Face à ces défis, la question cruciale pour les entreprises du secteur des crypto-actifs devient : comment s’adapter et se conformer à cette nouvelle réglementation en France et en Europe ?
Présentation et champ d’application du règlement MICA
Parmi les principaux domaines couverts par MICA, on trouve l’offre au public et l’admission à la négociation de crypto-actifs. Cela inclut des règles spécifiques pour les émissions et les échanges de ces actifs numériques. Le règlement aborde également l’offre au public, l’admission à la négociation et les règles d’organisation et de bonne conduite applicables aux émetteurs de stablecoins, une catégorie particulière de crypto-actifs dont la valeur est généralement liée à celle d’une monnaie fiduciaire ou d’un panier d’actifs.
Un autre aspect important couvert par MICA est la fourniture de services sur crypto-actifs par les PSCA. Cela englobe diverses activités telles que la conservation, l’échange et le conseil en investissement liés aux crypto-actifs. Enfin, le règlement s’attaque à la prévention des abus de marchés sur crypto-actifs, visant à protéger les investisseurs et à maintenir l’intégrité du marché.
Il est important de noter que certains domaines restent hors du champ d’application de MICA. Ceux-ci incluent les Security Tokens, la monnaie électronique (sauf si elle est qualifiée de jeton), les produits d’investissement, les NFT (jetons non fongibles), et la Finance décentralisée (DEFI). Ces exclusions reflètent la complexité et la diversité du paysage des jetons numériques déployés sur la Blockchain, certains aspects nécessitant potentiellement des cadres réglementaires distincts ou étant déjà couverts par d’autres réglementations existantes.
Fourniture de services au sein de l’UE sous le Règlement MICA
Pour pouvoir fournir des services liés aux crypto-actifs au sein de l’Union européenne, plusieurs exigences doivent être respectées.
Tous les PSCA doivent se conformer aux obligations communes imposées par le règlement MICA. Ces obligations générales incluent des exigences strictes en matière de transparence, de sécurité et de protection des consommateurs, visant à instaurer un environnement de marché stable et fiable pour les utilisateurs de crypto-actifs. Ces exigences englobent les obligations de la directive anti-blanchiment, notamment en matière de LCB-FT, ainsi que le règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) pour la cybersécurité. Elles couvrent également la gouvernance et les processus opérationnels, exigeant l’honorabilité et les compétences des dirigeants.
La protection des actifs des clients est primordiale, obligeant les PSCA à assurer les droits de propriété de leurs clients, même en cas d’insolvabilité. Le traitement des réclamations est réglementé, imposant aux PSCA d’informer les clients de leurs droits et de conserver un registre des réclamations. La gestion des conflits d’intérêts et l’encadrement de l’externalisation font partie des obligations. Les PSCA doivent aussi se conformer à des règles de conduite inspirées de la directive MIF2 , agissant de manière honnête, loyale et professionnelle, et fournissant une information claire et non trompeuse. Enfin, ils doivent maintenir des garanties prudentielles allant de 50 000 à 150 000 euros selon les services fournis.
Les acteurs du marché français doivent être agréés auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cet agrément est essentiel pour opérer légalement et garantir la conformité avec les normes réglementaires françaises.
Le règlement MICA introduit non seulement des obligations communes à tous les PSCA, mais également des obligations spécifiques pour chaque type de service fourni. Ces exigences particulières sont adaptées à la nature des différents services et visent à garantir que chaque activité est réalisée de manière sûre et équitable dans le secteur des crypto-actifs.
Parmi ces obligations spécifiques, on trouve d’abord des règles strictes concernant l’accès des participants aux plateformes. Les PSCA doivent établir des critères clairs et équitables pour l’admission des participants, s’assurant ainsi que seuls les acteurs qualifiés et conformes aux normes peuvent accéder aux services de négociation. Cette mesure vise à maintenir un environnement de marché fiable et sécurisé.
En ce qui concerne le fonctionnement des plateformes, MICA impose des exigences de négociation équitable et ordonnée, ainsi qu’une exécution efficiente des ordres. Les prestataires doivent veiller à ce que les transactions soient effectuées de manière juste et rapide. De plus, ils sont tenus de garantir un accès continu et ininterrompu aux services de négociation, minimisant ainsi les interruptions et les pannes de service qui pourraient perturber le marché.
