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Transformations climatiques, catastrophes naturelles et rachat de biens immobiliers par l'État

Transformations climatiques, catastrophes naturelles et rachat de biens immobiliers par l’État

À la suite des inondations récentes et aux déclarations du Ministre de la transition écologique M. Béchu, le fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs, dit « Fonds Barnier », a été mobilisé pour sortir d’une mauvaise passe les propriétaires souhaitant se séparer de leurs biens menacés par les crues.
Cet article traitera des conditions permettant l’acquisition potentielle d’un bien immobilier par l’État, ne seront donc abordées que les dispositions relatives à cette thématique. Notons toutefois que le Fonds Barnier permet également la prise en charge de plusieurs expertises et études, réalisation de schémas de prévention territoriale ou encore de travaux spécifiques (L. 561-3-1-5 et L. 561-3-2-1 ; 2 ; 3).

Le Fonds Barnier, créé par la loi 95-101 du 2 février 1995 [1] avait pour but initial de financer les indemnités d’expropriation de biens exposés à un risque naturel. Désormais, il est surtout la principale source de financement de la politique nationale de prévention des risques naturels. Toutes les mesures finançables par ce fonds sont définies par l’article L. 561-3 du code de l’environnement [2].
À noter également que toutes les modalités d’application de l’article L. 561-3 sont fixées par décret.

I. Les conditions cumulatives relatives à une acquisition amiable

Deux situations sont à distinguer dans le cadre d’une acquisition amiable financée par le Fonds Barnier : l’acquisition d’un bien exposé à un risque naturel majeur et l’acquisition d’un bien sinistré, par une catastrophe naturelle, à plus de cinquante pourcent de sa valeur vénale.

Dans les deux cas, l’acquisition d’un bien par l’État est exceptionnelle. Les acquisitions effectuées par une commune, un groupement ou un établissement public foncier sont au contraire encouragées.

A. L’acquisition d’un bien exposé à un risque naturel majeur

Le bien concerné doit dans un premier temps être couvert par un contrat d’assurance contenant la garantie « Catnat » (L.125-1 du code des assurances). Il doit également être situé dans une zone exposée à un aléa naturel menaçant de manière suffisamment grave la vie humaine.

La menace grave est précisée à l’article R. 561-2 et répond à deux critères : des circonstances de temps et de lieu dans lesquelles le phénomène peut survenir ainsi qu’une évaluation des délais nécessaires à l’information et l’évacuation des populations concernées.
La menace grave est ainsi déterminée par analyse de l’intensité du phénomène et la vulnérabilité des biens concernés.

Contrairement à l’acquisition d’un bien sinistré, tous les aléas naturels ne sont pas admis. Ainsi, sont éligibles les biens exposés à des mouvements de terrain, des affaissements ou effondrements, avalanches, crues torrentielles ou montée rapide des eaux, submersion marine. Sont exclus les aléas relatifs à l’érosion du trait de côte, les crues à montée lente, le gonflement des argiles ou encore les risques résultant d’une exploitation minière.

Enfin, les moyens de sauvegarde et de protection doivent être plus coûteux que le montant de l’indemnité d’acquisition. Dans le cas contraire, c’est cette solution qui sera privilégiée.

B. L’acquisition d’un bien sinistré, par une catastrophe naturelle, à plus de 50 % de sa valeur vénale

Pour se prévaloir de ce mécanisme, plusieurs conditions cumulatives, énoncées aux articles L. 561-3-I et D. 561-12-1 du code de l’environnement sont nécessaires. Dans un premier temps, un arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle doit être prononcé par les autorités compétentes pour la zone du bien concerné. Celui-ci doit être édité dans un délai de 24 mois maximum après survenance de ladite catastrophe (L. 125-1).

De plus, ce même bien doit être à usage d’habitation ou utilisé dans le cadre d’une activité professionnelle employant moins de 20 salariés.
Il doit avoir été déclaré sinistré et indemnisé en tant que tel, à plus de la moitié de sa valeur vénale initiale, en application de l’article L.125-2 du code des assurances.

Comme dit précédemment, tout risque naturel majeur est admis, à l’exception du gonflement des argiles, l’érosion du trait de côte ainsi que les risques résultant d’une exploitation minière.

Cette mesure se combine au dispositif assurantiel et intervient postérieurement à la survenance du sinistre.

