Le commissaire-priseur judiciaire et le notaire
Tout comme le notaire, le commissaire-priseur judiciaire est un officier public nommé par le Garde des sceaux, ce qui confère à sa consultation l’authenticité de l’acte juridique opposable au tiers. La spécialité du commissaire-priseur s’appuie sur une double formation en droit et en art qui lui donne la capacité d’évaluer avec une grande exactitude les biens qui lui sont soumis. Non qu’il soit à même d’estimer immédiatement tous les biens qu’il aperçoit, mais il sait comment, lorsqu’il ne maîtrise pas le style ou la période, aller s’informer sur la valeur de ces objets. Il est donc en mesure d’expertiser un bien, c’est-à-dire d’attribuer une œuvre à un artiste reconnu, et d’évaluer en fonction de la réalité du marché de l’art.
De nombreux textes de lois incitent notaire et commissaire-priseur judiciaire à travailler main dans la main. Qu’il s’agisse du règlement d’une succession dans le cas d’une acceptation à concurrence de l’actif net, ou d’une acceptation pure et simple, un notaire se trouve naturellement enclin à demander à un commissaire-priseur d’intervenir, puisqu’il ne se sent pas toujours la capacité d’estimer les biens meubles de la succession.
De même, lors des procédures de divorce, lorsque le juge désigne un notaire en application de l’article 255 du code civil, « en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formations de lots à partager », celui-ci a intérêt à faire appel à un expert.
Vis-à-vis de ces partenaires que sont les commissaires-priseurs judiciaires, comme du grand public qui peut souvent se montrer réticent à l’idée de payer des frais supplémentaires, il est important de prendre en compte la manière dont les nouvelles réglementations ont su moderniser une profession, qui, bien qu’elle remonte aux temps les plus anciens, a toujours su s’adapter aux nouvelles réalités. Le décret 2012-423 du 28 mars 2012 a renforcé l’inspection de comptabilité dans les offices de commissaires-priseurs judiciaires et a instauré une obligation pour les chambres de discipline de la profession de désigner un expert-comptable en qualité de vérificateur. De nombreux éléments de la loi de 2011 (cf. supra) sont à même de rendre l’intervention d’un commissaire-priseur plus rassurante et attractive pour le public, à l’image de la consécration de la tenue du registre sous forme électronique. Le nouveau Code de déontologie, bien qu’il fasse polémique au sein de la profession parce qu’il fut commandité par la ministre de la Justice suite à un scandale localisé à Drouot, et sans relation avec les pratiques des commissaires-priseurs dans leur ensemble, pourra néanmoins contribuer à développer le recours à cette profession.
Dans le cas le plus courant, les particuliers s’adressent à un commissaire-priseur lors d’une succession. Mais ils hésitent souvent face aux frais engendrés. Pourtant, quelle que soit la valeur d’une succession, il existe presque toujours un intérêt bien compris à faire appel à un expert capable d’évaluer les biens à leur juste valeur. Prenons le cas classique d’un héritage immobilier. Si les héritiers considèrent faible, voire nulle, la valeur des biens meubles, la valeur du bien immobilier est, elle, souvent importante, en raison de la bulle immobilière de ces dernières années. Or, comme le précise l’article 764 du Code général des impôts, « pour les meubles meublants, et sans que l’administration ait à en justifier l’existence, la valeur imposable ne peut être inférieure à 5 % de l’ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières de la succession ». Si une maison est estimée par le marché immobilier à 200 000€, celle des meubles sera de 10 000€, soit probablement beaucoup plus que leur valeur réelle. L’estimation du commissaire-priseur est opposable à l’administration fiscale. Si, au contraire, la valeur des meubles est élevée, leur estimation exacte a de nombreux avantages :
Elle permet à tous les héritiers d’être informés de la valeur réelle des objets en présence, alors que cette connaissance peut être le monopole de certains d’entre eux au détriment des autres ;
Elle permet la constitution de lots en cas de partage des biens et limite ainsi les risques de contentieux entre héritiers ;
Elle facilite l’identification d’objets légués par le défunt à une personne déterminée et désignée dans le testament.
