Quai des Notaires a récemment développé un coffre-fort numérique : comment avez-vous conçu cet outil ?
Notre coffre-fort numérique est une vraie innovation, parce que au-delà d’être extrêmement sécurisé et hébergé en France, il va permettre à l’utilisateur de faire certifier un document dans la blockchain. C’est la première application opérationnelle de la blockchain en lien avec un notaire en France, et c’est surtout un nouveau service que le notaire peut offrir à ses clients, sans que cela ne lui coûte rien. Nombreux sont les confrères qui doivent accompagner des clients souhaitant par exemple préparer leur succession, déposer des documents ou des dernières volontés. Aujourd’hui cet outil permet de déposer toutes informations dans un lieu sécurisé en indiquant le nom de son notaire, et le nom des proches qui pourront y accéder. Nous avons également inséré un simulateur qui permet aux particuliers de simuler les droits de succession, ce qui permet par exemple d’être plus averti sur l’intérêt d’une donation.
C’est dans le cadre de questions successorales que les clients ont fait la demande d’un tel service. Mais il est possible d’y stocker tous types de documents ou d’informations confidentielles, comme des contrats de travail, des fiches de paie, des factures, que l’on soit un particulier ou une entreprise.
Dans le cadre de cette innovation, comment avez-vous appréhender la question de la blockchain ?
La blockchain reste, pour les particuliers comme pour beaucoup de professionnels, encore nébuleuse. Pourtant, dans son application, on peut aussi constater que c’est un outil remarquable pour certifier la date ou l’existence d’un document. Mais l’on peut enregistrer dans la blockchain un document complètement faux, et qui n’est pas sécurisé sur le plan juridique. C’est pour cette raison qu’il est intéressant de la combiner à l’expertise du notaire, et que ce dernier a un intérêt à s’en emparer : il peut offrir un outil plus rapide et moins cher, tout en apportant sa sécurité juridique. En quelques minutes, on peut disposer d’une preuve.
La difficulté avec cette technologie est de pouvoir certifier des actes avec des annexes d’un gros volume. Nous avons donc opté pour la technologie blockchain la plus avancée sur le marché, qui permet de protéger un document de 200 pages par exemple, et d’obtenir néanmoins un certificat et un enregistrement blockchain en quelques minutes.
Quelles autres innovations avez-vous mis en place récemment ?
La seconde innovation que nous avons mis en place est une réponse aux problématiques soulevées notamment par les notaires des communes semi-rurales ou rurales, concernant des actes simples ou des ventes à petits prix. Pour pouvoir gagner du temps, ils nous ont en effet demandé si nous ne pouvions pas générer un avant-contrat pour sceller l’accord des parties sur de petits actes. Nous avons donc travaillé pour mettre en place un outil qui permet de le générer automatiquement : on peut saisir en quelques minutes l’identité du vendeur, de l’ acquéreur et l’adresse du bien, et l’acquéreur va répondre à quelques questions dans un questionnaire fluide. Nous allons ensuite générer les formalités préalables, et un avant-contrat qui est envoyé aux parties de manière sécurisée, avec le niveau de signature électronique requis par le Conseil supérieur du Notariat.
Nous avons également lancé l’envoi et la récupération des demandes d’état civil de manière automatique, et nous allons aussi démarrer l’automatisation du COMEDEC, des casiers judiciaires et les télé-réquisition.
Vous étiez présent à Bruxelles pour le Congrès 2019 : sa dimension internationale vous a-t-elle particulièrement intéressé ?
Les notaires belges comme français ont des problématiques qui appellent des solutions nouvelles. Et il est vrai que les notaires belges s’intéressent aux solutions que nous avons développés et sont demandeurs de solutions similaires. Je pense que les problématiques de la digitalisation sont les mêmes en Europe. Bien sûr, la difficulté est accrue puisque les bases de données françaises ne sont pas les mêmes que les bases d’autres pays européens, et tout le monde n’a pas les mêmes niveaux d’avancée en terme de digitalisation. En France, la digitalisation de manière générale des bases de données a été considérablement accélérée. Et tous les pays d’Europe n’ont pas cette avancée. L’ouverture de ce Congrès à Bruxelles montre donc deux choses : d’abord que le notariat français est vraiment précurseur, innovant et ouvert, et que les problématiques que l’on rencontre en France dans le notariat sont les mêmes que nos voisins européens.
Propos recueillis par Clarisse Andry
Interview initialement publiée dans le Journal du Village des Notaires n°77