II. Le montant de l’acquisition amiable

Dans les deux situations, l’indemnité est calculée selon les mêmes facteurs. Dans le cas d’une acquisition amiable d’un bien exposé, l’indemnisation se porte à 100 % de la valeur du bien tandis que dans le cas d’une acquisition d’un bien sinistré à plus de 50 % de sa valeur vénale, elle se porte à 100 % de la dépense non indemnisée par la garantie Catnat. À noter que s’applique, dans le cas d’une acquisition d’un bien sinistré, un plafond maximal de 240 000€ par bien.

Ainsi, un bien sinistré d’une valeur de 500 000€, indemnisé par la garantie Catnat à hauteur de 250 000€, pourra faire l’objet d’une acquisition amiable financée par le Fonds à hauteur de 240 000€. Les 10 000€ restants seront à considérer comme de la perte nette pour le propriétaire.

D’abord, est prise en compte l’indemnité principale correspondant à la valeur vénale du bien (sans prise en compte de l’existence du risque).
Peut s’y ajouter une indemnité de remploi, établie en proportion du montant de l’indemnité principale, et représentant le montant des frais et droits dont doit s’acquitter le vendeur pour reconstituer son patrimoine en nature.

III. La procédure à suivre pour les propriétaires souhaitant bénéficier d’une acquisition amiable

L’instruction du dossier de subvention relève d’une compétence préfectorale. Ainsi, toute demande de subvention, nécessite l’édiction d’un dossier auprès de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer - Unité Prévention des Risques, procédure aujourd’hui simplifiée par dématérialisation.

Il est nécessaire pour le propriétaire de faire estimer - sans tenir compte du caractère inondable du bien - le bien par un notaire ou une agence, et récupérer, dans le cadre d’une procédure relative à un bien sinistré et indemnisé comme tel, une attestation précisant le montant des dommages et de l’indemnisation perçue par l’assurance.
Le propriétaire doit également joindre à son dossier l’attestation d’assurance précisant que son bien est assuré au titre de la garantie Catnat.

L’éligibilité sera confirmée par l’évaluation du bien par le service des domaines.

IV. Le dernier recours : l’expropriation forcée

Dans le cas d’un bien non couvert, d’un propriétaire refusant l’acquisition amiable ou dans certaines autres situations complexes, l’expropriation peut être financée par le Fonds [3]. Elle doit néanmoins faire l’objet d’une procédure relativement stricte car elle est avant tout une solution de dernier recours. Une demande d’expropriation doit être effectuée, et une déclaration d’utilité publique doit être éditée (nécessairement précédée d’une enquête publique préalable). Le montant de l’expropriation est déterminé par le juge de l’expropriation, saisi par le préfet.

Le propriétaire peut faire appel de l’ordonnance d’expropriation dans un délai de 1 mois après notification (article R. 12-5-6 du code de l’expropriation) ou contester dans un délai de deux mois la décision définitive du juge (article R. 223-3). Si la décision est suffisamment motivée, il sera difficile pour le propriétaire de conserver son bien.

V. Conséquences légales après l’acquisition d’une propriété

Une fois acquis par l’intermédiaire du Fonds, le bien est placé dans le domaine privé de l’entité publique acquéreur. En effet, il est utile de rappeler qu’un bien ne peut être placé dans le domaine public que s’il est la propriété d’une personne publique et s’il est affecté à l’utilité publique ou à un service public [4]. En l’espèce, l’acquisition poursuit l’objectif d’écarter une menace grave à la vie et ne possède donc aucune affection spécifique à l’utilité publique.

Enfin, la personne publique doit, en application des dispositions des articles L. 561-3 et D. 562-12-1 du code de l’environnement, prendre toutes les mesures nécessaires pour limiter l’accès et empêcher toute occupation dudit bien. Le Fonds peut néanmoins être utilisé par la personne publique pour financer les dépenses liées à ces mesures ou à une démolition ou à l’entretien du bien.

En vertu de l’article D. 561-12-1, l’inconstructibilité du terrain doit être déclarée dans un délai de 3 ans. La personne publique peut utiliser pour cela un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou une décision d’urbanisme émise par l’autorité compétente.

Article initialement publié sur le Village de la Justice.

Notes :

[1Loi 95-101 du 2 février 1995, version en vigueur au 19 juin 2024.

[2Article L.561-3 du code de l’environnement, version en vigueur depuis le 31 décembre 2023.

[3Article R561-1, version en vigueur depuis le 16 octobre 2007.

[4Article L2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, version en vigueur depuis le 1er juillet 2006.

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