Des déclarations de soupçon en hausse constante
Les déclarations de soupçons transmises par les professionnels à Tracfin s’intensifient année après année. Leur nombre est ainsi passé de 27 477 en 2013 à 186 556 en 2023, soit une multiplication par près de sept. Entre 2022 et 2023, les déclarations de soupçon ont augmenté de 15 %.
Le secteur financier (banques, établissements de paiements, assurances) reste très largement majoritaire : ce secteur représente plus de 90 % du total des déclarations.
Le secteur non-financier, dont fait partie le notariat, représente moins de 10 % du total des déclarations. Le nombre de déclarations est également croissant dans ce secteur. Elles ont ainsi augmenté de 8 % en 2023.
Dans le secteur non-financier, les notaires, les casinos/clubs de jeu et les prestataires de jeux en ligne, sont les professionnels transmettant le plus de déclaration de soupçon.
Au-delà des déclarations de soupçon, Tracfin formule aux professions déclarantes des demandes d’informations appelées « droits de communication ». Ce droit de communication est codifié par l’article L.561-25 du Code monétaire et financier (CMF) [1].
Lorsque Tracfin diligente une enquête, le professionnel ayant établi la déclaration de soupçon est tenu de transmettre l’ensemble des pièces du dossier.
En 2023, Tracfin a adressé 17 186 droits de communication aux professions déclarantes, représentant une baisse de près de 7 % par rapport à 2022.
Rappel des obligations « LCB-FT » incombant aux notaires
En vertu du 13° de l’article L. 561-2 du CMF [2], les notaires sont assujettis au dispositif LCB-FT. L’article L. 561-3 du CMF [3] liste l’ensemble des activités des professionnels concernés par ces obligations :
- lorsqu’ils participent au nom et pour le compte de leur client à toute transaction financière ou immobilière ou agissent en qualité de fiduciaire ;
- lorsqu’ils assistent leur client dans la préparation ou la réalisation des transactions concernant :
- l’achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ;
- la gestion de fonds, de titres ou autres actifs appartenant au client ;
- l’ouverture de comptes bancaires, d’épargne ou de titres ou contrats d’assurance ;
- l’organisation des apports nécessaires à la création des sociétés ;
- la constitution, la gestion ou la direction des sociétés ;
- la constitution, la gestion ou la direction de fiducies, régies par les articles 2011 à 2031 du code civil ou de droit étranger, ou de toute autre structure similaire ;
- la constitution ou la gestion de fonds de dotation ou de fonds de pérennité.
- lorsqu’ils fournissent, directement ou par toute personne interposée à laquelle elles sont liées, des conseils en matière fiscale.
Les notaires sont assujettis aux obligations « LCB-FT » depuis 1998.
Le nouveau formulaire de déclaration « Ermes »
Rappelons que les signalements transmis à Tracfin dépendent exclusivement de la démarche volontaire des professions déclarantes. Dans son bilan, l’institution indique que « le niveau de qualité des déclarations de soupçon est globalement bon ». Toutefois, « l’amélioration de leur contenu est un enjeu majeur » eu égard avec leur nombre croissant.
En 2023, Tracfin a apporté des améliorations significatives au formulaire de déclaration Ermes. D’un formulaire unique pour toutes les professions, Ermes se décline désormais en treize modules différents.
Le notariat est la première profession déclarante a avoir utilisé le nouveau formulaire Ermes. La bascule s’est faite en trois mois à partir de juillet 2023. Depuis le 1er octobre 2023, tous les notaires utilisent la dernière version du formulaire pour leurs déclarations de soupçon.
Détail de l’activité Tracfin des notaires
Quelques statistiques
Source : bilan Tracfin 2023
Depuis 2021, les déclarations de soupçon transmises par les notaires sont en forte hausse. Les notaires représentent à eux seuls 28 % des déclarations du secteur non-financier.
Source : bilan Tracfin 2023
Concentration géographique des déclarations sur les Alpes-Maritimes et Paris
Les déclarations de soupçons établies par les notaires sont très inégalement réparties sur le territoire national. En 2023, deux départements se distinguent, les Alpes-Maritimes et Paris. Neuf départements concentrent la moitié des déclarations de soupçons. Dans 56 départements, moins de dix déclarations ont été transmises à Tracfin.
Concentration des déclarations sur l’immobilier résidentiel
Les signalements concernent principalement l’immobilier résidentiel (dans 80 % des cas). L’immobilier commercial est peu concerné par les déclarations de soupçon alors que les risques sont avérés dans ce secteur.
D’autres pans de l’activité notariale sont à risque comme le règlement des successions, les prêts, les cessions de parts sociales ou encore les constitutions de société. Peu de déclarations de soupçons concernent ces activités.
Tracfin estime que « des marges de progression sont possibles pour améliorer la qualité des déclarations » des notaires, notamment « sur l’expression du soupçon et des critères d’alerte ainsi que sur la consultation des informations en sources ouvertes et l’envoi de pièces jointes ».
La nouvelle version d’Ermes indique désormais la localisation des biens immobiliers concernés par la déclaration de soupçons. Tracfin réalise ensuite une analyse statistique comparative entre le nombre de déclarations transmises et le nombre de transactions immobilières.
Deux régions sont sur-représentées :
- l’Île-de-France a représenté en 2023 14 % des transactions immobilières nationales et 27 % des déclarations de soupçon ;
- PACA, quant à elle, a représenté 10 % des transactions immobilières et 23 % des déclarations de soupçon.
A contrario, les régions Pays-de-la-Loire, Occitanie et Bretagne sont bien moins représentées.
Les principaux motifs de déclarations sont l’absence de prêt (critère observé dans deux tiers des déclarations) et les doutes sur l’origine des fonds (critère observé dans 41 % des déclarations).
Pour aller plus loin :
LCB-FT : Activité des professions déclarantes - Bilan 2023.
Plaquette Tracfin à destination des notaires.
Notes :
Axel Masson
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)