- Source : site Médiateur du Notariat
Village des Notaires : Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste la médiation notariale et quels sont ses avantages ?
Christian Lefebvre : La médiation de la consommation permet à des consommateurs, les clients, de bénéficier d’une tentative de résolution amiable lorsqu’ils sont en conflit avec un professionnel, le notaire. Ce processus, provenant d’une Directive européenne transposée en droit français en 2015, est devenu obligatoire pour toutes les professions, sauf les professions médicales et celles de l’enseignement supérieur, depuis 2016 et le notariat, malgré son statut spécifique, n’y échappe pas pour la totalité de son activité et non pas seulement pour la partie non réglementée et non tarifée.
De nombreuses situations conflictuelles ou apparemment conflictuelles, souvent fondées sur une incompréhension ou un défaut de communication, sont susceptibles d’être réglées lorsqu’un tiers, neutre et impartial, le médiateur de la consommation, lequel favorise le rétablissement du dialogue entre les intéressés. Cette démarche, libre et volontaire, permet d’éviter des ressentiments et l’usage, alors, des autres voies de recours contraignantes en vigueur dans la profession que sont la réclamation au président de la Chambre des notaires, voire la plainte auprès du procureur de la République siégeant auprès du tribunal judiciaire dans le ressort duquel exerce le notaire.
« Cette démarche est rapide, confidentielles, gratuite pour le client et pour le notaire et est gérée par un médiateur indépendant, neutre. »
Cette démarche est rapide, gratuite pour le client et pour le notaire et est gérée par un médiateur indépendant, neutre et qui a l’avantage de connaître la profession et les caractéristiques techniques de son activité. Par ailleurs, c’est un processus confidentiel. Ce qui s’y échange ne peut ultérieurement être divulgué par les parties devant une autre instance.
Contrairement à la médiation conventionnelle ou judiciaire au cours desquelles la fonction du médiateur consiste à faire en sorte qu’avec son aide, les parties trouvent elles-mêmes la solution convenant à chacune pour mettre un terme à leur conflit, la médiation de la consommation se rapproche du processus de la conciliation. En effet, au terme de la démarche, le médiateur de la consommation est amené à établir une proposition de médiation soumise à chacune des deux parties qui peuvent librement l’accepter ou la refuser. Par ailleurs, le médiateur de la consommation peut être amené à établir des avis d’ordre général et objectif lorsqu’il est sollicité fréquemment sur le même sujet. Ces avis sont destinés à la profession elle-même afin qu’elle en intègre les conclusions dans sa propre déontologie et ses bonnes manières de faire.
VN : En cas de différend entre un notaire et l’un de ses clients, ce dernier peut saisir soit la Chambre des notaires compétente, soit le Médiateur du notariat. Comment s’articulent ces mécanismes ?
C.L : Le client dans cette situation a le choix entre la tentative de démarche amiable, celle de la médiation, et la démarche plus contraignante, celle de la réclamation au président de la Chambre des notaires. Si la Chambre des notaires a été saisie avant le Médiateur du notariat, ce dernier ne peut plus accueillir la demande du client. Le code de la consommation prescrit, en effet, que le médiateur de la consommation ne peut être saisi par un client lorsqu’un autre médiateur ou un tribunal a déjà été ou est saisi pour la même cause. Compte tenu de son pouvoir disciplinaire, la Chambre des notaires y est assimilée. En revanche, le client peut commencer par s’adresser au Médiateur du notariat puis, faute d’obtenir satisfaction ou parce que le notaire refuserait de participer au processus de médiation, s’adresser ensuite à la Chambre des notaires.
« Le client dans cette situation a le choix entre la tentative de démarche amiable, celle de la médiation, et la démarche plus contraignante, celle de la réclamation. »
Il arrive de plus en plus fréquemment que des Chambres des notaires, lorsqu’elles estiment que la réclamation du client pourrait trouver une issue favorable par le biais de la médiation, lui recommandent de s’adresser d’abord au Médiateur du notariat et lui en donnent les coordonnées pour le saisir.
Inversement lorsque la demande du client n’est pas recevable pour une des causes exprimées dans le code de la consommation (la plus fréquente étant la demande faite au notaire depuis plus d’un an) ou parce que le notaire refuse de participer au processus de médiation, le Médiateur du notariat recommande au client de s’adresser à la Chambre des notaires et lui en communique les coordonnées.
Un autre aspect peut influencer le client dans son choix initial : le médiateur de la consommation ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte ni même d’incitation sur le professionnel alors que la Chambre des notaires, en charge de la discipline des notaires, peut intervenir efficacement.
En revanche, la proposition qui sera émise par le médiateur au terme du processus de médiation peut conforter le client ou le notaire dans leur position.
VN : Quelles sont les tendances qui se dessinent en matière de médiation notariale (chiffres, principaux domaines, etc.) ? Avez-vous constaté une évolution particulière au cours de l’année 2020 ?
C.L : La médiation de la consommation dans le notariat, comme en général dans la société, est en développement constant. Lors de la première année d’exercice de la fonction 1078 demandes me sont parvenues, 1400 exactement la deuxième année et en 2020 ce furent 1603 saisines, soit une augmentation de 50% en deux ans. Un certain nombre de situations, un peu plus de 10%, peuvent être réglées par un entretien du médiateur avec le client ou le notaire avant même la mise en œuvre du processus de médiation.
