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Reprendre une étude notariale : se préparer au grand saut.

Reprendre une étude notariale : se préparer au grand saut.

Dans une année normale, lorsqu’une loi ne bouleverse pas le paysage du secteur, entre 300 et 350 nouveaux notaires sont nommés tous les ans. S’y préparer est ardu, tant le projet est multiforme : une étude de notaire se mérite comme un honneur public, se pense comme un projet de vie, et s’évalue comme une société commerciale. En plus d’une analyse précise de l’investissement que les cessionnaires sont disposés à débourser, il est donc indispensable d’être le plus clair possible sur ses attentes et ses capacités, et de bien saisir l’ensemble des étapes. Quelles sont les questions et les démarches essentielles pour réussir ?

Une reprise d’étude de notaire est un investissement économique conséquent. En-dehors du ou des prêts qu’il va contracter, le candidat doit également disposer d’une réserve d’argent importante, puisque les instances notariales exigent au moins 30 % de la somme en apport strictement personnel – ce qui exclut même les prêts familiaux.
Quel est le montant à débourser ? De nombreux éléments rentrent en ligne de compte pour déterminer cette somme : le chiffre d’affaires bien sûr, mais également le résultat net, ainsi que la localisation, la typologie d’actes réalisés et leur montant moyen, ou encore les charges comme la masse salariale ou les investissements à réaliser pour moderniser les locaux et/ou l’équipement de l’étude.

Un audit bienvenu

Depuis le 1er décembre 2013, le cédant a l’obligation de commander un audit financier préalable à un organisme reconnu par les instances. Ce rapport comprend notamment toutes les informations chiffrées sur l’activité de l’Office (montant et nature des émoluments, évolution des produits sur les cinq dernières années, charges par catégories, salariés …) et vise à déceler les points faibles et les points forts de l’office.
En validant les éléments fondamentaux de la valorisation, l’audit offre une référence pour les parties prenantes : le cédant, le cessionnaire, mais aussi la Chambre départementale et le Conseil Régional qui décident, en dernier lieu, de la valeur des études. Ce rapport fonctionne ainsi « comme un juge de paix, explique le gérant du cabinet Malatiré, Bernard Le Merdy, car il conforte l’analyse que nous avons faite en amont en donnant un caractère officiel et authentique aux chiffres utilisés pour l’évaluation, alors que ceux-ci pouvaient auparavant être sources d’incertitude. Il a une autre grande qualité, qui est d’être souple, grâce à une fourchette d’estimations, basées sur des coefficients, qui constituent la base de la négociation ».

Les impacts de la réforme

Lorsque l’immobilier est largement majoritaire dans l’activité d’une étude, la forfaitisation des prestations telle qu’elle apparaît dans la loi Macron risque d’induire une baisse de revenu. Il faut ajouter à cela les effets de la libre installation (dans les régions définies par le Ministère de la Justice). Selon une étude publiée par Ernst & Young en février dernier [1], le notariat dans son ensemble va devoir faire face à un recul de son chiffre d’affaires, de ses marges et de son taux de rentabilité, de manière forte et régulière jusqu’en 2020, avec les fermetures d’offices qui iront avec. À cela s’ajoute un marché immobilier globalement morose, à l’exception notable de Paris et de certaines grandes villes particulièrement attractives. « Nous travaillons donc, souligne Bernard Le Merdy, à expliquer aux cédants que, eu égard à cette inévitable baisse des revenus, il leur faut pondérer l’estimation qu’eux-mêmes se font de leur étude, afin de trouver un juste prix pour les deux parties. Trouver le prix que les futurs revenus permettront de rembourser est d’ailleurs une condition pour que les banques acceptent de prêter au cessionnaire. ».

Clarifier son projet

Au-delà des chiffres, il y a une réalité quotidienne avec son ou ses associés, les salariés, les clients, le milieu, qu’il faut absolument prendre en compte dans son choix final. Notamment, toutes les régions ont leurs particularismes, et il importe de s’y sentir à l’aise, particulièrement pour un métier qui se fait en permanence au service et au contact des habitants des environs. Parmi les éléments qui déterminent un notaire à quitter son étude, on trouve : un emplacement inadapté aux conditions de vie, comme une famille avec des enfants déjà grands dans une implantation rurale par trop éloignée des bonnes institutions scolaires, ou « tout simplement le manque d’attachement et d’appétence pour le lieu et ses habitants, et ce retournement se produit parfois très vite, au bout de 2-3 ans, ce qui représente un vrai gâchis d’énergie pour celui ou celle qui doit abandonner son projet ».
Plutôt que de prendre la première occasion qui se présente, par enthousiasme, ou impétuosité, il est indispensable de se mettre au clair sur l’ensemble de ses besoins. Quels sont et seront mes besoins et ceux de ma famille ? Dans quel contexte culturel je souhaite m’implanter durablement : urbain, semi-rural, rural ? Quels sont les actes que j’ai le plus de plaisir à pratiquer : plutôt droit de la famille ou immobilier ? Quelles sont les personnalités avec lesquels je fonctionne bien : plutôt formaliste ou plutôt débonnaire ? Quelle orientation je souhaite donner à l’étude : gérer les acquis ou investir dans le développement ?

Pourquoi se faire aider ?

