Le baromètre de la Fondation Abbé Pierre montre un respect accru de la loi avec des points de tension persistants
La Fondation Abbé Pierre a publié en octobre 2023 son troisième baromètre annuel de l’encadrement des loyers en octobre 2023.
L’analyse de plus 25 000 annonces de locations collectées dans l’ensemble des zones dites tendues montre que le respect de l’encadrement des loyers progresse sur le territoire. À Paris par exemple, 28% des annonces locatives sont non-conformes à l’encadrement des loyers en 2022, contre 35% en 2020. Pour la France, le taux de non-conformité est de 30%.
La base de données "encadrement des loyers" permet de déterminer, pour chaque annonce locative publiée en ligne, si celle-ci dépasse le plafond de loyer en vigueur. C’est le futur locataire qui saisit l’ensemble des caractéristiques de l’annonce dans le logiciel et ce dernier détermine si l’annonce est conforme ou non à l’encadrement des loyers. Le baromètre de la Fondation Abbé Pierre propose ainsi une analyse statistique détaillée qui permet de mesurer, année après année, le taux de respect de l’encadrement et encourage les bailleurs à mieux respecter la loi.
Même si la situation s’améliore globalement, la loi reste très mal appliquée pour les petites surfaces (inférieures à 20 m2), puisque plus de 70% des annonces présentent des dépassements de loyers et sont non-conformes. Le dépassement moyen de loyer, toutes surfaces confondues, est de 237 euros à Paris contre 198 euros au niveau national. Dans les meublés au niveau national, 41% des annonces sont non-conformes contre 30% pour les locations nues. Enfin, le taux de dépassement varie fortement entre 18% et 52% selon la plateforme utilisée pour publier l’annonce. Pour l’instant, peu de locataires font valoir leurs droits, puisque le nombre de saisines des commissions départementales de conciliation (CDC) par les locataires lésés reste faible (454 signalements entre juillet 2019 et juillet 2022 à Paris).
Mécanisme d’indexation annuelle du loyer basé sur l’Indice de Revalorisation des Loyers (IRL)
Chaque année à sa date anniversaire, si le bail le prévoit, un propriétaire peut augmenter le montant du loyer selon l’évolution de la valeur de l’IRL, constatée par rapport à sa valeur de l’année précédente.
L’IRL est utilisé pour réviser les loyers des logements vides ou meublés. Il est calculé et publié chaque trimestre par l’Insee.
Au deuxième trimestre 2023, l’IRL s’établit ainsi à 140,59.
Actuellement, deux grandes mesures contribuent à la protection du pouvoir d’achat des locataires grâce à un mécanisme de plafonnement des loyers :
- durant le bail, avec une indexation limitée du loyer ;
- à l’échéance du bail, avec un mécanisme limitant la hausse du loyer entre deux relocations.
Bouclier loyer : revalorisation annuelle limitée à 3,5%
Pour limiter l’impact de l’inflation sur le budget des ménages, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat prévoyait certaines mesures, dont la mise en place d’un « bouclier loyer ».
Ce bouclier, destiné à plafonner la hausse annuelle des loyers à 3,5% maximum, a été mis en place depuis mi-2022, pour une durée d’un an, jusqu’au 30 juin 2023. En Outre-mer et en Corse, la hausse avait été respectivement limitée à 2,5% et à 2%.
Lors de la discussion parlementaire, il avait été estimé que la stricte application de la revalorisation aurait conduit à des hausses de loyers entre 5 et 7%. Certains parlementaires avaient même demandé un gel pur et simple.
Cette décision politique, même si elle était justifiée socialement, a conduit à ne pas appliquer strictement le droit des contrats, ce qui peut susciter des questions…
Prorogation de la mesure jusqu’au premier trimestre 2024
En juin 2023, avec une inflation qui se maintient à haut niveau, les parlementaires décident en urgence de prolonger par la loi n° 2023-568 du 7 juillet 2023 le bouclier loyer voté en 2022.
Le contexte était exactement le même : en effet, l’application de la revalorisation liée à l’IRL déplafonné aurait conduit à des hausses de loyers supérieures à 5%.
Les députés ont voté la reconduction pour un an du plafonnement de la hausse des loyers à 3,5% jusqu’au premier trimestre 2024.
