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L'évolution du télétravail : les enseignements du rapport de la DARES novembre 2024 (partie 1)

L’évolution du télétravail : les enseignements du rapport de la DARES novembre 2024 (partie 1)

La Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES), responsable de la production de données statistiques sur le travail, l’emploi et la formation, a publié récemment deux rapports sur l’état du télétravail en France. Ces études font un état des lieux complet de cette nouveau mode de travail depuis la crise sanitaire, notamment sur les conditions de travail et la qualité de vie des salariés. Elles analysent également les nouvelles pratiques de travail à distance. Le premier article se concentrera sur l’état actuel du télétravail dans le secteur du notariat, tandis que le second abordera ses effets sur les conditions de travail et de vie des salariés.

Contexte

La DARES est un service du ministère du Travail, rattaché à l’Insee. En tant que service statistique ministériel, elle est indépendante dans ses publications, grâce à son autorité en matière de statistique publique.

La DARES a pour mission de :

  • produire des données et analyses sur le travail, l’emploi, la formation professionnelle et le dialogue social ;
  • aider à l’élaboration des politiques publiques en fournissant des informations et des études sur le marché du travail ;
  • animer la recherche en soutenant des projets et en appuyant les services d’études régionaux.

Elle partage ses résultats avec le public et accompagne le ministère du Travail dans l’application des politiques publiques. Récemment, l’institution a publié deux rapports d’étude intitulés Le télétravail améliore-t-il les conditions de travail et de vie des salariés ? [1] et Comment évolue la pratique du télétravail depuis la crise sanitaire ? [2]. Ces documents ont pour objectif de dresser un état des lieux sur l’évolution du télétravail depuis la crise sanitaire et d’évaluer son impact sur les conditions de travail et de vie des salariés.

Évolution de la pratique du télétravail

Le télétravail a connu une forte croissance ces dernières années, en particulier en raison de la crise sanitaire liée à la COVID-19. En 2019, seulement 9 % des salariés pratiquaient le télétravail occasionnel. Cette proportion a bondi à 42 % pendant la pandémie (mars 2020-début 2021), avant de redescendre à 31 % en 2021 et 26 % début 2023. Le télétravail intensif (plus de trois jours par semaine), qui était marginal en 2019 (1 %), a atteint 18 % début 2021, avant de chuter à 5 % en 2023. En revanche, le télétravail modéré (un ou deux jours par semaine) a continué à se développer.

Source : Dares, enquêtes Conditions de travail 2019, Tracov 1 et Tracov 2.

Inégalités sociales et professionnelles dans l’accès au télétravail

Entre 2019 et 2021, le télétravail a fortement augmenté en France, passant de 9 % à 31 % des salariés, surtout chez les cadres et professions intermédiaires. Depuis 2021, il a diminué à 26 %, principalement chez les professions intermédiaires et les employés, tandis que les cadres continuent de l’adopter massivement (65 % en 2023). En 2023, 6,1 millions de salariés télétravaillent, contre 2 millions en 2019, principalement dans certains secteurs comme l’informatique, la communication et la banque. Le télétravail reste marginal chez les ouvriers et varie selon les secteurs.

La féminisation du télétravail

Le télétravail a connu une évolution significative entre 2019 et 2023, marquée par une féminisation importante de la pratique, les femmes représentant désormais plus de la moitié des télétravailleurs. La proportion de jeunes de moins de 30 ans et de diplômés de niveau Bac+5 en télétravail a également augmenté. Ce mode de travail se développe principalement chez les cadres, les salariés en CDI, et dans le secteur privé. En revanche, la part des fonctionnaires en télétravail a diminué après avoir fortement progressé en 2021, passant de 28 % à 19 % en 2023.

Conditions matérielles et compensations financières

En 2023, les télétravailleurs se sentent mieux équipés qu’en 2021, avec moins de plaintes sur des équipements insuffisants. Cependant, des disparités subsistent : les femmes, les professions intermédiaires et les fonctionnaires rencontrent plus souvent des problèmes d’équipement que les hommes, les cadres et les salariés du privé. Concernant les frais liés au télétravail, la proportion de ceux sans compensation est passée de 86 % en 2021 à 61 % en 2023, avec une incidence plus forte chez les jeunes, les CDD et les salariés du secteur privé. Enfin, le télétravail reste principalement à domicile (98 %), mais la proportion de télétravailleurs souhaitant limiter cette pratique à un jour par semaine a augmenté, passant de 21 % à 26 %.

Le télétravail notarial

L’article de Corinne Delmas, Le télétravail notarial : un engagement contraint ? (2021), a mis en lumière l’impact de la pandémie sur le secteur du notariat qui a été contraint d’adopter le télétravail pour maintenir son activité. En 2020, les grèves et la crise du Covid-19 avaient de fait privilégié ce mode de travail, avec plus de 30 % des salariés, principalement des cadres, en télétravail lors du premier confinement. L’adoption du télétravail a été massive, passant de 3 000 à 30 000 postes de télétravail en trois jours. Bien que les offices soient restés ouverts lors du second confinement, le télétravail y a été encouragé.