La transparence est un autre aspect crucial abordé par MICA. Les prestataires doivent assurer une transparence pré et post-négociation, fournissant des informations claires sur les prix et les volumes des transactions. Cette exigence vise à garantir une information complète et équitable pour tous les participants au marché.
Le règlement encadre également les procédures d’admission des crypto-actifs à la négociation. Les plateformes doivent mettre en place des processus rigoureux pour l’introduction de nouveaux crypto-actifs, incluant des vérifications de conformité et des évaluations des risques. Cette mesure vise à protéger les investisseurs contre les actifs potentiellement frauduleux ou à haut risque.
Pour préserver l’intégrité du marché, MICA interdit aux plateformes et aux prestataires de négocier des crypto-actifs pour leur propre compte. Cette interdiction vise à éviter les conflits d’intérêts et à garantir une totale impartialité dans le fonctionnement du marché.
Des règles claires sont également établies pour encadrer la suspension des échanges en cas de comportements anormaux ou de risques pour la stabilité du marché. Cette disposition permet de protéger les participants et la structure du marché en cas de situations exceptionnelles.
Enfin, MICA met l’accent sur la résilience des systèmes de négociation. Les prestataires sont tenus d’effectuer des tests de stress réguliers pour garantir la robustesse de leurs infrastructures face à différents scénarios de marché, y compris des conditions extrêmes ou des cyberattaques.
De PSAN à PSCA, transition vers MICA - Focus sur la France
La transition des PSAN vers les PSCA dans le cadre du règlement MICA s’organise selon un calendrier précis et des dispositions spécifiques. En France des dates clés jalonnent ce processus : depuis le 1er juillet 2024, il est possible de pré-déposer des dossiers PSCA.
Le règlement MICA entrera en application le 30 décembre 2024, tandis que la période de transition pour les PSAN autorisés prendra fin le 1er juillet 2026.
L’organisation de cette transition s’appuie sur la loi DDADUE, qui comprend des dispositions transitoires en lien avec MICA. L’article 143 du règlement MICA clarifie la période transitoire, permettant aux différents acteurs (PSAN enregistrés, PSAN agréés, et PSAN fournissant certains services spécifiques) de poursuivre leurs activités jusqu’à l’entrée en vigueur de MICA. La loi DDADUE habilite également le gouvernement à procéder par ordonnance pour définir la répartition des compétences entre l’ACPR et l’AMF, adapter les dispositions du Code Monétaire et Financier, et proposer des évolutions réglementaires liées à l’agrément PSCA.
La mécanique de transition se déroule en deux temps, tenant compte de l’entrée en vigueur de MICA au 30 décembre 2024 et de la période transitoire jusqu’au 1er juillet 2026. Les PSAN bénéficiant de la période transitoire restent soumis à la loi Pacte , mais doivent respecter les dispositions applicables aux produits dans le champ de MICA dès leur entrée en application. Une procédure simplifiée est prévue pour les acteurs ayant bénéficié d’un enregistrement renforcé ou d’un agrément PSAN.
La période transitoire vise à permettre aux PSAN de se préparer aux exigences MICA. Une fois l’agrément PSCA obtenu, le passeport européen devient possible. Il est important de noter que toute modification structurelle de la situation d’un PSAN doit être notifiée à l’AMF et sera analysée conjointement par l’AMF et l’ACPR. L’AMF ne pourra plus octroyer d’extensions de services Pacte après le 1er janvier 2025.
Pour devenir PSCA, il est crucial de bien préparer son dossier. Cela implique un fort engagement dans les délais de réponses, une responsabilité de la société sur sa demande, une acquisition des connaissances sur les règles MICA, et une détermination des règles MICA qui s’appliquent. Avant de déposer un dossier, les prestataires doivent déterminer quelles activités relèvent du champ d’application MICA, être certains de demander leur autorisation MICA en France, et être à un stade avancé pour avoir des discussions de fond.
Au sein de l’UE, chaque État membre définit la durée de sa période transitoire.
MICA et Stablecoins
L’encadrement des stablecoins par le règlement MICA marque une étape importante dans la régulation des crypto-actifs au sein de l’Union Européenne. Ce cadre réglementaire distingue deux types de jetons stables : les Asset Referenced Tokens (ART) et les Electronic Money Tokens (EMT).
Les ART sont définis comme des « jetons de paiement dont l’objectif est de conserver une valeur stable par rapport à la valeur de plusieurs monnaies fiat qui ont cours légal, à une ou plusieurs matières premières ou à un ou plusieurs crypto-actifs, ou à une combinaison de tels actifs ». Ces jetons visent à maintenir une stabilité en se référant à un ensemble diversifié d’actifs ou de valeurs.
