Village de la Justice : Quelles ont été les motivations qui vous ont incité à changer de métier, et de notaire devenir avocat ?
Antoine Bergeot : Passer du métier de notaire à la profession d’avocat est un changement significatif [1]. Voici quelques éléments qui expliquent ce choix.
Tout d’abord, le métier de notaire est souvent axé sur des tâches de rédaction et de conseil, en lien avec des transactions patrimoniales ou immobilières. J’ai ressenti le besoin d’élargir mes compétences et de me tourner vers des missions plus orientées vers la défense des intérêts des clients, le conseil fiscal et la gestion de patrimoine, ou la résolution de conflits juridiques complexes, ce que permet le métier d’avocat.
Ensuite, la profession d’avocat offre une plus grande liberté, notamment pour exercer à l’international. J’ai ainsi pu développer une expertise en fiscalité et en droit patrimonial franco-suisse.
La profession d’avocat offre aussi une plus grande liberté pour exercer une activité accessoire. Je peux ainsi développer, avec le soutien du barreau de Paris, une plateforme numérique pour tout savoir sur les cryptos-actifs, pour être en conformité fiscale et échanger avec des professionnels qualifiés !
Enfin, la reconversion en avocat est une réponse aux évolutions du marché du droit.
Je crois à l’union des professions de notaire et d’avocat. En étant successivement notaire puis avocat, je suis donc prêt à participer pleinement au regroupement des professionnels du droit au sein d’une structure d’exercice ouverte sur l’international.
VJ : Que vous apporte votre expérience d’ancien notaire dans votre quotidien d’avocat ?
A.B. : Mon expérience de notaire est très utile dans les dossiers de droit de la famille, de succession et pour tout ce qui concerne l’immobilier, le financement et les garanties.
Elle me permet d’auditer efficacement les documentations juridiques, d’identifier les problèmes éventuels et d’y apporter des solutions pratiques et non contentieuses. De même, je peux, grâce à elle, rédiger facilement toute sorte de contrats.
Mon expérience de notaire m’a apporté une vision plus large des sujets des clients tant sur le plan privé que professionnel.
De plus, il m’arrive d’assurer le conseil et la défense des intérêts de notaires, ainsi mon expérience passée me rend plus efficient dans ces cas-là, mieux à même de comprendre mon client et la situation vécue par ce dernier.
VJ : Pour celles et ceux qui souhaiteraient faire de même, comment avez-vous procédé pour réussir cette évolution (quel process, quelle formation...) ?
A.B. : Au préalable, il faut avoir été notaire titulaire ou associé depuis plus de 5 ans.
Ensuite, il faut démissionner de ses fonctions de notaire pour demander au barreau dont ce dernier dépend de l’admettre au tableau de l’ordre des avocats. Le conseil de l’ordre réalise une enquête pour déterminer si le notaire remplit toutes les conditions pour être inscrit au tableau des avocats. Le conseil de l’ordre vote sur son admission qui est conditionnée à la réussite à l’examen de déontologie et de réglementation professionnelle.
Cet examen oral est difficile et je conseille de le bosser très sérieusement (au moins 6 mois à l’avance). Je recommande ainsi de faire des fiches sur la liste des sujets proposés [2].
La particularité de cet examen est que le candidat n’a pas de temps de préparation. Il faut donc avoir les idées claires sur le sujet et aller à l’essentiel dans le temps imparti.
L’exposé du sujet sera suivi d’un échange avec le jury. Le notaire doit s’attendre à ce qu’on lui demande pourquoi un notaire souhaite devenir avocat !
VJ : Quels conseils leur adresseriez-vous ?
A.B. : Au notaire souhaitant devenir avocat, je lui dirai que ce changement est passionnant. Il sera naturellement consulté dans des dossiers de droit de la famille et de succession, d’immobilier.
De surcroît, ce changement n’est pas définitif. À tout moment, il pourra demander à être omis du tableau de l’ordre pour redevenir notaire !
Passer d’une profession à l’autre est vraiment une richesse pour vous et vos clients.
VJ : Avez-vous été accompagné dans ce changement par l’une ou l’autre des instances ordinales (côté notaire ou côté avocat), par des confrères ?
A.B. : J’ai eu la chance d’échanger directement avec le bâtonnier pour lui faire part de mes projets. Il m’a convaincu de rejoindre la profession et m’a aidé. J’ai pu également m’entretenir avec des magistrats que je côtoie dans le cadre professionnel, ils m’ont tous encouragé dans ma démarche ; pour eux, il est toujours intéressant et utile de lire les conclusions d’un expert dans les domaines spécifiques tels que le droit de la famille, en matière de succession, d’immobilier, de financement et des garanties.
Enfin, un ami m’a proposé un stage dans son cabinet. Même si ce stage n’est pas nécessaire pour les notaires, j’ai souhaité le faire pour bien comprendre le fonctionnement d’un cabinet et le traitement des dossiers.
L’accueil des confrères avocats a été excellent et la prestation de serment en robe a été un moment de grande émotion !
Notes :
[1] Le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat prévoit en ses articles 98 et 98-1 une passerelle donnant l’opportunité à certains professionnels du droit de devenir avocat.
[2] Sujets visés en annexe de l’arrêté du 30 avril 2012 fixant le programme et les modalités de l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle prévu à l’article 98-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.
Interview d’Antoine Bergeot réalisée par Marie Depay, Rédaction du Village de la Justice.