Bienvenue sur le site des Experts du patrimoine

Site de référence d’information juridique pour tout ce qui concerne les problématiques patrimoniales Notaires, professionnels de l’immobilier, de la gestion de patrimoine, de la banque, des finances et de l’assurance vous disent tout !

Nouveau !

Devenez auteur !

Retrouvez aussi l’actualité des legs et donations / rubrique associations

+ management des offices
[Entretien] Julie Robillard : Comment je suis devenue agent immobilier après avoir été clerc de notaire

[Entretien] Julie Robillard : Comment je suis devenue agent immobilier après avoir été clerc de notaire

Julie Robillard est dirigeante-associée de l’agence immobilière « Demeures de l’Artois » dans la région des Hauts-de-France. Après avoir exercé le métier de clerc de notaire pendant plusieurs années, elle a choisi de se reconvertir dans l’immobilier et a créé sa propre agence en juin 2024.

Enthousiaste et pleine de projets en tête, elle a accepté de nous parler de son parcours et de sa reconversion professionnelle.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours de clerc de notaire ?

Julie Robillard : J’ai suivi un parcours universitaire classique avec une licence de droit obtenue à la faculté de Douai. Je me suis ensuite inscrite en septembre 2017 à l’EFAB de Lille. Pour obtenir le diplôme, le cursus devait se faire en alternance. J’avais signé en parallèle mon contrat d’alternance avec une étude notariale à Lens. Pour des raisons personnelles, je n’ai pas pu terminer le cursus complet. À l’époque, mon patron m’a proposé un CDI et j’ai accepté très volontiers sa proposition.

J’ai démarré au service des financements avec le statut de clerc de notaire. J’ai ensuite rejoint le service immobilier, puisque mon parcours scolaire s’y prêtait. Là, j’ai pu rapidement développer mes compétences professionnelles. J’ai ainsi pris en charge des dossiers de vente puis des dossiers de succession.

Les dossiers étaient très variés. J’ai pu accompagner de nombreux clients dans leurs démarches, que ce soit pour un prêt, une vente ou dans le cadre d’une succession. De temps en temps, je venais en renfort au service des prêts.

Le clerc de notaire reste un métier peu connu du grand public. Les clients sont loin de s’imaginer que dans les coulisses, il y a un clerc qui prépare le dossier. À l’époque au sein de l’étude, j’instruisais le dossier de A à Z. Ainsi, je rédigeais les actes de vente, je faisais les appels de fonds auprès des banques, je rédigeais les décomptes et je calculais les taxes au niveau comptable.

Lorsque le client arrivait au rendez-vous, le dossier était prêt. Le notaire s’occupait uniquement de la relecture de l’acte et procédait aux signatures. Ensuite, je reprenais le dossier jusqu’à l’éventuel reliquat de trésorerie à payer au client.

Sur un schéma de vente immobilière ou de succession classique, à peu près 90 % du travail est réalisé par le clerc. Bien entendu, dans les dossiers les plus complexes, le notaire est amené à intervenir beaucoup plus.

J’ai été clerc de notaire entre juin 2017 et mai 2022.

Quelles sont les principales raisons qui vous ont fait quitter ce métier ?

J. R. : C’est un métier très enrichissant, mais la contrepartie est qu’il est aussi très exigeant. Nous devons respecter des délais très stricts et les dossiers doivent sortir vite. Nous devons aussi disposer de nombreuses connaissances dans des domaines variés pour être parfaitement opérationnels. Quand on nous pose une question, nous devons être très réactifs, le notaire et les clients ne peuvent pas attendre.

Ceci provoque du stress, caractéristique de la profession. Ce stress, associé à la pression du travail, ne créait pas toujours une atmosphère positive au sein de l’étude. Ainsi, j’ai décidé progressivement d’envisager autre chose, car ce quotidien me semblait plutôt difficile à gérer à long terme, notamment pour l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle.

Est-ce qu’on peut dire que le clerc de notaire est soumis à une forte charge mentale ?

J. R. : C’est exactement le terme que j’emploierai. Ce n’est pas une charge physique puisque nous sommes derrière un ordinateur toute la journée. Nous recevons les clients, mais cela demeure principalement un emploi administratif. La charge mentale est importante et c’est assez épuisant sur la durée.

Nous recevions et acceptions tous les dossiers de vente au sein de l’étude. Parfois, cela pouvait représenter facilement une dizaine de ventes dans la semaine, souvent plus d’un dossier par jour à sortir.

