Les politiques numériques notariales visent avant tout à préserver la sécurité des échanges et anticiper l’évolution des outils. Il s’agit de trouver un équilibre entre la liberté dans le choix des outils (souveraineté) et la mise à disposition de ces outils aux clients et notaires, des outils qui doivent constituer une aide et non pas une contrainte.
Une autorité souveraine d’enregistrement
Le décret d’avril 2020 précité autorisant les actes par comparution à distance a été pris car la profession était prête d’un point de vue politique et technologique. Ce sont 37 000 actes de la sorte qui ont été reçus entre avril et août 2020, avant que l’acte authentique par comparution à distance ne soit ensuite intégré définitivement dans le paysage de l’acte électronique, en réponse à un véritable besoin.
Le notaire ne voit pas son client lorsqu’il procède à l’authentification à distance, ce qui a été la principale motivation pour travailler sur un outil souverain pour la comparution à distance. Il n’est pas acceptable que, dans ce processus, le notaire ne participe pas à l’identification du client. Le CSN a ainsi passé commande à l’ADSN pour travailler sur un outil propre, dont le prototype est à ce jour terminé et en attente d’agrément par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).
Il s’agit d’un produit de facture franco-française grâce auquel le notaire assiste de début à la fin à l’identification du client. Dès l’ouverture de la visioconférence, le notaire ne lâchera plus des yeux le client pendant tout le processus d’identification. Le notaire n’est certes pas l’autorité qui identifie le client au sens strict (puisqu’il a pas la qualité pour certifier sa signature), mais il y participe activement et accepte l’identification en question.
Les procurations notariées couvrent aujourd’hui 90 % des actes. La question se pose de l’extension de la comparution à distance à tous les actes.
La politique d’agrément du CSN
Le CSN a une fonction de régulation des outils numérique de la profession, qui prend notamment corps dans la procédure d’agrément, mais aussi dans une procédure de labellisation et une procédure d’homologation :
- la procédure d’agrément concerne les différentes solutions proposées au notariat, mais notons que le CSN n’agrée par les logiciels de rédaction d’actes (LRA) en tant que tels mais seulement certains de leurs éléments. Cette procédure relève du domaine réglementaire ;
- la procédure de labellisation vise à informer le public et valoriser l’engagement (par exemple « éthique ») de certains prestataires par rapport à d’autres en leur donnant de la visibilité auprès des notaires, qui ne sont toutefois pas exonérés de leur vigilance. Elle a été permise par la Convention d’objectifs d’octobre 2020 signée par l’État et le CSN et relève du domaine concurrentiel ;
- la procédure d’homologation, enfin, relève quant à elle du domaine technique et vise à certifier la comptabilité technique des solutions avec avec les systèmes des offices. Il s’agit de vérifier que le logiciel du demandeur est raccordable à un système régalien selon un cahier des charges précis.
La problématique qui anime la politique actuelle est celle du périmètre de l’agrément du CSN.
L’usage de l’IA
Nombreux sont les exemples où l’intelligence artificielle (IA) est susceptible de venir en soutien aux missions des notaires. Arrêtons-nous sur l’un d’entre eux qui fait en ce moment l’actualité. L’IA pourrait bientôt, en France, contribuer à l’effort déployé par le notariat dans le cadre de son obligation de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT) imposée par TRACFIN. Le Groupe d’action financière (GAFI) a plusieurs fois salué l’assiduité de la France dans ce domaine. Mais l’engagement des notaires, bien que louable, n’est pas encore suffisant et les autorités estiment que le rôle des notaires, notamment et surtout dans la chaîne immobilière, est tel qu’ils devraient faire davantage de déclarations de soupçon.
Mais les notaires ne sont pas rassurés en la matière en ce que le système en place ne garantit pas leur anonymat : la crainte que le client apprenne que la déclaration vient du notaire est vivace, et celle des représailles encore plus. D’où la réflexion actuelle sur le recours à l’IA dans ce processus, sur le modèle déjà développé en Espagne. En 2005, le ministère de l’Économie espagnol a créé l’Organisme centralisé de prévention du blanchiment d’argent (OCP), un organe indépendant composé de spécialistes de la LBC-FT. Les notaires espagnols doivent alimenter tous les 15 jours un registre auquel l’OCP a accès pour, ensuite, faire lui-même les déclarations de soupçon. Ce système offre plusieurs avantages :
- il renforce la fiabilité du contrôle et de la déclaration, d’abord ;
- il permet de créer une importante base de données des actes, ensuite ;
- il protège le notaire, enfin.
Les premiers résultats sont encourageants et l’algorithme fonctionne de manière efficiente. Sur les 800 déclarations effectuées par l’OCP, 80 % donnent lieu à des poursuites judiciaires.
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Alix Germain
Pour la Rédaction