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Comment endiguer la pénurie de logements locatifs à Paris ?

Comment endiguer la pénurie de logements locatifs à Paris ?

La pénurie de logements locatifs est un problème d’une grande acuité dans la capitale. D’après une récente étude, au-delà de la vacance locative, la pénurie actuelle de logements locatifs trouve son origine dans le fort développement des locations touristiques de courte durée. À l’approche des Jeux Olympiques de 2024, la situation risque de ne pas s’arranger. Les politiques sont attendus au tournant pour prendre le phénomène à bras-le-corps et mettre en œuvre des mesures susceptibles d’endiguer ce phénomène.

Les logements inoccupés, un phénomène en croissance structurelle à Paris

Il a toujours été difficile de se loger dans la capitale. Pour prendre la réelle mesure de la situation, l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), association loi 1901 créée en 1967 par le Conseil de Paris, a publié en novembre 2023 une étude très fournie sur le nombre de logements inoccupés à Paris et les causes de ce phénomène devenu une caractéristique du marché immobilier de la capitale.

Un logement sur cinq est inoccupé dans la capitale

C’est un constat inquiétant et qui explique les difficultés de toutes les personnes cherchant actuellement à se loger à Paris.

Selon le dernier recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Paris compte 1 393 800 logements en 2020. 81% d’entre eux sont occupés toute l’année par des ménages dont c’est la résidence principale, soit 1 131 600 logements. Selon la définition de l’INSEE, les logements qui ne sont pas des résidences principales sont inoccupés. Cette catégorie regroupe les résidences secondaires ou logements occasionnels (10% du parc, soit 134 000 logements) et les logements vacants (9% du parc, soit 128 000 logements).

La hausse du nombre de logements inoccupés est continue depuis dix ans. Leur part dans le parc immobilier parisien est passée de 14% en 2011 à 19% en 2020, malgré une fiscalité censée être plus dissuasive (taxe sur logements vacants et réglementation de plus en plus stricte des locations meublées). Si on remonte encore plus loin dans le temps, l’augmentation du nombre de logements inoccupés est très importante : la part de logements inoccupés était en effet de 2% en 1954.

Source : APUR-INSEE

La répartition des logements inoccupés par arrondissement est très hétérogène. Certains arrondissements sont particulièrement touchés et correspondent la plupart aux arrondissements les plus chers et les plus touristiques de la capitale.

La vacance locative


Source : APUR-INSEE

Après une diminution observée entre 1999 et 2011, liée à l’introduction d’une taxe sur les logements vacants en 1998 qui concerne les logements vacants depuis plus de deux ans [1], le taux de vacance est reparti à la hausse pour atteindre 9,2% du parc de logements parisiens en 2020.

Il existe différents types de vacance locative. La plus significative est la vacance dite frictionnelle qui est normale et nécessaire au bon fonctionnement du marché. Cette vacance définit le temps de rotation entre occupants et correspond à la durée normale pendant laquelle le logement reste vide. Elle tient compte par exemple de la durée des travaux de remise en état des logements entre deux occupants (propriétaires et/ou locataires). La vacance frictionnelle est une vacance de courte durée.

La vacance locative de longue durée concerne les logements inoccupés depuis plus de deux ans. Les logements concernés entrent ainsi dans le champ de la taxe sur les logements vacants. À Paris, la taxe concerne 18 000 logements en 2020 selon le fichier « LOVAC » [2], à comparer avec un total de 128 000 logements vacants. La vacance locative de longue durée est stable dans le temps et ne concerne selon les années que 1 à 2% du parc de logements.

Ces logements vacants sont souvent des logements de petite surface et sans confort. Pour ces logements, la durée de la vacance dépasse fréquemment cinq ans. Ils sont surreprésentés dans le Quartier central des affaires (QCA), c’est-à-dire le 8ème arrondissement.

Les résidences secondaires et occasionnelles


Source : APUR-INSEE

Au-delà de la vacance locative classique, c’est le phénomène majeur observé à Paris et celui qui focalise désormais l’attention des pouvoirs publics. Le taux de résidences secondaires et occasionnels a en effet été multiplié par cinq en cinquante ans. L’accélération de la hausse est marquée depuis 2011.

Les deux tiers sont des résidences secondaires, le tiers restant, soit 47 500 logements en 2020, sont des logements occasionnels.

