« J’emploie actuellement Maxence, porteur de trisomie 21, depuis septembre 2020, au sein de notre office notarial comptant 25 collaborateurs.
D’abord entré à l’étude dans le cadre d’un contrat à durée déterminée d’un an, il est désormais en contrat à durée indéterminée à temps partiel (60 %). Maxence travaille ainsi tous les jours de la semaine, de 9h30 à 12h30 et de 14h à 15h45. Ses horaires ont fait l’objet d’une réflexion menée en amont avec l’association qui nous a mis en relation et nous accompagne depuis le début, au rythme d’une visite hebdomadaire de deux ou trois heures en moyenne. La présence de cette association (à raison de quelques centaines d’euros par mois) est un vrai relai qui nous guide dans l’explication parfois différente et peut-être plus pédagogique qui doit être faite, mais aussi, dans les retours concrets qu’il peut nous faire avec sa propre perception des choses. Je recommanderais fortement, dans le cadre d’une telle embauche, d’être épaulé par un tel organisme.
La clientèle est agréablement surprise de cette démarche heureuse et inhabituelle.
Recruter une personne en situation de déficience mentale nécessite anticipation et adaptation mais, in fine, et c’est l’objectif de mon propos, cela est largement faisable au sein de nos structures et ce, pour trois raisons.
La première répond à la nécessité d’apporter davantage de service client et de chaleur au sein de nos études notariales. Une telle embauche y contribuera et je puis vous en assurer. Cela compensera d’ailleurs, pour partie, nos bureaux vidés des collaborateurs en télétravail (…). Préparer les salles de signature, conduire les clients au bon endroit, leur proposer des cafés sont autant de tâches faciles et utiles à déléguer. L’effet est garanti vis-à-vis de la clientèle, agréablement surprise de cette démarche heureuse et inhabituelle.
Nous retrouvons un certain confort perdu dans des tâches considérées comme chronophages.
Seconde raison : celle de pouvoir attribuer à un collaborateur dédié des tâches qui, de nos jours, paraissent chronophages pour nos collaborateurs. Il est passé le temps des magasiniers, hommes à tout faire, coursiers… ces personnes incontournables dans les études que j’ai côtoyées il y a près de 20 ans. Via ces emplois, nous pouvons retrouver partiellement ce confort ! Maxence me permet notamment d’arroser les plantes, aller chercher des fruits pour les collaborateurs, s’assurer que les imprimantes ont bien du papier, que les collaborateurs n’aient pas besoin de fournitures… Tout cela prend un temps certain et en dégage autant à un collaborateur ou un notaire !
Être confronté à la vulnérabilité permet d’appréhender beaucoup mieux certaines problématiques rencontrées dans notre pratique.
Troisième et dernier argument : celui de créer pour les membres de l’équipe, quel que soit leur statut, une expérience humaine très enrichissante. Être confronté à la différence nous oblige à nous adapter dans notre comportement, notre communication ou nos attentes. Or, nous savons que nombre de familles et donc de clients sont confrontés à la vulnérabilité, qu’elle soit causée par une différence, une déficience ou tout simplement un âge avancé. Force est de constater que nous appréhendons beaucoup mieux certaines problématiques rencontrées et sommes, en pareil cas, concernés et donc plus performants. Personnellement, je manie beaucoup mieux les mécanismes de mandats (protection future pour autui / à effet posthume) couplés avec de l’assurance-vie, les mesures judiciaires de protection ou encore certains montages sociétaires pour ce type précis de situation.
Mon propos visait à convaincre mes chers Confrères de se projeter sur ce type d’emploi et je me tiens avec grand plaisir à leur disposition pour leur expliquer plus en détail les fonctions à déléguer, anticiper, et organiser. »
Frédéric Fortier
Notaire