Fréquemment, après ma journée au bureau, je rentrais chez moi le soir avec mon PC portable pour terminer les dossiers. Ma journée ne suffisait pas à absorber la charge de travail. C’était la conséquence de la forte activité, et c’était heureux pour le chiffre d’affaires de l’étude !

Comment s’est passé votre départ de l’office ?

J. R. : Aujourd’hui encore, je remercie mon ancien patron. De temps en temps, je l’ai encore par SMS.

J’ai appris le métier grâce à lui. Il a été un très bon formateur. C’était très dur, mais il m’a fait confiance. J’ai évolué et tout ce que j’ai aujourd’hui, c’est aussi grâce à lui. Il le sait et je l’ai remercié à de nombreuses occasions.

Un jour, j’ai vu une annonce d’emploi à la mairie de Liévin, je suis sortie de mon bureau et j’ai directement appelé la mairie. J’ai demandé si le poste était toujours libre. Le soir même, j’ai envoyé les éléments demandés. Ça a pris un peu de temps, mais la mairie a retenu ma candidature. J’ai démissionné de l’étude dans la foulée.

Lorsque mon patron a reçu ma lettre de démission, le premier jour a été compliqué. Ensuite, j’ai effectué mon préavis et les choses se sont progressivement calmées.

Vous avez fait une reconversion professionnelle vers le métier d’agent immobilier. Pourquoi ce métier ? Comment avez-vous préparé et concrétisé votre projet ? Avez-vous rencontré des freins ou des doutes ?

J. R. : Le changement ne s’est effectivement pas fait du jour au lendemain. Je vous rappelle que j’avais démarré un cursus de formation en immobilier, donc je connaissais déjà un peu le domaine lorsque j’étais étudiante. Ensuite, lorsque j’ai commencé mon contrat d’alternance, je travaillais quotidiennement avec les agences immobilières de notre secteur.

Les échanges et contacts humains, c’est ce je recherchais avant tout et cela m’apporte beaucoup à titre personnel. J’avais vraiment envie d’accompagner les gens dans leurs projets de vie.

Quand j’ai démissionné de mon job de clerc de notaire et avant de me mettre à mon compte, j’ai travaillé un peu moins de deux ans au sein du service immobilier de la mairie de Liévin. Je gérais les ventes immobilières pour le compte de la commune.

Je me retrouvais tout simplement de l’autre côté de la barrière, mais là, avec une pression beaucoup moins forte. Je pense que passer immédiatement de clerc de notaire à mon projet entrepreneurial immobilier aurait été assez compliqué. Il m’a fallu ainsi cette petite période de transition. Donc, j’ai travaillé un peu moins de deux ans à la mairie, puis j’ai donné ma démission.

Nous avons immatriculé la société avec mon associée, Sabrina. Nous avons fait notre demande de carte professionnelle. Les démarches administratives nous ont pris un peu de temps. Demeures de l’Artois est née en juin 2024.

Lorsque nous avons obtenu la carte T, nous nous sommes rapprochées de tous les partenaires pour pouvoir avoir des outils sur lesquels travailler. J’ai suivi des formations en visioconférence pendant deux mois environ.

Êtes-vous aujourd’hui satisfaite de cette évolution professionnelle ? L’entrepreneuriat vous a apporté ce que vous souhaitiez ?

J. R. : J’ai été tiraillée entre plusieurs états allant de l’envie à la peur. L’immobilier est en effet un secteur très compétitif. Je n’ai pas choisi la voie la plus facile… Mais mon conjoint est déjà entrepreneur depuis plusieurs années. En le voyant épanoui et à fond dans son affaire, clairement, ça me motivait et nous allions parler le même langage !

Cela étant, je ne savais pas si le métier d’agent immobilier allait me plaire et finalement allait me correspondre, parce que je n’avais jamais encore été à mon compte. Je suis quand même de nature stressée et anxieuse. Donc, clairement, quand j’ai parlé de mon choix à mes proches, les émotions ont été assez intenses. Donc oui, c’était dur et durant les étapes de création, j’ai autant pleuré de joie que de peur. J’ai eu beaucoup de craintes, mais j’étais bien entourée et je ne me lançais pas seule.

C’est plutôt mon entourage qui m’a transmis ses craintes. J’ai souvent entendu : « Oh là là, elle est complètement folle, en plus immobilier… » Bien sûr, les risques sont là parce qu’on l’entrepreneuriat est souvent associé avec un saut dans le vide sans parachute.

J’avais toutefois cette petite voix dans ma tête qui me disait : « C’est maintenant, fonce ! ». Je n’ai finalement écouté personne et me suis fiée à mon intuition. Aujourd’hui, ça fait un peu plus de six mois et franchement, je suis convaincue que l’entrepreneuriat est fait pour moi. Je ne regrette pas du tout mon choix.

