La genèse de la mission sur le développement de l’amiable
Lorsque le ministre a lancé en janvier 2023 sa politique de l’amiable, son objectif était simple : « diviser par deux les délais de procédure civile d’ici à 2027 ».
Il avait ainsi fait le constat que « 60 % des décisions rendues par les tribunaux étaient des décisions civiles ». Selon lui, le développement de l’amiable a pour but de « favoriser une justice plus rapide et plus proche du citoyen ». L’objectif est clair, désengorger nos tribunaux.
Selon les propres termes du ministre, la réussite de ce projet implique « une révolution culturelle pour le monde judiciaire » français.
Le 26 mai 2023, le ministre procédait à l’installation des « ambassadeurs de l’amiable » dont la mission s’est étendue jusqu’en juin 2024 avec l’accompagnement et le soutien de la direction des affaires civiles et du sceau.
Parmi les treize ambassadeurs, Maître Edouard Grimond, porte-parole du Conseil supérieur du Notariat représentait la profession. Une année de travail accompagnée de nombreux déplacements et d’entretiens au sein des cours d’appel du pays ont été nécessaires aux ambassadeurs pour produire leur rapport.
Les treize « ambassadeurs de l’amiable » sont des personnalités qui ont été choisies pour leurs compétences et expertises. Elles sont toutes issues du monde du droit. L’interdisciplinarité était recherchée afin de développer les échanges autour du sujet et de faire remonter du terrain les meilleures pratiques.
Ce rapport fournit ainsi un état des lieux complet de la pratique actuelle de l’amiable des professionnels concernés et formule des « recommandations pour structurer, développer et pérenniser les modes amiables de résolution des différends ».
Les enseignements du rapport de l’amiable pour le Notariat
Le constat dressé par les ambassadeurs lors de leurs entretiens est que les notaires sont plus particulièrement concernés par les activités de médiation et de conciliation.
La conciliation
Le rapport indique que les notaires n’ont spontanément pas évoqué la conciliation lors de leurs échanges avec les ambassadeurs, même si dans la pratique, cette procédure fait partie intégrante de leur travail quotidien.
Ainsi, quelques conciliateurs de justice ont regretté « un manque de communication avec le notariat sur des thèmes ou des domaines où leur expertise est recherchée ».
Point positif mentionné dans le rapport, le notariat est « systématiquement représenté dans les cours d’appel ».
Les ambassadeurs ont noté que la profession montrait un vif intérêt pour le développement de la pratique de l’amiable.
La médiation
En ce qui concerne la médiation, les ambassadeurs ont noté que :
- l’activité des centres de médiation est en augmentation et concerne plus particulièrement la médiation judiciaire ;
- la médiation conventionnelle a plus de difficultés à prendre son essor ;
- actuellement, la plupart des dossiers de médiation concernent surtout le droit de la famille alors que le champ d’activités des notaires est très vaste.
Préconisations du rapport pour le Notariat
À l’issue de leurs échanges, les ambassadeurs ont formulé les propositions suivantes :
- créer un certificat de spécialisation « conseil en modes amiables de règlement des différends (MARD) » ou « conseil en médiation » ;
- développer dès la formation initiale les événements et formations interprofessionnels ;
- organiser un plan de communication interprofessionnelle ;
- promouvoir la mission de conciliateur auprès des notaires retraités ;
- promouvoir l’accès des notaires à la fonction de magistrat à titre temporaire (MTT) pour les audiences de règlement amiable ;
- généraliser les clauses de médiation obligatoire dans les actes authentiques ;
- construire un référentiel et un outil de statistiques commun à l’ensemble des acteurs de l’amiable.
Les suites de la mission
Structuration de la politique de l’amiable
Les ambassadeurs recommandent la création d’une délégation ministérielle au sein du ministère de la Justice qui aurait la responsabilité de la création et du pilotage de la politique de l’amiable, coordonnée avec toutes les juridictions et services concernés. Selon eux, la coordination est d’autant plus nécessaire qu’elle permettra d’« assurer l’égalité de tous les justiciables devant le service public de la justice sur l’ensemble du territoire ».
Les ambassadeurs notent que « les expériences menées dans les juridictions et les bonnes pratiques mises en place par des magistrats particulièrement mobilisés disparaissent lorsque les magistrats sont mutés ». Pour éviter ce phénomène, les ambassadeurs enfoncent le clou : « seule une direction de l’amiable peut impulser et coordonner efficacement toutes les actions menées en ce domaine par le ministère ».
La mission recommande aussi de :
- fixer une politique annuelle avec des objectifs chiffrés en pourcentage ou en nombre de dossiers suivant la nature des dossiers par ressort et juridiction ;
- créer une politique amiable interministérielle impliquant notamment le ministère de la Justice, le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités.
L’offre de services des « ambassadeurs de l’amiable »
Les ambassadeurs souhaitent que la mission se « poursuive sous d’autres formes afin que la dynamique se poursuive et que la vague de l’amiable ne retombe pas ». Ils ont indiqué qu’ils avaient notamment « été sollicités hors du cadre des visites organisées par la chancellerie » pour promouvoir la politique de l’amiable.
Ainsi, ils se proposent d’être les « promoteurs de l’amiable à destination d’un plus large public et des justiciables de la politique nationale de l’amiable ». Selon eux, la « méconnaissance de l’amiable » justifie la nécessité de cette communication auprès du grand public.
Ils concluent leur propos en indiquant que « les ambassadeurs pourraient ainsi continuer à constituer une force d’appui à la mise en place de la politique de l’amiable en poursuivant un travail de terrain, en lien avec les juridictions, les professionnels, la Chancellerie et le Conseil national de la médiation ».
Nous saurons dans les prochaines semaines si Éric Dupond-Moretti donne suite aux suggestions des ambassadeurs…
Pour aller plus loin :
Consulter le rapport des ambassadeurs de l’amiable.
Notre article sur le rapport 2023 du médiateur du notariat.
Axel Masson
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)