Un nombre appréciable de notaires font savoir, en le motivant ou non, qu’ils n’entendent pas participer à la médiation sollicitée. La raison en est le plus souvent que, confondant à tort le fait d’accepter de participer au processus et une reconnaissance de responsabilité, et ne se sentant pas responsables de la situation, ils préfèrent ne pas avoir à participer à un débat à ce sujet.
Ce qui est beaucoup plus critiquable est le nombre de notaires qui refusent tacitement de participer au processus en ne répondant pas à mon interpellation sur leur accord ou non d’y participer et en persistant dans leur silence après un rappel. Il s’agit d’une attitude indigne de la fonction, incompréhensible pour les clients, néfaste pour la réputation de la profession et qui est fustigée par la commission de contrôle de la médiation de la consommation faisant remonter la critique au ministère concerné. Ils étaient 246 dans ce cas en 2020.
« Les clients des notaires auxquels ils viennent se confier ou auxquels ils sont obligés de s’adresser pour parvenir à un résultat donné ont besoin d’empathie de leur part. »
Ce sont dans les domaines de prédilection de l’activité notariale que se développent le plus les demandes de médiation : les successions et le traitement de l’immobilier dans tous ses aspects. Les causes les plus fréquentes sont d’abord le défaut de réponses aux clients de la part des études malgré parfois de nombreuses relances par courriel, téléphone ou courriers souvent recommandés. Ce mutisme des études est souvent pris par les clients pour du mépris ou de l’abandon. Puis vient le défaut de renseignements et de conseils dans des dossiers dont la technique échappe naturellement aux clients. Également, dans les dossiers conflictuels comme le sont, par exemple, ceux de divorce ou de successions difficiles, il est souvent reproché au notaire son manque de neutralité et d’objectivité et un parti-pris pour tel ou tel intéressé.
Les clients des notaires auxquels ils viennent se confier ou auxquels ils sont obligés de s’adresser pour parvenir à un résultat donné ont besoin d’empathie de leur part.
Si l’on considère les propositions de médiations acceptées par les deux parties et les situations réglées par le médiateur avant l’émission de la proposition, le taux de réussite est de l’ordre de 75% correspondant au taux moyen de réussite des médiations, tous domaines confondus ce qui est très appréciable.
VN : La médiation notariale est un mécanisme encore assez peu connu. Quelles sont selon vous les principaux freins en la matière ? Quelles sont les pistes à explorer pour encourager l’utilisation de la médiation ?
C.L : La médiation de la consommation est un phénomène encore assez récent. Cependant l’obligation faite aux professionnels de faire connaître à leurs clients l’existence de ce mode de tentative de résolution des conflits et le « bouche-à -oreille » contribuent sensiblement à le faire connaître de plus en plus. Preuve en est l’augmentation sensible du nombre de saisines que l’on observe auprès de nombre de médiateurs institutionnels ou médiateurs de branches professionnelles.
Les notaires ont l’obligation de faire connaître « par tous moyens lisibles » à leurs clients cette possibilité de recours : mention sur le site internet de l’étude, affichette dans la salle d’attente, mention en bas de page du papier à en-tête… à peine d’une amende administrative de 3 000€ pour un notaire individuel ou de 15 000€ pour une société de notaires.
« Le Médiateur du notariat est indépendant vis-à-vis des instances de la profession. »
La médiatisation de la médiation de la consommation au sein de la profession est assumée par les revues professionnelles et les circulaires du Conseil Supérieur du Notariat. Cependant le Médiateur du notariat est indépendant vis-à-vis des instances de la profession. Le Médiateur du notariat est à la disposition des Chambres des notaires pour intervenir au cours des Assemblées Générales afin de présenter cette pratique assez nouvelle et parfois méconnue dans la profession malgré la communication dont elle a fait et fait l’objet.
Les associations de consommateurs sont de plus en plus sensibilisées à cette pratique et recommandent de plus en plus à leurs adhérents de saisir le médiateur lorsqu’il y a lieu à moins qu’elles n’agissent elles-mêmes comme mandataires de ceux qui les sollicitent.
Il faut déplorer le trop grand nombre de notaires qui refusent de participer à la médiation sollicitée par leurs clients. Non seulement cette attitude favorise une mauvaise réputation pour la profession mais elle est souvent injustifiée car les notaires trouvent leur avantage à accepter de participer à une médiation qui permet, avec un taux de réussite très appréciable, de les réconcilier avec les clients concernés et de mettre un terme à des situations fréquemment faussées par manque d’échanges ou de conseils.
Par ailleurs, comme indiqué précédemment, certains notaires pensent, à tort, que le fait d’accepter de participer à la démarche de médiation correspond, pour eux, à une reconnaissance de responsabilité. C’est une erreur car la médiation peut leur permettre de voir leur position confortée par la proposition de médiation élaborée par le médiateur. S’ils ont un doute à cet égard, il leur est recommandé, avant d’accepter ou de refuser de participer à la démarche sollicitée par le client, de se rapprocher de l’assureur de la profession pour recueillir son avis.
En tout état de cause lorsque le médiateur est saisi d’une demande par un client et que cette demande est recevable au regard des dispositions réglementaires, il est tenu de la faire suivre objectivement au notaire sans l’influencer.
Il arrive néanmoins fréquemment que le médiateur s’aperçoive que la demande du client est fondée sur une simple incompréhension ou sur un défaut de conseil élémentaire. Il contacte alors le client par téléphone ou par courriel et résout la situation sans délai et sans ingérence dans le dossier géré par le notaire.
Le site du Médiateur du notariat est accessible ici.
Propos recueillis par Simon Brenot pour la Rédaction du Village des Notaires