En ouverture, ont pris la parole le président de la chambre des notaires de Paris, Cédric Blanchet, puis Jean Quintard, président du conseil d’administration de l’Institut National des Formations Notariales (INFN) ainsi que Mustapha Mekki, directeur général de l’INFN. Le premier est revenu sur la problématique du jour : une dichotomie entre une vision « fantaisiste » du notariat qui vit dans l’inconscient collectif, « un notable qui mène une vie cachée de turpitudes », bien loin de ce qu’il estime être la réalité de cette profession, celle d’un professionnel « moderne mais ancré dans une tradition : protecteur des droits garant de l’ordre public, chef d’entreprise et officier public ».
Dépoussiérer de manière ludique l’image du notariat.
Jean Quintard a également pris la parole pour rappeler l’objet du concours dont la remise des prix avait lieu ce soir-là. Il s’était agi pour l’INFN de « se mettre au service de ses étudiants et de valoriser leur travail et leur créativité. » Pour cela, c’était au moyen d’un court-métrage qu’ils ont pu « mettre en lumière les singularités et la diversité des métiers du notariat au sein des études. » Le support devait « décrire la réalité au quotidien des études notariales : notaires des villes, notaires des campagnes, collaborateurs et notaires stagiaires, notaires jeunes créateurs, société pluri professionnelle et/ou étude familiale. » Plus largement, la Nuit du Droit, comme pensée par Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel, a pour but d’« ouvrir les portes du droit aux citoyens non sachants », en aidant les non juristes à se forger « un regard moins caricatural » sur les professions du droit, généralement véhiculé par les médias.
Ouvert aux étudiants en Master notarial, en voie professionnelle, en voie universitaire, étudiants collaborateurs (du BTS au DMN), leurs œuvres ont été évaluées par une « commission de sélection » composée de 12 membres : trois directeurs de sites de l’INFN, deux représentants de l’INFN siège, trois notaires ou notaires honoraires, trois universitaires, un représentant de l’ADN (Association nationale des étudiants en droit notarial). Huit équipes ont donc présenté leur travail, et finalement, les deux prix (celui du meilleur court-métrage, et celui du court-métrage le plus original) ont été décernés à Justice Marcot, du master 2 Droit notarial de l’Université de Montpellier (court-métrage le plus original), et Diane Debruyne de l’INFN de Dijon (court-métrage le plus prometteur). Leurs deux courts-métrages (à voir sur le site de l’INFN) ont été projetés au public présent, et applaudis comme il se doit.
La soirée s’est clôturée sur un débat sur « L’évolution de l’image du notariat à travers les médias ». Pour l’occasion, six intervenants (notaires, universitaires, juriste, directeur général de l’UNOFI) ont apporté leurs éclairages sur trois questions : quelle place a le notariat dans les médias ? Pourquoi cette image « vieillotte » ? Comment rétablir la vérité sur une profession qui se conçoit comme « moderne » ?
Une profession qui se débat avec ses clichés.
Après une série d’extraits d’œuvres cinématographiques dans lesquels intervient le personnage du notaire, les professionnels et universitaires ont livré leurs analyses de l’évolution de l’image du notariat, sous différents angles : la littérature, la musique, le cinéma.
Le personnage du notaire apparait en tant qu’homme de loi pour rappeler celle-ci. Il est généralement mis au 3ème plan, du fait de sa position sociale élevée, mais également car son rôle possède une certaine sacralité, dépositaire d’un pouvoir lui permettant de sécuriser une situation aussi décisive dans la vie des gens comme un testament par exemple. Dans l’intrigue de la plupart des films dont les extraits ont été projetés au cours de la soirée, les intervenants ont fait remarquer que la scène de la révélation du testament par le notaire est celle qui fait basculer le film.
La figure du notaire est également présente dans la littérature. Rémy Cabrillac, professeur à la faculté de droit de Montpellier, a présenté les deux visions traditionnellement mises en avant dans les livres depuis Balzac : d’abord une vision dite « dominante », d’un notaire masculin, d’environ 60 ans, notable et sérieux (dans ses deux acceptions : compétent ou ennuyeux), que l’on retrouve d’ailleurs beaucoup dans les films projetés ; puis une vision plus minoritaire du notaire où il est dépeint comme astucieux, roublard.
L’universitaire, pour témoigner des changements récents dans la lecture de l’image du notariat, a mentionné Cécile Guidot et ses deux ouvrages, Les actes et Les volontés : « On voit une notaire trentenaire, qui vient d’un milieu modeste, et qui exerce dans une grande étude collective parisienne en tant que salariée. On voit la pression du stress, l’ambiance collective du travail, des éléments nouveaux pour montrer la réalité du travail du notaire. »
Corinne Delmas, sociologue spécialiste du notariat a livré son regard sur la question : « Ce qui ressort beaucoup c’est l’image d’un personnage compétent mais qui suscite la peur et la méfiance. En tant que sociologue ce sont tout un tas de représentations des notaires qui sont intéressantes car elles s’inscrivent dans un contexte donné, mais on constate qu’il y a un décalage avec la réalité du métier. Il subsiste des clichés, des représentations collectives qui tranchent avec la représentation individuelle, où l’on aime son notaire. Globalement, le notaire a été incarné sous la forme d’un homme, mûr, dans une profession routinière. Le travail au quotidien n’est pas forcément toujours représenté, mais quand il l’est on voit surtout des équipements archaïques. Il ressort aussi souvent un langage hermétique.
