Village des Notaires : Vous travailliez jusqu’ici en cabinet d’avocats, avant de passer en office notarial. Quel est est votre parcours ?
Raphaëlle le Dieu de Ville : Mon parcours n’est pas très linéaire : après ma formation initiale, DEA de sciences politiques et DESS de communication politique, j’ai passé dix ans en agence de communication politique et institutionnelle. J’ai ensuite été administrateur d’associations plusieurs années. J’y ai assuré des fonctions déjà très transversales. Lorsqu’Yves-René Guillou a créé son cabinet en 2007, il a très vite éprouvé le besoin de recruter un secrétaire général. Il m’a proposé ce poste. J’ai apprécié son projet et son tempérament entrepreneurial et l’ai rejoint en 2008. J’y suis restée quatorze ans !
J’ai accompagné toute la croissance du cabinet, à la fois en « processualisant » les actions et en assurant l’administration quotidienne : l’informatique, les ressources humaines, la communication, les indicateurs de pilotage, l’encadrement des finances, ainsi que divers projets (déménagement du cabinet, création d’une société d’avocats, partenariat pour la création d’un cabinet en Belgique…). Il y a quelques années, j’ai éprouvé le besoin de me rechallenger intellectuellement. J’ai suivi l’Executive Master Finance d’entreprise et pilotage de la performance de Dauphine.
V.N. : Comment êtes-vous arrivée dans le monde du notariat ?
R.D.V. : Assez classiquement, j’ai été approchée par un cabinet de recrutement de cadres.
Le recruteur m’a parlé d’un groupe d’offices notariaux en pleine croissance qui éprouvait le besoin, à ce stade de son évolution, de créer une fonction de management transversal, à la fois pour accompagner les développements à venir et processualiser l’existant (6 offices à ce jour), afin de maintenir la cohérence de l’ensemble et de fluidifier les méthodes de travail.
Si la fonction est très répandue chez les avocats, elle émerge à peine chez les notaires
Tout dans le projet m’a plu : les personnalités, l’ambition, le fait que ce soit une création de poste. Lors des entretiens, j’ai été impressionnée par l’opérationnalité des associés sur les sujets d’administration générale. J’ai compris de quoi ils avaient envie de se délester. Ils savent que mon arrivée va libérer leurs énergies.
Si la fonction est très répandue chez les avocats, elle émerge à peine chez les notaires. C’est également un point d’attrait pour moi. J’ai bien l’intention de prendre contact avec mes quelques co-génères dans d’autres offices. J’ai trop apprécié COM SG, le cercle des Secrétaires Généraux des cabinets d’avocats, pour ne pas avoir envie de retrouver ce genre de collégialité dans mon nouvel univers. Le benchmark, le partage des bonnes pratiques… Ces échanges sont précieux.
V. N. : Le SG joue un véritable rôle pivot au sein des structures. Quelles doivent être ses principales qualités ?
R.D.V. : En général, les organisations économiques sont pyramidales, avec un dirigeant à la tête. La particularité des professions libérales, et de ce point de vue, notaires et avocats se rejoignent, c’est la collégialité de la direction. Dans les SELARL, les associés sont gérants, majoritaires, minoritaires… chacun participe d’une façon ou d’une autre à la gouvernance. Le Secrétaire Général a donc, dans ces organisations, plusieurs « patrons ». C’est une particularité qui implique quelques soft skills : il est essentiel de communiquer avec finesse et de savoir faire preuve de diplomatie.
Le SG est une courroie de transmission vers l’opérationnalité, proche des associés et capable de tout faire ou de tout faire faire
La fonction de secrétaire général est intéressante car elle est à la fois « macro » et « micro » : participer à la réflexion stratégique, aux grands projets et assurer la réalisation de façon très opérationnelle. Je dirais que pour être SG, il faut avoir une tête et des bras. Le SG est une courroie de transmission vers l’opérationnalité, proche des associés et capable de tout faire ou de tout faire faire.
Ce qui fait la différence entre un secrétaire général et un directeur général : le DG s’appuie sur des cadres N-1, directeur des ressources humaines, directeur des services informatiques, directeur administratif et financier, etc. Le secrétaire général, qui exerce dans de plus petites structures, n’a pas ces relais. Il est, en fonction des sujets, autonome, en direct avec le personnel administratif interne, ou en encadrement de prestataires. En plus d’être diplomate, le Secrétaire Général doit faire preuve d’autorité et de polyvalence pour jongler avec différents sujets.
V. N. : Selon vous, à quel moment est-il nécessaire de recruter un secrétaire général dans un office ou groupe d’offices ?
R. D. V. : Il n’y a pas de bon ou de mauvais moment. La question se pose quand les associés éprouvent le besoin de déléguer l’administration générale de la structure. Mon expérience est éloquente de ce point de vue : j’ai été Secrétaire Générale d’une structure de 12 personnes ; je l’ai quittée à 55 personnes. Je suis aujourd’hui Secrétaire Générale d’un groupe de 125 personnes qui n’éprouve qu’à ce stade le besoin de créer le poste.
Chez Althémis, mon arrivée a très bien été préparée. Les associés ont bien identifié leurs besoins et me donnent déjà toutes les clés qui feront le succès de cette création de poste.
Participation aux réunions d’associés, communication interne autour de la fonction et de la feuille de route confiée, position hiérarchique…
Mon défi est désormais, d’ici quelques mois, d’avoir pris en main effectivement la gestion transversale de plusieurs thématiques. J’estime avoir toutes les cartes en mains. Je suis très confiante dans notre réussite collective !
Les instances notariales sont très présentes dans la gestion quotidienne d’un office
V. N. : Avez-vous déjà pu constater des différences dans l’exercice de vos fonctions entre les structures d’avocats et de notaires ?
R. D. V. : Ce sont effectivement des écosystèmes assez différents.
Les instances notariales sont très présentes dans la gestion quotidienne d’un office : sécurité informatique, réseaux, communication. Des instructions très précises, détaillées, opérationnelles sont adressées aux offices et elles sont obligatoires. On ne peut pas oublier que les notaires sont officiers publics et ministériels. J’avais lu des articles de Laurent Cappelletti qui parlait de la « supra-organisation » en parlant du Conseil Supérieur du Notariat ou des Chambres. Je le réalise concrètement aujourd’hui.
Pour ce qui concerne les sujets que j’ai commencé à traiter : des questions IT, avec des interrogations sur le passage en cloud. Des questions RH, dans le contexte post-Covid (flex office, télétravail, attentes des candidats, etc.). Ces sujets sont au cœur opérationnel de mon métier. Ils concernent autant les notaires que les avocats, je ne suis pas trop dépaysée !
Propos recueillis par A. Dorange et Alix Germain
Pour la Rédaction du Village des Notaires