La chasse aux passoires thermiques, au nom du logement décent
Le décret n° 2023-796 du 18 août 2023 pris pour l’application de l’article 6 (logement décent) et de l’article 20-1 (demande de mise en conformité) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et adaptant les dispositions des contrats types de location de logement à usage de résidence principale reprécise utilement le calendrier issu de la loi « climat et résilience » [1].
Selon l’étiquette indiquée par le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), un logement peut être mis ou non à la location. Pour mémoire, la classification des logements est réalisée à l’aide d’étiquettes allant des lettres A à G, du moins plus économe en énergie au plus énergivore.
Depuis le 1er janvier 2023, un logement est qualifié d’énergétiquement décent lorsque sa consommation d’énergie (chauffage, éclairage, eau chaude, ventilation, refroidissement...), estimée par le DPE et exprimée en énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an, est inférieure à 450 kWh/m2 en France métropolitaine.
Calendrier d’interdiction à la location d’un bien selon sa classe énergétique
Le logement décent ainsi, tel que défini par la loi, devra obtenir a minima l’étiquette DPE suivante pour être mis en location :
- logement classé F à compter du 1er janvier 2025 ;
- logement classé E à compter du 1er janvier 2028 ;
- logement classé D à compter du 1er janvier 2034.
Ce qui signifie que les logements suivants seront interdits à la location :
- logement classé G à compter du 1er janvier 2025 ;
- logement classé F à compter du 1er janvier 2028 ;
- logement classé E à compter du 1er janvier 2034.
Les exigences de performance énergétique deviennent croissantes et concernent une part de plus en plus importante du parc de logements avec un calendrier serré.
En Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte, les délais sont plus souples par rapport à la métropole. Le logement décent devra obtenir a minima l’étiquette DPE suivante pour être mis en location :
- logement classé F à compter du 1er janvier 2028 ;
- logement classé E à compter du 1er janvier 2031.
Des exceptions prévues pour l’obligation de réalisation de travaux de rénovation
Le décret du 18 août 2023 liste également deux cas particuliers qui permettront aux bailleurs de s’exonérer de réaliser des travaux de rénovation pour améliorer l’étiquette énergétique du bien avant la mise en location. Cette obligation s’appréciera au cas par cas en contentieux devant le juge.
Premier cas d’exonération
Le texte prévoit que :
« les travaux nécessaires feraient courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos et couvert des bâtiments, attesté par une note argumentée rédigée, sous sa responsabilité, par un homme de l’art. »
Nous pouvons imaginer que le législateur souhaite éviter de mettre en danger les locataires à la suite de travaux de rénovation conséquents.
Deuxième cas d’exonération
Le texte prévoit que :
« les travaux nécessaires, entraînant des modifications de l’état des parties extérieures, y compris du second œuvre, ou de l’état des éléments d’architecture et de décoration de la construction, ont fait l’objet, pour ce motif, d’un refus d’autorisation par l’autorité administrative compétente sur le fondement des dispositions législatives et réglementaires du livre VI du code du patrimoine, du titre IV du livre III du code de l’environnement ou du livre Ier du code de l’urbanisme. »
« Le propriétaire produit aux débats les pièces justifiant de l’impossibilité de réaliser les travaux visant à atteindre un niveau de performance minimal. »
« Le juge peut, notamment, surseoir à statuer dans l’attente de l’intervention de la décision de l’autorité administrative compétente pour autoriser la réalisation de ces travaux. »
Par exemple, dans le cas d’opérations immobilières de type patrimonial (Malraux, Monuments historiques), les Architectes des Bâtiments de France (ABF) émettent un avis lors de l’instruction du permis de construire. Les travaux de rénovation énergétique nécessaires à la mise en conformité des logements avant la location pourraient entraîner un avis négatif de l’ABF et ainsi bloquer le permis de construire de l’opération.
Quoi qu’il en soit, il faudra attendre les premières jurisprudences (qui ne manqueront pas de survenir !) pour apprécier réellement la portée du décret.
Notes :
[1] L. n° 2021-1104, 22 août 2021, JO 24 août, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Axel Masson
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)