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[ENTRETIEN AVEC DIDIER ROSSIGNOL] « L'éthique numérique, dans l'ADN du notariat »

[ENTRETIEN AVEC DIDIER ROSSIGNOL] « L’éthique numérique, dans l’ADN du notariat »

Avec l’arrivée de l’IA Act, du Data Act, du DSA et celles à venir du DORA et du Cyber Resilience Act, l’éthique et la compliance sont définitivement des thèmes majeurs de cette année 2024 dans l’écosystème du droit, avec en point de focus l’éthique du numérique.
Pour aborder ce sujet, nous nous sommes entretenus avec Didier Rossignol, Président du Groupe ADSN et CEO & Managing Partner d’ADNEXUS.

Que représente l’éthique numérique pour vous et pour le notariat ?

Lorsque nous parlons d’éthique dans le numérique, notamment pour le notariat, il est essentiel de comprendre que nous opérons dans un cadre extrêmement réglementé. Au Groupe ADSN, qui est en quelque sorte le « bras armé » du notariat en matière de numérique, cela signifie que notre travail est encadré par des normes très strictes. Prenons l’exemple de la signature électronique des notaires : il s’agit d’une obligation légale qui est régie par le règlement européen eIDAS, l’un des cadres les plus rigoureux en matière de sécurité informatique. Ce règlement impose des niveaux de conformité très élevés, et seules quelques organisations en France, comme la Gendarmerie Nationale, sont en conformité avec ce standard.

De plus, nous sommes certifiés ISO 27001 pour le management de la sécurité, une norme internationale très contraignante. Cela implique que nous sommes audités tous les six mois. Entre les audits externes et ceux que nous réalisons en interne, nous sommes constamment en évaluation, ce qui mobilise environ 20 % de nos collaborateurs. Tout cela pour dire que, par nature, notre travail s’inscrit dans une dynamique de conformité rigoureuse, ce qui, pour nous, est indissociable de l’éthique. Nous respectons scrupuleusement les obligations légales, et cette conformité structure l’ensemble de nos pratiques.

Diriez-vous que l’éthique numérique, pour le notariat, va au-delà de la conformité légale ?

Oui, absolument. La conformité aux règles légales est bien entendu la base, mais l’éthique va plus loin. Elle s’inscrit dans l’ADN même du notariat. Le respect de la déontologie et des règles éthiques est une composante fondamentale du métier de notaire, et cela se reflète naturellement dans le numérique. Au Groupe ADSN, nous sommes imprégnés de ces valeurs. Les notaires travaillent avec des informations extrêmement sensibles, et ils sont soumis à des règles très strictes concernant la confidentialité et la protection des données. Notre mission est de développer des outils numériques qui respectent et même dépassent ces standards éthiques. Pour nous, l’éthique, c’est aussi une exigence de transparence, de sécurité, et de responsabilité dans tout ce que nous faisons. Cela ne se limite pas aux produits que nous proposons, mais touche aussi la manière dont nous les développons et dont nous opérons en interne. En d’autres termes, l’éthique n’est pas seulement une question de conformité aux textes, mais une véritable culture de la rigueur et de la responsabilité.

Le Groupe ADSN dispose également d’un fonds d’investissement, vos prises de participations intègrent-elles aussi une dimension éthique ?

Au sein de notre fonds d’investissement, ADNEXUS, nous cherchons à soutenir des entreprises qui partagent nos valeurs. L’éthique est un critère essentiel dans nos décisions d’investissement. Nous avons une thèse d’investissement assez standard, mais nous exigeons des garanties éthiques supplémentaires par rapport à d’autres investisseurs. Par exemple, nous ne souhaitons pas investir dans des entreprises dont le modèle économique repose sur l’exploitation des données des utilisateurs. Ce type de modèle ne correspond pas à nos valeurs ni à celles du notariat.
Nous avons aussi mis en place des clauses éthiques qui nous permettent de sortir rapidement d’un investissement si nous découvrons que l’entreprise ne respecte pas certaines normes éthiques. Cela va au-delà des simples conditions financières ; nous évaluons également le comportement des dirigeants et la façon dont l’entreprise gère ses activités. Si une entreprise ne respectait pas ces standards, nous n’hésiterions pas à nous désengager.