La loi ALUR de 2014 précise qu’il est possible de mettre en location sa résidence principale moins de 120 jours par an. Au-delà de 120 jours, il s’agit d’un changement de destination du logement avec nécessité de demander l’autorisation à la mairie. De nombreux logements ont ainsi changé de destination avec le développement de l’activité de loueur en meublé de courte durée.

La location meublée de courte durée fait l’objet de plus en plus de critiques. Elle est accusée de créer la pénurie en asséchant le marché de la location nue classique et de renchérir les loyers.
Dotée d’avantages fiscaux non négligeables par rapport à la location nue, de nombreux propriétaires font un choix rationnel du point de vue fiscal, mais assez désastreux sur le plan sociétal. Par ailleurs, les locations touristiques sont accusées par les acteurs de l’hôtellerie de concurrence déloyale.

Il faut s’attendre dans ce contexte à des tentatives de régulation de plus en plus fortes de la part des décideurs politiques.

Remettre au centre la décision politique

L’étude de l’APUR n’a pas vocation à se substituer à la décision politique, même si l’association est une instance du Conseil de Paris. Plusieurs pistes sont proposées aux décideurs afin d’améliorer la situation du marché locatif, jugée critique par de nombreux observateurs.

Ainsi, un exemple récent donne la mesure de l’actuelle pénurie de biens à la location puisque plus de 700 candidats se sont présentés en sept jours pour un logement de 10 m² à 610 euros/mois dans le 10ème arrondissement.

Améliorer le suivi statistique des logements inoccupés

Avant de mettre en œuvre une politique publique efficace, les décideurs doivent disposer d’une connaissance statistique fine. Cette connaissance permet de poser un diagnostic approprié de la situation. À Paris, il semble nécessaire de développer davantage le suivi statistique des locations meublées touristiques. Des difficultés sont mentionnées pour faire remonter les données des plateformes vers les acteurs publics.

Augmenter la fiscalité des logements inoccupés

La fiscalité apparaît comme l’outil privilégié pour inciter les acteurs à modifier leurs comportements. On parle de fiscalité comportementale. L’APUR indique que la taxe sur les logements vacants a eu des effets notables sur la résorption de la vacance locative lorsqu’elle a été mise en place en 1999.

À la différence des résidences principales, les résidences secondaires restent toujours assujetties à la taxe d’habitation. Le taux de la taxe d’habitation a augmenté de 52% en 2023 à Paris. Il est trop tôt pour mesurer les effets de cette hausse de la fiscalité sur le comportement des propriétaires. Est-ce qu’une fiscalité dissuasive sur les résidences secondaires permettra de remettre ces biens sur le marché locatif ? C’est une possibilité mais pas une certitude. L’APUR suggère d’alourdir la fiscalité des biens vacants et de supprimer les possibilités d’optimiser la fiscalité en mettant en place un système de taxation unique de la sous-occupation des logements.

Accompagner et favoriser la remise sur le marché des logements inoccupés

Les dispositifs Louer Solidaire et Loc’Avantages avec conventionnement de l’Agence Nationale de l’Habitat (Anah) pourraient être renforcés. Ces dispositifs incitatifs favorisent la remise sur le marché des biens selon le régime de la location nue classique. Ainsi, le dispositif Loc’Avantages offre une réduction d’impôt sur les revenus fonciers du propriétaire.

La communication sur les dispositifs d’aide et de financement des travaux doit être renforcée auprès des propriétaires.

Appliquer la réglementation thermique

Les travaux de rénovation doivent être accompagnés de manière à diminuer drastiquement le nombre de passoires énergétiques (logements classés E, F, G selon la classification du diagnostic de performance énergétique (DPE)) et qui ont vocation à sortir du parc locatif.

Réglementer davantage les locations touristiques

Une réglementation plus stricte viserait à dissuader de nouveaux propriétaires de mettre leurs biens immobiliers sur les plateformes de location touristique. Différentes options pourraient être par exemple de réduire la durée de mise en location d’une résidence principale (120 jours actuellement), de réduire les avantages fiscaux de la location meublée et de multiplier les contrôles pour chasser les abus.

Pour aller plus loin, lire l’étude de l’APUR : "Les logements inoccupés à Paris :États des lieux, mise en perspective historique et leviers pour l’action publique - décembre 2023."


Notes :

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