Les EMT, quant à eux, sont décrits comme des « jetons de paiement dont l’objet principal est d’être utilisé comme moyen d’échange et qui vise à conserver une valeur stable en se référant à la valeur d’une seule monnaie fiat qui a cours légal ». Ils sont donc ancrés à une seule monnaie officielle, ce qui les distingue des ART.
Le règlement MICA impose des exigences strictes aux émetteurs de ces stablecoins. Ces exigences comprennent des aspects de gouvernance, tels que la mise en place d’un organe social et la nomination de deux dirigeants honorables, compétents et disponibles. L’actionnariat est également réglementé, avec une attention particulière portée à l’honorabilité des actionnaires qualifiés. De plus, les émetteurs doivent mettre en place un contrôle interne, gérer l’externalisation et disposer d’un dispositif de (LCB-FT).
En plus de ces exigences générales, MICA introduit des obligations spécifiques pour les émetteurs d’EMT et d’ART, applicables à partir du 30 juin 2024. L’Agence bancaire européenne (ABE) a été chargée de rédiger les normes techniques réglementaires (RTS) détaillant ces obligations, et a lancé trois consultations à ce sujet.
Le règlement impose également des exigences en termes de fonds propres prudentiels. Les émetteurs doivent disposer d’un capital minimum de 325 000 euros. De plus, ils doivent maintenir des fonds propres équivalents à 25 % de leurs frais généraux ou 2 % de la réserve d’actifs pour les émetteurs ART. Pour les émetteurs d’EMT, cette exigence est fixée à 2 % de la monnaie électronique en circulation sur les six derniers mois.
MICA et ICO (Initial Coin Offerings)
Le règlement MICA apporte une définition claire et un encadrement précis des ICO au sein de l’Union Européenne. Selon MICA, une offre publique de jetons est définie comme « une communication adressée, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, à des personnes et présentant des informations suffisantes sur les conditions de l’offre et sur les crypto-actifs offerts ».
Cependant, le règlement exclut certains types d’offres de son champ d’application. Sont notamment exclus les NFT, sauf s’ils remplissent certains critères spécifiques, les jetons considérés comme des instruments financiers ou encadrés par d’autres réglementations financières, les offres adressées uniquement à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint de moins de 150 personnes, ainsi que les services liés aux crypto-actifs fournis de manière totalement décentralisée (DeFi).
MICA impose plusieurs obligations importantes aux émetteurs d’ICO. L’une des principales est la publication et la notification d’un Livre blanc aux autorités compétentes nationales doit détailler de manière précise le projet, le type de crypto-actif émis, leurs caractéristiques financières, ainsi que les droits et obligations associés. Il doit également fournir des informations sur la technologie utilisée. L’objectif principal de cette exigence est d’améliorer la transparence et de réduire l’asymétrie d’information entre l’investisseur non professionnel et l’émetteur de jetons.
En outre, les émetteurs doivent veiller à ce que leurs opérations publicitaires soient facilement identifiables, loyales, claires et dépourvues de toute tromperie. Ils doivent notamment mettre en avant de manière transparente les risques de pertes partielles ou totales du capital investi. Cette obligation vise à protéger les investisseurs en leur fournissant une information complète et honnête sur les risques associés à leur investissement.
Enfin, le régulateur européen souligne explicitement que les principes du droit de la consommation demeurent applicables aux opérations liées aux ICO. Cela signifie, par exemple, qu’un droit de rétractation pour les investisseurs peut être mis en place dans certains cas, et que l’émetteur ne peut se dégager entièrement de sa responsabilité.
MICA et renforcement des exigences en matière de LCB-FT
Le renforcement des exigences en matière de LCB-FT est un aspect crucial de l’évolution réglementaire dans le secteur des crypto-actifs. Cette évolution s’articule autour de plusieurs points clés et s’appuie sur une documentation déjà disponible, tout en tenant compte des spécificités de chaque acteur du marché.
Cinq points clés du dispositif LCB-FT restent d’actualité et constituent le socle des exigences : la classification des risques, les mesures de vigilance, le dispositif d’examen renforcé, les obligations déclaratives, et le dispositif de gel des avoirs.
Article initialement publié sur le Village de la Justice.
Arnaud Touati, Avocat inscrit au Barreau de Paris
Mohamadou Karim, Juriste