Centré cette fois sur le droit international privé, matière dont la complexité technique n’a d’égal que l’importance pratique, le colloque de cette année se voulait à l’image des préoccupations actuelles du notariat : dans un contexte de mobilité croissante, la multiplication devant les notaires de situations présentant des éléments d’extranéité est une réalité qui a été rappelée lors du discours d’ouverture.
Devant cet état de fait, il appartient donc aux notaires de ne pas négliger les règles de droit international, et de proposer à leurs clients concernés des solutions de planification patrimoniale les intégrant pleinement.
Pour répondre aux questions essentielles sous-entendues par ce thème, il a été fait appel à de prestigieux intervenants :
- Maître Bertrand SAVOURE, notaire associé au sein du groupe Althémis, spécialisé dans la planification successorale dans un contexte international et président de ce colloque, a pris la parole sur les donations et testaments ;
- Maître Christina MELADY et Maître Orianne ACHERITEGUY, avocates associées au sein du cabinet Deloitte Société d’Avocats et spécialisées en fiscalité patrimoniale ont abordé le mécanisme du trust et le sort en France de ce dispositif étranger ;
- Maitre Richard CRONE, notaire consultant pour l’étude Lacourte et Associés, chargé d’enseignement en droit international privé a lui discuté des lois applicables aux régimes matrimoniaux.
La reconnaissance et le sort des trusts étrangers en France
Après un rappel du mécanisme du trust et de son cadre fiscal français [2], Maîtres ACHERITEGUY et MELADY se sont attachées à faire une dissection du régime fiscal des trusts, tant aux États-Unis qu’en France, dont nous ne pourrons ici faire qu’un résumé des éléments les plus essentiels pour la pratique notariale.
Tout d’abord, sur la validité en France du trust établi à l’étranger : ce dernier ne produit ses effets que s’il a été valablement constitué dans son pays de constitution et dans les limites posées par l’ordre public français, notamment le respect de la réserve héréditaire.
L’insertion de biens situés en France dans un trust est également un des points importants soulevés au cours de la présentation : si le trust a disparu lors du décès du constituant, alors les biens seront intégrés à la déclaration de succession. À l’inverse, si le trust survit à son constituant, la transmission des biens hors du trust donnera lieu à une imposition selon le lien de parenté unissant le constituant au bénéficiaire, tandis que la conservation des biens dans le trust entraînera une taxation à 60 % [3].
Mais les intervenantes se sont voulues rassurantes : si le notaire n’est pas nécessairement au fait des moindres aspects fiscaux étrangers applicables au trust de son client, il reste néanmoins tenu d’en connaître les implications fiscales françaises.
L’efficacité des testaments et donations dans un contexte international
Maître SAVOURE est intervenu quant à lui au sujet d’un mode de transmission plus classique pour le droit français : les libéralités. Il est d’abord revenu sur les lois applicables aux donations, qu’il est nécessaire de maîtriser pour assurer la validité de ces actes passés en France. Il a également attiré l’attention de son audience sur l’exigence, fréquente en pratique, tenant à la réception par un agent local des actes portants sur des biens immobiliers.
S’attardant sur la donation-partage, il a rappelé sa soumission au Règlement européen sur les successions, qui la qualifie de pacte successoral. Ainsi, à défaut de choix, la validité et les effets de cette dernière est dépendante de la loi applicable à la succession du donateur lors de la conclusion de l’acte [4]. Prévoir un choix de loi dans l’acte pour faire coïncider la loi applicable à l’acte et à la succession permet ainsi de s’assurer qu’il produira ses effets au décès.
Le président du colloque s’est également rapporté aux conventions fiscales applicables en la matière, qu’il est nécessaire d’envisager avant toute transmission en ce qu’elles peuvent tant constituer un instrument d’optimisation fiscale qu’un risque de double imposition.
Dans la seconde partie de son exposé portant sur les testaments, Maître SAVOURE s’est notamment penché sur les exécuteurs testamentaires : lorsque l’on est hors du champ d’application du Règlement successions [5], l’enjeu se retrouve dans les pouvoirs qui leurs sont attribués, car généralement plus étendus à l’étranger. Il appartient alors au notaire de conseiller une limitation précise des pouvoir conférés à l’exécuteur, en évitant toute référence au Code civil français pouvant entraîner un choix de loi tacite.
Les régimes matrimoniaux à l’épreuve de la mobilité
Après un rappel historique des solutions applicables aux mariages conclus avant le 29 janvier 2019, Maître CRONE s’est focalisé sur le règlement européen [6]. Si les époux conservent aujourd’hui la possibilité de choisir la loi applicable à leur union, l’absence de choix n’est désormais plus sanctionnée par un changement automatique de la loi applicable [7], il conviendra néanmoins d’attirer l’attention des époux concernés sur la loi applicable à défaut de choix. Son propos s’est notamment terminé sur l’évocation de la très discutée réforme instaurant un droit de prélèvement compensatoire aux enfants déshérités du fait de l’application d’une loi étrangère [8].
Enfin, la conférence s’est close en laissant la part belle à la philanthropie : en considération du contexte politique, l’intermaster a tenu à apporter son soutien aux populations ukrainiennes. Un appel aux dons au profit de la Croix-Rouge du Val-de-Marne a donc permis, à l’issue de cet évènement, de lever des fonds permettant l’accueil de familles ayant traversé l’Europe pour fuir le conflit.
La soirée s’est ensuite poursuivie par un cocktail autour duquel ont pu se retrouver intervenants, étudiants, notaires et partenaires, dans un moment d’échange sonnant comme d’attendues retrouvailles dans un contexte de sortie de crise sanitaire.
Louis Girard
Master 2 Droit notarial de l’Université Paris Dauphine
Notes :
[1] Des universités de la Sorbonne, Assas, Descartes, Dauphine, Nanterre, Saclay et Créteil
[2] CGI, art. 792-0 bis, introduit par la loi du 29 juillet 2011.
[3] Ibidem.
[4] Règl. (UE) n° 650/2012 de la Commission du 4 juillet 2012, art. 25.
[5] Règl. (UE) n° 650/2012 de la Commission du 4 juillet 2012, art. 23.
[6] Règl. (UE) n° 650/2012 de la Commission du 4 juillet 2012.
[7] Conv. La Haye, 14 mars 1978, sur les régimes matrimoniaux, art. 7.
[8] C. civ., art. 913.