Le sujet de la parité et de la crédibilité des femmes dans le milieu professionnel fait encore beaucoup réagir, à raison. Dans le notariat, bien que les avancées en termes de parité soient notables (8455 femmes notaires (53% vs. 14,5 % en 2000) et 7445 hommes ; bureau du CSN paritaire pour la deuxième année consécutive) [2] et fassent l’objet d’une communication volontariste du Conseil Supérieur du Notariat, il n’en demeure pas moins que des voix s’élèvent pour souligner que des femmes notaires sont encore victimes des représentations populaires voulant que la crédibilité d’un notaire se mesure à son sexe et à son âge, généralement un homme, blanc, d’âge mûr.
Le sujet avait déjà été débattu lors de la précédente Nuit du Droit.
Le sujet avait déjà été débattu lors de la précédente Nuit du Droit : une table-ronde, avec notamment Corinne Delmas, sociologue experte du notariat, qui avait décortiqué les représentations du notaire véhiculées par les médias (télévision, cinéma) dans la population. Les notaires présents se désolaient alors de la vision « fantaisiste » du notariat qui vit dans l’inconscient collectif, « un notable qui mène une vie cachée de turpitudes », bien loin de ce qu’ils estimaient être la réalité de cette profession, celle d’un(e) professionnel(le) « moderne mais ancré(e) dans une tradition : protecteur(rice) des droits garant(e) de l’ordre public, chef(fe) d’entreprise et officier public ».
La modernité de cette profession tient non seulement à sa maîtrise des nouvelles technologies, mais également à sa féminisation. Ce processus, comme nous l’explique Corinne Delmas, « a débuté en 1948, à l’ouverture de la profession aux femmes. Mais il a fallu attendre 1990, pour qu’il se fasse réellement ressentir, et 1995 pour que la dynamique soit tout à la fois progressive mais sûre. » Y a fortement contribué l’obligation de diplôme, condition nécessaire à l’accession à la profession, et qui faisait écho à la plus grande réussite scolaire des femmes comparée à celle des hommes. S’agissant du tissu sociologique du notariat, Corinne Delmas fait remarquer que « les trois quarts des notaires salariés sont des femmes, ce qui démontre qu’elles ont fait leur entrée et se sont installées durablement dans la profession grâce à ce statut », au contraire du statut libéral occupé majoritairement par les hommes.
Reste des freins d’après la sociologue, qui empêchent un rattrapage plus rapide, tels que « le poids des représentations, le fonctionnement des réseaux et de la cooptation en place au sein des cercles de recrutements mettent souvent en avant les hommes. D’autant plus que le prestige même de la profession attire ces derniers. » Toutefois, même là, les femmes notaires s’organisent petit à petit pour reprendre la main. L’initiative de Barbara Thomas-David, qui a lancé Notaires au féminin .com, se veut « un laboratoire d’idées et un lieu de partage d’expériences » [3], et illustre ce travail de fond à base d’entraide et de solidarité intergénérationnelle qui pourrait faire la différence à l’avenir.
« Les générations actuelles revendiquent davantage ; ont une perception plus horizontale des rapports professionnels. »
Les mentalités évoluent selon Olivier Pontnau, notaire à Paris, qui remarque que cette évolution se fait « depuis 15 ans, et les instances y contribuent. » Corinne Delmas tempère en soulignant qu’il serait cependant souhaitable de « continuer les efforts concernant la communication sur les métiers du notariat, notamment au travers des outils comme les flyers ou autres publicités de formations. En effet, les femmes sont davantage mises en scène en tant que clercs ou formalistes que comme notaires. »
L’éthique est une arme à disposition des notaires pour faire petit à petit évoluer les choses dans le bon sens. Alors qu’auparavant « les notaires étaient habitués à un schéma, avec un prestige certain lié à leur statut, qui les amenait parfois à ne pas valoriser leur collaborateurs », aujourd’hui, Maître Pontnau fait remarquer que la roue a tourné et que le bien-être au travail prend de plus en plus d’importance. Il explique : « le logiciel de travail a complètement changé pour les générations qui suivent la mienne : ils revendiquent davantage ; ont une perception plus horizontale des rapports professionnels. Ils savent également que le marché du travail leur est favorable puisque les études notariales sont à la recherche de collaborateurs. »
« La puissance est désormais une qualité aussi bien féminine que masculine. »
Les mentalités au sein de la population française changent également selon la sociologue, ce qui se répercute sur les clients des notaires et leur perception de ceux-ci : « le pouvoir ne se décline plus au masculin et on l’observe dans la représentation du notaire en tant qu’autorité publique. En effet, la féminisation de la profession, alliée à l’évolution des mentalités des Français, amènent les clients à rompre avec ces stéréotypes de masculinité pour définir la puissance, et à considérer cette dernière comme une qualité aussi bien féminine que masculine. » Finalement, « il y a plus de richesse et de nuances dans la vision des clients », et des qualités comme « l’écoute, l’empathie, le sérieux » s’accordent davantage avec le féminin… et que l’on retrouve d’ailleurs dans les formations à la médiation. Cette pratique, qui est encore considérée par de nombreux professionnels comme un pari, permet néanmoins d’aborder la relation-client sous un autre angle, plus dans la proximité. Elle peut aussi s’appliquer hors de la pure relation client, en se focalisant sur les relations au sein de l’entreprise : « la médiation est aussi un outil de management, en tant que dirigeant d’entreprise. Cela permet d’anticiper les situations de conflit. » [4]
Simon Brenot
Rédaction du Village des Notaires
Notes :