On est donc bien face à des clichés car la réalité est toute autre : la moyenne d’âge a considérablement baissé, plus de la moitié des notaires sont des femmes, on constate une véritable diversité des tâches, les outils utilisés sont poussés dans leur aspect technologique, le souci de pédagogie du droit anime le professionnel du notariat. Il y a également une diversité de situations, loin de l’image du notaire notable, grâce au maillage territorial dont fait preuve le notariat.
L’imaginaire collectif se construit sur la base de représentations qui changent mais lentement. Il y a également une méconnaissance du métier, lequel n’est pas non plus très accessible car profession intellectuelle et dont les activités se passent en coulisses. Ce sont des stéréotypes qui agrègent des représentations qui renvoient à la position du notaire qui est historiquement un notable exerçant une position économique importante. »
Ainsi malgré l’image du notaire véhiculée par ces médias, les différents intervenants ont rappelé à quel point les métiers du notariat sont des métiers profondément humains, qui participent à tous les stades de la vie des Français, à contre-courant de l’immédiateté actuelle.
Comment rendre plus attractif le notariat ?
Suivant l’ordre logique de la réflexion sur ce débat, Mustapha Mekki a ensuite abordé les questions du « Pourquoi ? » et du « Comment ? » : Pourquoi une image aussi « vieillotte » et comment rétablir la vérité sur une profession qui se conçoit comme « moderne » ?
Barbara Thomas-David, notaire et présidente de la Commission Communication à la chambre des notaires de Paris, a souligné que l’ensemble des interventions mettait en avant la place du notaire dans la société en tant que « témoin clé des moments importants dans notre vie ». Elle a ajouté que les résultats des nombreuses enquêtes faites auprès des Français sur l’image du notaire montraient « le notaire se bat à longueur de temps pour qu’on véhicule une image moderne de quelqu’un qui est ancré dans son époque. Or le défaut est que le notaire a toujours voulu parler de lui. »
Il y a la critique récurrente d’une profession « ennuyeuse », assimilée aux procédures, à la « paperasse ». L’inconscient collectif selon elle fait une « confusion entre la personne et sa fonction, son conseil. » La difficulté est donc de « conserver l’ADN du professionnel tout en véhiculant une image moderne tournée vers le client. » La communication actuelle des nouveaux médias rend plus compliqués les efforts pour faire cesser cette confusion et « rendre plus audible la profession après des jeunes. »
Benoit Renaud, directeur général de l’UNOFI a lui précisé l’importance des « relais d’opinion ». En effet, « pour mieux communiquer sur le notariat, il faut s’en servir. Il faut faire de la pédagogie auprès des médias sur réalité d’une étude, grâce à des porte-paroles du notariat pour accentuer la présence des notaires. » Il a critiqué « la pudeur » des notaires lorsqu’il s’agit d’aller sur les plateaux TV pour parler d’une thématique entrant de plein pied dans un domaine d’expertise du notaire.
Une critique des professionnels présents à l’encontre des médias a également porté sur la prévalence de la figure de l’avocat comme représentant ultime de l’homme de loi dans les séries américaines, diffusées en masse sur les chaînes françaises. Or la différence de système juridique entre le droit anglo-saxon et le droit français de nature continentale est ici en défaveur du notaire, « magistrat de l’amiable » comme le souligne Barbara Thomas-David, qui n’existe pas dans les pays anglo-saxons.
Quelle issue alors pour redorer le blason du notaire ? Sur le fond, selon la présidente de la commission Communication, « il faut prendre un virage de manière intelligente en mettant le client au centre de la communication du notaire. Le notaire est une personne humaine, empathique, et qui comprend les problématiques du territoire où il se trouve. » Sur la forme, « on s’est empêchés de communiquer, il faut donc savoir communiquer avec les moyens de notre époque pour atteindre les jeunes. »
Mustapha Mekki, directeur général de l’INFN est intervenu pour parler de l’importance du « travail de sensibilisation » à faire auprès des jeunes, débuté cette année par le concours de court-métrage organisé par l’école. La modernisation de l’image du notariat passe aussi par la formation pour faire évoluer le métier de notaire. Dans cette optique, des cours de médiation, de management, doivent permettre aux étudiants d’apprendre une nouvelle méthode pour aborder différemment (et mieux ?) leur pratique professionnelle.
Simon Brenot pour la rédaction du Village des Notaires