Le régime fiscal actuel de la TVA sur les œuvres d’art
Le droit fiscal français a créé pour le marché de l’art un régime sectoriel. Les œuvres d’art et objets de collection ou d’antiquité étant unanimement considérés comme des biens à part entière, certaines opérations sur ces mêmes biens sont soumises à des dispositions particulières. Le code général des impôts (CGI) [1] prévoit ainsi que leur importation ouvre droit à la perception de la TVA au taux de 5,5 %. Pour l’application ad personam, on entend notamment par « importateur » :
- le négociant de biens ;
- l’intermédiaire opaque (galerie, courtier, maison de vente aux enchères, etc.) ;
- l’artiste créateur ou ses ayants droit ;
- ou encore le particulier.
L’application ad rem de ce taux réduit concerne :
- les acquisitions intracommunautaires d’œuvres d’art livrées dans un autre État membre par des assujettis autres que des assujettis-revendeurs ;
- et les ventes d’œuvres d’art effectuées par leur auteur ou par ses ayants droit.
Cohabite avec ce taux réduit un autre régime dit de TVA sur la marge [2], qui permet aux acteurs faisant de l’achat pour revente (les « assujettis-revendeurs », au rang desquels les commissaires-priseurs) d’opter pour l’application du taux normal de 20 % sur la seule différence entre le prix d’achat et le prix de revente.
La menace d’une importation en berne face à la législation européenne
Passée relativement inaperçue dans le marché de l’art car concernant tous les biens et services, une directive adoptée le 5 avril 2022 [3] est à l’origine des inquiétudes actuelles des professionnels du secteur. Avec une applicabilité au 1er janvier 2025, la France a jusqu’au 31 décembre 2024 pour en transposer les dispositions en droit interne. Ce faisant, elle ferait passer la TVA de 5,5 % à 20 %. Cette perspective attise la crainte d’un accroissement de la concurrence avec les autres grandes places du marché de l’art que sont les États-Unis (absence de TVA sur l’importation des œuvres d’art sauf en provenance de Chine), Hong Kong (0 % également) le Royaume-Uni (5 %), et la Suisse (7,7 %).
Le secteur regrette l’absence de consultation des professionnels concerné dans l’adoption de cette directive par la France, pays dont l’attractivité sur le marché de l’art lui a permis de récupérer une place de choix devant ses concurrents historiques. Cette compétitivité (fiscale) française, que appelle tantôt « exception culturelle », fait qu’elle représenterait aujourd’hui 50 % du marché européen.
Les parties prenantes ont interpelé Bercy et le ministère de la Culture afin d’alerter sur les conséquences potentiellement lourdes que pourrait avoir le non maintien de cette exception.
Des échanges ont ainsi été initiés entre la Direction de la Législation Fiscale et la Confédération Internationale des Négociations d’Art ainsi que le Comité Professionnel des Galeries d’Art afin de convenir d’un moratoire au niveau européen et de conserver le taux réduit de TVA que l’on connaît. Certains vont plus loin et encouragent les autorités publiques à saisir cette occasion pour étendre l’application de la TVA à 5,5 % à toutes les opérations du marché de l’art pour la généraliser. Affaire à suivre !
Notes :
[2] CGI, art. 297 B.
[3] Dir. (UE) du Conseil, 5 avr. 2022, JOUE 6 avr.
Alix Germain
Rédaction du Village des Notaires et des Experts du Patrimoine