Il est possible de recourir à des sociétés spécialisées dans la transmission. Le protocole est le suivant : après une première rencontre avec le cédant en dehors de son étude, la visite faite au notaire permet de mieux comprendre les caractéristiques de l’office, à savoir tout ce qui ne peut se lire dans les chiffres de l’audit : quel est le fonctionnement interne ? Le comportement des salariés ? Le type de clientèle ? La qualité des relations ? Si, comme cela arrive souvent, la décision de vendre est due à une discorde entre les associés, il est indispensable de comprendre les racines du problème pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Selon les termes de Bernard le Merdy, « quand on devient associé, il est aussi important de rencontrer celui qui reste que celui qui part  » : la séparation est-elle due à une question de personnalité ? À des conceptions trop éloignées du rapport au travail ou à l’argent ?Ensuite, la mission de ces sociétés consiste à trouver le bon candidat pour l’étude et à l’accompagner pour que la cession aboutisse. Un aspect majeur consiste à s’assurer de leur capacité financière puis à déterminer leur compatibilité avec l’étude et son environnement. Parmi les diplômés notaires qui souhaitent s’installer, ceux qui contactent ces sociétés ont bien évidemment des profils et des aspirations variés et « nous rencontrons au moins une vingtaine de candidats pour en sélectionner 4-5 qui collent à 80 % avec les demandes du cédant  ». Ensuite, c’est l’intuitu personæ qui joue à plein entre le cédant et le cessionnaire. L’intermédiaire aide également à arrondir les angles pour l’estimation du prix.
Une autre raison de recourir à un tel service pour une transmission d’étude est la confidentialité qu’offre une telle démarche. En effet, beaucoup de notaires ne souhaitent pas que leur décision de vendre s’ébruite. « Soit, explique Bernard Le Merdy, ils souhaitent quitter un associé en le prévenant le plus tard possible, ou alors ils ne veulent pas que des notaires voisins se prennent à rêver de mettre la main sur leur clientèle », soit encore ils souhaitent éviter d’inquiéter une clientèle qui pourrait retarder des démarches, et faire ainsi baisser artificiellement le revenu de l’étude – ce qui serait mauvais pour la vente. Par conséquent, aucune publicité ni annonce ne doit paraître, et les candidats sont donc contactés de manière directe. Un respect de cette confidentialité est donc attendu des candidats acquéreurs, qui doivent être prudents sur la divulgation du projet de cession : « j’ai connu des ventes qui ont échoué parce qu’un candidat, alors qu’il s’entretenait avec sa banque pour obtenir un prêt, a livré le nom du notaire qui souhaitait vendre, et l’information a fuité jusqu’à l’intéressé, qui a annulé la transaction ».

Un secteur dans l’expectative

Sur le site du Syndicat des Notaires, on peut lire ceci, qui résume bien la dynamique des transmissions d’études de notaire : « au printemps 2014, il convenait d’attendre le projet définitif à paraître au mois d’août 2014 ; en septembre 2014, il convenait d’attendre le résultat du vote par l’Assemblée nationale ; en janvier 2015 il est apparu nécessaire d’attendre le résultat de la commission mixte sénatoriale ; maintenant que l’article 49-3 [a été] utilisé, il convient d’attendre les décrets d’application prévus pour la fin 2015, et lorsque ces décrets seront parus, il conviendra d’attendre de pouvoir constater leur effet sur trois mois ou de préférence six mois pour pouvoir bâtir un nouveau canevas de cession sécurisé ».
Et dans les faits, entre le premier janvier et le 31 mai 2015, seules 47 nominations de notaires sont parues au JO, contre respectivement 136 et 155 pour les mêmes périodes des années 2014 et 2013. Les institutions justifient l’immobilisation de centaines de dossiers depuis un an par la nécessité de protéger les nouveaux notaires d’acquisitions qui seraient trop coûteuses par rapport aux revenus réels. Que faire durant cette attente ? Repousser le projet ? Ou plutôt mettre à profit ce temps d’attente non choisi pour le préparer au mieux ?

Une longue marche à suivre

* Visite protocolaire du cédant et du cessionnaire au Président de Chambre
* Dépôt à la Chambre du dossier pour la Commission d’accès
* Envoi du dossier par la Chambre au CRN
* Enquête préalable par le CRN sur la moralité, la connaissance de la déontologie, la valeur professionnelle, et les possibilités financières du candidat
* Passage du candidat devant la Commission d’accès pour avis
* Signature du traité de cession
* Dépôt des traités de cession et de prêt à la Chambre après entretien avec le secrétariat
* Le dossier de cession est envoyé de la Chambre au parquet
* La Chambre est saisie par le procureur général (dans les 45 jours)
* Visite protocolaire au Procureur de la République
* Avis aux Notaires de la compagnie sur le projet de cession
* Envoi de l’avis de la Chambre sur la cession au Procureur général
* Lorsque la Chambre est saisie par le Procureur pour avis, elle délibère aussi sur la cession et le financement en présence du candidat
* Nomination : information du candidat et publication au JO
* Réalisation du sceau
* Prestation de serment (avec le sceau) à une date fixée par le Procureur de la République

Jordan Belgrave


Notes :

  • Reprendre une étude notariale : se préparer au grand saut.

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Discussion en cour :

  • Par Marc Chernet Le 2 octobre 2020 à 16 :10
    BODACC

    une cession d’office notarial est-elle soumise à publication au BODACC. sinon comment les tiers peuvent-ils faire opposition au paiement du prix en cas de créance non payée ?

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