Enfin, en cas de méconnaissance générale de la valeur des objets, le recours à un commissaire-priseur permet de connaître le potentiel marchand des biens en présence, et peut-être de dénicher une perle rare. Il n’est pas rare que les envolées actuelles du marché de l’art réservent des surprises à certains héritiers, avec des atlas anciens que de riches amateurs acquièrent pour plus de 20 000€, ou des objets d’art chinois, particulièrement en vogue, qu’il n’est pas rare de voir atteindre le million d’euros.
L’apparition des opérateurs de ventes volontaires
En vue de transposer dans le droit français la directive « services » , souhaitant ouvrir la libre circulation des services sans restriction de nationalité, de lieu du siège statutaire ou de forme juridique, la loi du 20 juillet 2011 pour la libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a transformé le paysage de la vente aux enchères publiques. Le texte final n’a pas retenu la suppression de la profession de commissaire-priseur judiciaire qui avait été envisagée par les auteurs de la loi, et il a également préserve le caractère civil des ventes volontaires qui seraient autrement devenus des actes de commerce. Mais il a ouvert le champ des ventes aux enchères volontaires à toute personne physique ou société constituée sous n’importe quelle forme, avec une simple déclaration auprès du Conseil des Ventes. Néanmoins, les conditions à réunir sont nombreuses, dans l’intérêt des professionnels comme du grand public. Tout opérateur de vente volontaire doit compter parmi ses membres un commissaire-priseur habilité (titre, habilitation, diplôme reconnus comme équivalent), avec une formation initiale en art et droit similaire à celle des commissaires-priseurs judiciaires, un examen d’accès au stage et deux années de stage, dont au moins 6 mois dans un office de commissaire-priseur judiciaire, plus un enseignement théorique et pratique sous le contrôle du Conseil des Ventes. Pour les conditions d’accès, la seule différence avec un commissaire-priseur judiciaire tient donc à l’examen d’aptitude propre à cette profession. D’ailleurs, les commissaires-priseurs travaillant au sein de ces opérateurs de ventes volontaires sont souvent les officiers ministériels eux-mêmes souhaitant se consacrer à des ventes hors cadre judiciaire.
De l’intérêt d’une vente aux enchères volontaires
La position de confiance d’un notaire vis-à-vis des clients de son étude est excellente pour les amener à comprendre l’intérêt de recourir à la vente aux enchères. La vente aux enchères a de tout temps été le moyen le plus efficace d’établir le prix le plus juste par la confrontation de l’offre et de la demande. La compétence d’un commissaire-priseur de ventes volontaires et de la structure qui l’accompagne se reconnaît à la manière de mener la vente dans le plus grand intérêt du vendeur, autant dans le transport des biens que dans la presse, l’édition et la diffusion de catalogues. En effet, sans vente aux enchères, des risques existent de connivence entre intermédiaire et acheteur ; ou plus simplement, lorsqu’il n’y a pas d’intermédiaire, il est possible à un professionnel ou à un amateur éclairé d’acquérir le bien, par une habile argumentation, à un prix inférieur à sa valeur potentielle.
Contrairement aux ventes aux enchères judiciaires, les commissions lors des ventes aux enchères volontaires sont plus fluctuantes et souvent plus élevées – entre 5 et 15 % pour les vendeurs et 10 et 25 % pour les acheteurs. Mais la législation prévoit de nombreux garde-fous pour les particuliers, notamment l’obligation d’un mandat par écrit, ainsi que des modernisations très utiles, comme la possibilité de réaliser la vente par internet, soit par liaison soit sur un site web dédié.
Et l’expert en écriture ?
Voici un autre professionnel qu’un notaire peut être amené à recommander à ses clients. L’expertise en écriture s’avère en effet indispensable dès que l’authenticité d’un testament pose question. Or, les experts constatent une recrudescence des testaments dits « à main forcée » ou « à main guidée ». Bien sûr, la quasi-totalité des litiges portent sur des testaments « olographes », ces testaments non reçus par les notaires, au contraire des testaments dits « authentiques ».
Un expert en écriture saura utiliser toutes les techniques nécessaires afin de déterminer l’authenticité du document : différenciation des encres et des types d’écriture par des images en haute résolution et même en 3D obtenus grâce à un microscope électronique de balayage ; étude des empreintes du stylo sur la feuille par la photographie en lumière rasante ; caméras UV ou chromatographie afin de visualiser les éléments effacés ou invisibles à l’œil nu ;…