En Outre-mer et en Corse, la mesure est également reconduite jusqu’au 1er trimestre 2024 avec une hausse respective de 2,5% et à 2%.
Encadrement des loyers en zone tendue
Zones tendues
L’encadrement des loyers est un dispositif qui se limite géographiquement aux « zones tendues ».
La zone tendue, qui regroupe plusieurs communes, est définie comme :
« zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social » [1]
Pour le dire autrement, il s’agit d’un espace géographique dans lequel le nombre de biens proposés à la location est très inférieur au nombre de locataires potentiels y souhaitant établir leur résidence principale.
Il existe actuellement 28 zones tendues en France [2].
Un simulateur disponible sur Servicepublic.fr permet de savoir en un clic si un logement loué se situe en zone tendue ou non.
Plafonnement des loyers
L’encadrement (ou plafonnement) des loyers est une mesure fixant une borne supérieure au loyer qu’établit le propriétaire lors d’une relocation d’un logement loué avec un bail d’habitation (y compris bail mobilité).
La mesure a été instaurée par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Élan ».
À l’époque, le législateur souhaitait que ce dispositif soit expérimental et limité dans le temps à huit ans. L’encadrement des loyers n’est pas non plus automatique : ce sont les communes qui doivent en faire la demande à l’État avec des critères objectifs de tension du marché immobilier local. À Paris : la mesure expérimentale de plafonnement des loyers s’achèvera le 1er juillet 2024.
Un « loyer de référence » est calculé au m2 habitable et sert de borne haute pour le calcul du montant de loyer à la relocation.
Quatre critères servent à calculer le loyer de référence du bien loué :
- le secteur géographique dans lequel est situé le logement loué (14 secteurs à Paris) ;
- la date de construction du logement, divisée en 4 tranches qui détermine l’âge du logement (avant 1946, de 1946 à 1970, de 1971 à 1990 et depuis 1990) ;
- le type de location (vide ou meublée) ;
- le nombre de pièces du logement loué (1 pièce, 2 pièces, 3 pièces, 4 pièces et plus).
À noter : la mise en œuvre du plafonnement des loyers dépend de la constitution préalable d’un outil statistique performant basé sur le Big Data. Ce recensement permet de mesurer l’ensemble des loyers observés dans les zones concernées et d’objectiver le calcul des loyers de référence.
À Paris, l’Observatoire des Loyers de l’agglomération parisienne "OLAP" met en œuvre le recensement des loyers. Il existe des observatoires des loyers dans les zones tendues, mais aussi sur tout le territoire national.
Exceptions à la règle du plafonnement des loyers
Il existe quelques exceptions à la règle du plafonnement des loyers.
À noter : certains logements ne sont pas concernés par les règles d’encadrement des loyers. Il s’agit des logements soumis à la loi de 1948 ou conventionnés par l’Anah (hors conventions à loyer intermédiaire), des logements sociaux (HLM), des meublés de tourisme et des sous-locations.
1. Le loyer est fixé librement lorsqu’il s’agit d’un logement neuf ou d’un logement ancien qui est mis en location pour la première fois. C’est le cas également lorsque le logement est inoccupé par un locataire depuis plus de 18 mois, ou encore lorsque le logement a fait l’objet de travaux d’amélioration d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer, depuis moins de 6 mois.
2. Le loyer est encadré mais le nouveau loyer peut être supérieur à l’ancien. Ce cas de figure est observé lorsque le propriétaire réalise des travaux d’amélioration ou de mise en conformité en respectant les critères de décence attendus du logement.
Le montant des travaux doit être au moins égal à la moitié de la dernière année de loyers encaissés. Dans ce cas, le loyer peut être augmenté à raison de 15 % du coût réel des travaux.
3. Enfin, le loyer peut être supérieur à l’ancien si le propriétaire prouve que le loyer est sous-évalué. Pour le prouver, il doit faire valoir des références de voisinage. L’augmentation du loyer ne peut pas dépasser la moitié de la différence entre le montant moyen d’un loyer du voisinage et le dernier loyer appliqué au précédent locataire.
Notes :
[2] Liste des communes visées en annexe du D. n°2013-392, 10 mai 2013, modifié par D. n°
2023-822, 25 août 2023
Axel Masson
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)