Avec les évolutions technologiques, les critères actuels de la charte éthique du notariat sont-ils encore adaptés aux enjeux modernes ?

La charte éthique du notariat a été rédigée en 2018, et depuis, nous avons vu des avancées technologiques majeures, notamment avec l’intelligence artificielle.
À l’époque, l’IA n’était pas vraiment une priorité dans les discussions autour de cette charte. Aujourd’hui, avec l’accélération de l’IA générative, il est clair que des problématiques éthiques, comme les biais dans les algorithmes, se posent de manière plus aiguë.
Cela dit, la charte reste un outil précieux. Elle établit des principes généraux qui sont toujours valables. Mais je pense que des mises à jour régulières seraient nécessaires pour s’adapter aux évolutions technologiques. L’idée n’est pas de réécrire entièrement la charte, mais plutôt de l’enrichir avec des ajouts qui tiennent compte des nouvelles problématiques, tout comme le RGPD est venu compléter les règles de protection des données existantes.

Le CSN propose une certification « Label Etik », en quoi consiste-t-elle et comment est-elle attribuée ?

Le label Etik du notariat est une initiative importante qui vise à certifier que les solutions numériques respectent des standards élevés en matière d’éthique et de conformité. Ce label est particulièrement pertinent pour les entreprises qui développent des outils destinés aux notaires. Par exemple, nous avons investi dans une start-up appelée Legapass, qui propose un coffre-fort numérique permettant de transmettre des actifs numériques lors d’une succession. Ils ont choisi de se soumettre au processus de certification du label Etik, ce qui est un engagement fort de leur part.

Le processus de certification est rigoureux, avec environ 140 points de contrôle. Cela représente un investissement conséquent en temps et en ressources, surtout pour les petites structures. Mais c’est ce qui fait la valeur de ce label : il garantit que l’entreprise respecte des normes éthiques très strictes, un point essentiel pour gagner la confiance des notaires.

Il faut noter qu’obtenir ce label n’est pas gratuit, ni en termes de temps, ni en termes de compétences. Pour une petite entreprise comme Legapass, qui comptait une dizaine de personnes au moment où ils ont obtenu le label, cela a représenté plusieurs mois de travail pour deux ou trois membres de l’équipe. Mais cela en vaut la peine, car le label est un gage de confiance pour les notaires. Il montre que l’entreprise est engagée à respecter des standards éthiques et sécuritaires élevés, ce qui peut faciliter l’adoption de leurs solutions par les notaires.

Un autre grand enjeu d’actualité pour les entreprises est la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), où en êtes-vous de ce côté-là ?

Au sein du Groupe ADSN, nous avons lancé une démarche RSE il y a quelques années. Au départ, nous avons commencé modestement avec des initiatives comme le recyclage ou la mise en place d’écogestes basiques. Mais depuis l’année dernière, nous avons décidé de passer à une démarche beaucoup plus ambitieuse. Nous avons réalisé notre premier bilan carbone, ce qui est essentiel pour comprendre l’impact de nos activités numériques sur l’environnement. Nous gérons des volumes de données énormes, avec des millions de Français qui utilisent nos services chaque année en se rendant chez leur notaire.

Nous avons été agréablement surpris de constater que notre empreinte carbone était moins importante que prévu, en grande partie grâce à nos efforts pour choisir des prestataires de datacenters vertueux. Par exemple, nous travaillons avec Interxion, un géant mondial des infrastructures numériques, qui utilise des systèmes de refroidissement naturels dans ses datacenters, ce qui réduit considérablement la consommation d’énergie.

Enfin, si vous deviez donner une définition concise de l’éthique numérique, comment la formuleriez-vous ?

Je pense qu’il n’existe pas une éthique spécifique au numérique. L’éthique est universelle, elle ne change pas selon les domaines d’application. Ce qui change, ce sont les contextes dans lesquels elle s’applique. Le numérique n’est pas une révolution à part entière, c’est une extension du monde réel. Ainsi, les principes éthiques qui s’appliquent dans le monde réel doivent aussi s’appliquer dans le numérique. Nous devons veiller à ce que les outils numériques soient développés et utilisés de manière responsable, en respectant les mêmes standards d’éthique que dans toute autre activité humaine.

Vous pouvez également retrouver cet entretien en page 28 du Journal du Village des Notaires n°104.

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