Un marché à bout de souffle
Le marché de la location de bureaux traverse une période de difficultés structurelles. En effet, il y a cinq ans, au début du premier trimestre 2019, la demande placée de bureaux [1] en Île-de-France qui correspond au volume des transactions locatives et des ventes aux utilisateurs, s’était établie à 553 800 m².
Demande placée de bureaux au T1 2019
Source : Immostat
Cinq ans plus tard, à la fin du premier trimestre 2024, un net ralentissement de la demande de surfaces de bureaux est observé. Les entreprises n’ont eu en effet besoin que de 445 700 m² et à la fin du troisième trimestre 2024, cette tendance s’est poursuivie avec une demande de 411 700 m².
Demande placée de bureaux à la fin du T3 2024
Source : Immostat
Depuis 2019, l’offre immédiate [2] qui s’apparente au nombre de bureaux non occupés ne fait qu’augmenter. Ces surfaces inoccupées sont passées de 2 717 000 m² à la fin du quatrième trimestre 2019 (T4 2019) à 5 244 000 m² à la fin du troisième trimestre 2024 (T3 2024), au plus haut depuis 2001 !
Offre immédiate au T4 2019
Source : Immostat
Ainsi, depuis la pandémie et l’essor du télétravail, les entreprises ont repensé leur modèle organisationnel. En 2020, l’Institut de l’Epargne immobilière et foncière (IEIF) s’était déjà penché sur les impacts du télétravail sur le marché immobilier. En 2023, l’institut avait recensé que plus de 3 millions de mètres carrés de surface de bureaux (soit 6 % du parc) étaient touchés par le phénomène en Île-de-France.
Les conséquences de la pandémie : le cas de La Défense
Étant le plus grand quartier d’affaires d’Europe [3], La Défense n’est bien entendu pas épargnée par la crise des bureaux en Île-de-France.
Les chiffres 2024 d’Immostat montrent ainsi que le secteur " Croissant ouest et La Défense" est le plus touché par le phénomène de vacance locative.
Offre immédiate de bureaux dans le secteur « Croissant Ouest et La Défense »
Source : Immostat
Ainsi, La Défense fait face, comme d’autres secteurs de la capitale et de ses environs, à une augmentation des surfaces de bureaux vacants qui ne trouvent désormais plus preneur.
Cette situation inquiète notamment le patron le directeur général de Paris La Défense, Pierre-Yves Guice qui s’est récemment exprimé sur le sujet [4]. Dans son diagnostic, il estime qu’un quart de la surface de bureaux de la zone d’affaires est désormais obsolète. Il poursuit son analyse en indiquant qu’une bonne partie du quartier d’affaires devra être rénovée ou remplacée, notamment par des hôtels ou des logements étudiants. Il a également précisé qu’environ un million de mètres carrés de bureaux, soit l’équivalent d’environ 150 terrains de football, dans ce complexe de quatre millions de mètres carrés, devront être réaménagés pour respecter les normes écologiques plus strictes ou transformés pour d’autres usages en raison de la diminution structurelle de la demande de bureaux.
« Cela doit se faire dans les 5 à 10 ans. Si nous attendons plus longtemps, cela entravera toute la dynamique sociale et d’investissement de la zone ».
Mais le directeur général de La Défense n’est pas le seul partisan d’un nouveau départ pour le quartier de La Défense. Ainsi, le sociologue Jean Viard [5] a prôné un renouveau du quartier d’affaires dans un podcast de Radio France intitulé Questions de société : « Comment sauver La Défense » le 5 octobre 2024.
En premier lieu, Jean Viard préconise une redéfinition du secteur en nouveau pôle pour les ministères et bureaux de l’État.
« Oui, comme le Premier ministre a dit qu’effectivement il voulait libérer un certain nombre de bâtiments de prestige dans Paris, il y a une opportunité. Faire de la Défense le grand quartier des ministères français, des offices, etc [...] ».
Dans un seconde temps, le sociologue propose de saisir l’opportunité de cette libération des espaces prestigieux en intra-muros pour y créer des logements et améliorer l’accès aux espaces publics.
« [...] Et en même temps, évidemment, libérer un patrimoine, le vendre dans Paris, d’une part, aux très grandes entreprises qui en recherchent, d’ouvrir aussi ses jardins : le jardin du ministère de l’Agriculture, le jardin du Premier ministre, ce sont des merveilles qui sont réservées à très peu de personnes. Et puis évidemment, faire dans un certain endroit des logements. Donc, il y a une opportunité à déplacer l’appareil d’État à la Défense et à libérer toute une partie du patrimoine des plus beaux arrondissements de Paris ».
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Notes :
[1] La demande placée des bureaux correspond à l’ensemble des locations ou ventes à l’occupant. Elle est exprimée en mètres carrés de surface utile.
[2] L’offre immédiate représente l’évaluation des surfaces immédiatement disponibles.
[3] Le quartier d’affaires de La Défense abrite plus de 3,5 millions de mètres carrés de bureaux.
[5] Jean Viard est directeur de recherche associé au CNRS au CEVIPOF.
Christian-Olivier Kajabika
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)