans, c’est vraiment trop ».
Notes :
[1] Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Axel Masson
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)