Le télétravail : le rétropédalage de la part des entreprises

D’après une enquête Opinionway pour Slack (2021), 82 % des salariés ont été incités à retourner au bureau, principalement dans le commerce, l’hôtellerie et la restauration. En revanche, cette tendance est moins marquée chez les cadres et dans les secteurs numériques. Amazon a mis fin au télétravail pour ses employés administratifs, une tendance qui se répand en Europe quatre ans après la pandémie. En France, 82 % des salariés ont été poussés à revenir en présentiel, avec 70 % des employeurs imposant des jours de présence obligatoires pour préserver la culture d’entreprise et la productivité. Les dirigeants ont ainsi tendance à privilégier le retour au modèle pré-pandémique. En effet, beaucoup d’entre eux n’ont jamais été convaincus par le télétravail comme l’explique Eléonore Quarré, responsable des études société chez OpinionWay.

« Ces employeurs ont évalué l’efficacité du télétravail et sont freinés par deux préoccupations majeures : d’une part, la préservation de la culture d’entreprise, et d’autre part, la productivité. La crainte, qui était déjà présente au début de l’essor du télétravail, n’a jamais disparu", a déclaré Eléonore Quarré, responsable des études société chez OpinionWay ».

Cependant, les cadres, notamment dans le numérique, la banque et l’assurance, résistent à cette évolution.

En effet, pour ces derniers, revenir en arrière est impensable, explique Pierre Lamblin, directeur des études de l’APEC.

« Aujourd’hui, un cadre sur deux télétravaille au moins deux jours par semaine, deux sur trois télétravaillent au moins un jour par semaine, et un sur deux aimerait augmenter son nombre de jours de télétravail. Autrement dit, pour les cadres du privé, c’est devenu un acquis » a déclaré Pierre Lamblin, directeur des études de l’APEC.

Un cadre sur deux menace même de démissionner si le télétravail était supprimé.

Le télétravail partiel ou présentiel à 100% : une question de culture d’entreprise ?

Depuis la crise du Covid, le télétravail s’est largement répandu, avec 33 % (2024) des salariés français travaillant à distance au moins une fois par semaine. Toutefois, certaines entreprises reviennent sur cette pratique, préoccupées par la productivité.

Bien que le télétravail ait été adopté en urgence pendant la crise sanitaire, il n’a en fait jamais fait l’unanimité. Aujourd’hui, des débats émergent sur les abus liés à ce mode de travail, notamment dans le podcast « Job » sur Europe 1, animé par Albert Batihe. Dans un épisode intitulé Télétravail : y a-t-il trop d’abus ?, enregistré le 13 juillet 2024, il était question, en autre du conflit entre les entreprises qui poussent au retour au bureau et les salariés qui revendiquent leur droit au télétravail.

La discussion met en lumière non seulement les préoccupations des dirigeants concernant la performance, mais aussi un conflit sous-jacent sur la culture d’entreprise, comme l’illustre l’échange entre Pierre-Jean Quenardel et Wilfried Granier. Pierre-Jean, chef marketing chez Deel souligne les avantages du télétravail, malgré ces tensions.

« [...] ça apporte plein d’avantages aussi. C’est-à-dire que si tes collaborateurs ont des enfants, ça permet beaucoup de flexibilité pour aller chercher ses enfants, pour passer plus du temps avec sa famille, pour avoir un équilibre pro/perso aussi qui va être primordial et qui est hyper important[...] », a déclaré le directeur marketing pour le marché français chez Deel.

De plus, il estime qu’il est possible de développer une culture d’entreprise à distance et que forcer un travail 100 % en présentiel relève d’une volonté de surveiller les employés. En revanche, Wilfried Granier, fondateur de Superprof, pense que le télétravail empêche de construire une culture d’entreprise durable.

« [...] si tu veux, on a essayé dès le début de créer une famille. On est tous ensemble, main dans la main. C’est ça en fait qui fait vraiment notre force et ça se crée pas en distanciel. C’est très difficile. Et moi, pendant les huit premières années, j’ai pas une seule personne qui a quitté la société. Huit ans, sans aucun turnover car il est impossible de quitter Superprof. L’entreprise, elle est incroyable, c’est une famille, on ne peut pas quitter ses proches[...] », a déclaré le fondateur de Superprof.

Retrouvez la 2ème partie de cet article : L’impact du télétravail sur les conditions de travail et de vie des salariés : les enseignements des rapports de la DARES (partie 2).


Notes :

[1La collecte des réponses a eu lieu du 12 janvier au 10 avril 2023, auprès de 63 579 personnes âgées de 18 à 64 ans en France (hors Mayotte), dont 38 155 ont répondu (60 %). L’étude montre que 39 % des salariés en France occupent un poste télétravaillable, avec 28 122 répondants en emploi, dont 24 660 salariées.

[2L’étude se base sur trois enquêtes de la Dares : la triennale sur les conditions de travail et les enquêtes Tracov (2021) et Tracov 2 (2023) sur l’impact de la crise sanitaire, menées auprès de salariés de 20 à 62 ans en France métropolitaine. Les différences avec l’étude sur le télétravail sont dues aux variations de champ.

  • L’évolution du télétravail : les enseignements du rapport de la DARES novembre 2024 (partie 1)

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