Les aléas de revenus, c’est encore compliqué à gérer. Même si j’y étais préparée psychologiquement, une fois qu’on est dans la réalité, ce n’est pas toujours facile. Mais nous l’avions anticipé, et j’ai mes petits plans de secours.

Ce qui me plaît surtout dans mon agence, c’est de pouvoir travailler comme je veux avec mes propres méthodes, mes propres outils et mon propre processus. C’est-à-dire que tout ce qu’on est en train de créer, je le crée avec mes idées. Et c’est ça, indéniablement, qui fait la différence et qui aujourd’hui me stimule et me pousse à ne rien lâcher.

Il faut passer la période de lancement, qui, à mon sens, pour une agence immobilière, dure aux alentours d’un an, un an et demi. Au-delà des transactions immobilières, les agents immobiliers ont la possibilité de se diversifier. Par la suite, nous ferons de la gestion locative et du syndic de copropriété pour lisser notre activité. Nous avons plein d’idées et d’ambitions.

Vous avez votre propre marque, vous avez fait le choix de ne pas faire partie d’une franchise. Ce choix a-t-il posé des problèmes ?

J. R. : Non, parce que j’aurais été contrainte de suivre un processus de vente prédéfini, très strict, en plus d’être associée à une image que je n’ai pas créée moi-même. Donc, certes, c’est plus difficile puisque nous avons créé une identité que personne ne connaît. Donc, au-delà d’être bon dans l’immobilier, il a fallu beaucoup travailler sur le marketing et la communication.

En travaillant pour une marque, ce sont les clients qui viennent vers vous. Nous, au contraire, nous devons aller au-devant des futurs clients, cela prend plus de temps.

Quelles sont selon vous les compétences/aptitudes principales d’un clerc pour réussir une éventuelle reconversion professionnelle ?

J. R. : En fait, le métier de clerc de notaire apporte énormément de compétences, que ce soit dans le domaine de l’immobilier, le domaine bancaire, le droit des affaires et le droit civil.

Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. Quand on a la tête dans le guidon au quotidien et qu’on est dépassé par les événements, on se dit : « mon Dieu, mais je sais faire que ça et qu’est-ce que je peux faire d’autre ? ». En fait, pas du tout, parce qu’avec toutes les connaissances et les compétences qu’on acquiert, on peut finalement exercer plein d’autres métiers. Une fois qu’on en prend conscience, je pense que c’est l’un des métiers les plus riches qui ouvre de nombreuses portes. Il faut juste avoir conscience que l’on dispose des clés qui permettent de les ouvrir.

  • [Entretien] Julie Robillard : Comment je suis devenue agent immobilier après avoir été clerc de notaire

Commenter cet article

Vous pouvez lancer ou suivre une discussion liée à cet article en cliquant et rédigeant votre commentaire. Votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé. Nous ne publions pas de commentaires diffamants, publicitaires ou agressant un autre intervenant.

A lire aussi dans la même rubrique :

Notaire : un métier fait pour vous ?

Vous pensez que ce métier peut être fait pour vous ? Oui sinon, vous souhaitez relancer un intérêt un peu déprimé par le passage à l’automne ? Pour confirmer votre intuition (dans un sens comme dans l’autre !), on vous a concocté un quizz qui, peut-être, (...)

Lire la suite ...

Retraite et prévoyance des notaires : faisons le point avec Jean-Paul Muller, directeur général de la CPRN.

Pouvez-vous nous présenter la Caisse et ses objectifs ? Nous sommes un organisme de retraite complémentaire obligatoire, nous gérons les affiliés notaires libéraux, qui représentent 20 000 affiliés et, parmi eux, 11 500 actifs (ce chiffre a connu une (...)

Lire la suite ...

Notariat : Les mentalités changent, la parité progresse.

Le sujet de la parité et de la crédibilité des femmes dans le milieu professionnel fait encore beaucoup réagir, à raison. Dans le notariat, bien que les avancées en termes de parité soient notables (8455 femmes notaires (53% vs. 14,5 % en 2000) et 7445 (...)

Lire la suite ...

La jeunesse dans la crise : quelles perspectives professionnelles pour les futurs notaires ?

Le malaise dans les relations au travail s’est installé depuis le début de l’épidémie. Les salariés en poste actuellement ressentent une pression accrue et un rapport à leurs collègues parfois dégradé. Le télétravail joue un rôle dans cette dégradation du (...)

Lire la suite ...