Clarisse Andry : Comment est né le projet du réseau NotaLis ?
Yann Leconte : Le groupe de notaires à l’origine du projet s’est rencontré via les réseaux sociaux, lors d’une discussion relative à la loi Macron. Lors de nos échanges, nous sommes arrivés au constat que chacun d’entre nous avait une spécialisation ou des connaissances particulières dans un domaine, et lorsqu’un client nous apportait un dossier un peu atypique ou hors de nos dossiers habituels, nous ne savions pas nécessairement le traiter, alors que nous connaissions un notaire qui, lui, le pourrait, soit parce c’est son domaine de prédilection, soit parce qu’il y a déjà été confronté. Nous nous sommes donc dit « pourquoi ne pas se fédérer pour en faire une force ? »
De là est née l’idée du réseau, qui nous permettrait d’avoir l’interlocuteur répondant à l’ensemble de la demande du client, aussi bien au niveau géographique qu’en termes de compétences juridiques. Et en poussant la réflexion plus loin, nous avons constaté que nous avions les mêmes difficultés lorsque des clients souhaitaient réaliser des opérations à l’étranger. D’où l’idée d’étendre le réseau à des notaires francophones situés à l’étranger (16 correspondants actuellement, ndlr).
C.A. : Quels éléments font de NotaLis un réseau « original » ?
Y.L. : Aujourd’hui, il existe deux types de réseau. D’une part, les réseaux qui regroupent les notaires sous une même spécialité, et sur des créneaux vraiment spécialisés. Vous avez par exemple des réseaux de notaires conseils d’entrepreneurs, ou des réseaux de notaires spécialisés dans les ventes d’hôtels, de pharmacies. D’autre part, vous avez des réseaux à structure pyramidale, c’est-à-dire une maison mère qui impose des normes de qualité, de présentation, à l’ensemble des membres.
De notre côté, nous avons raisonné de manière transversale : le notaire garde son indépendance, aucune norme ne s’imposent à l’ensemble. Il s’agit ensuite d’un travail collaboratif. Le réseau tient à disposition des membres la liste des spécialisations de chacun. Lorsqu’un notaire est sollicité pour un dossier qui demande un apport extérieur de compétence, il pourra choisir librement le confrère correspondant à la spécialité nécessaire. Il traitera le dossier directement avec lui, via les outils sécurisés de la profession. La répartition des honoraires et des tâches est affichée dans le règlement intérieur. Il n’y aura aucun surcoût pour le client.
C.A. : Pour créer ce réseau, vous avez mis en place un groupement d’intérêt économique sans capital : qu’est-ce que cela implique ?
Y.L. : Le groupement d’intérêt économique a pour seul objet d’articuler la collaboration entre les membres, et va permettre de gérer le site et les services. Il n’a pas vocation à facturer des prestations, ni à gérer des mouvements financiers. Ce n’est pas une démarche commerciale, mais une démarche au service du client.
Nous avons également mis en place un comité scientifique d’universitaires, présidé par le professeur Mekki, pour réfléchir à de nouvelles offres et de nouveaux produits, notamment dans le cadre du numérique. Nous réfléchissons par exemple aux modalités de transmission en cas de décès des données personnelles qui peuvent figurer sur les réseaux sociaux, ou encore à la dématérialisation des échanges avec les partenaires historiques du notariat. Ces projets sont en cours de finalisation, puisque le lancement officiel du site aura lieu le 2 mai.
C.A. : Vous avancez « l’ultra-compétence » comme élément essentiel du réseau : il s’agit donc d’un critère pour pouvoir adhérer ? Le réseau va-t-il aider les notaires à maintenir cette compétence ?
Y.L. : Tout à fait, nous exigeons une compétence soit par la détention de diplômes particuliers, soit par l’expérience sur un certain nombre de dossiers. Le notaire devra s’engager à maintenir sa formation et ses compétences dans son domaine particulier, et le réseau ne s’interdit pas d’assurer des formations destinées à ses membres, notamment par le biais du comité scientifique.
C.A. : Le but est de proposer un « service client premium », mais quels avantages vont retirer les notaires membres de NotaLis ?
Y.L. : L’avantage pour le notaire est de bien traiter la demande du client lorsqu’il lui apporte un dossier particulier, de ne pas prendre de risque en faisant appel au notaire spécialisé, et de pouvoir proposer au client une offre complète, qui n’existait pas jusque là.
Le but est de développer l’implantation du notariat et d’essayer que le notaire puisse lui-même proposer un domaine d’intervention très vaste, plutôt que de tendre vers la profession unique ou la pluriprofessionnalité.
C.A. : NotaLis impose un « règlement intérieur à forte connotation éthique » : que contient-il ?
Y.L. : Ce règlement intérieur interdit les commissions et rétrocommissions, les partenariats avec des sociétés commerciales, et surtout d’exercer en société pluriprofessionnelle, donc d’être associé avec un avocat ou un expert-comptable, ou de faire partie d’une société dont le capital serait détenu majoritairement par d’autres professionnels.
Notre grande crainte était l’ordonnance sur la pluriprofessionalité. Si nous voulions renforcer le rôle et la place du notaire par le biais du réseau, il était nécessaire que le notaire conserve son indépendance, aussi bien juridique que capitalistique.
Propos recueillis par Clarisse Andry
Rédaction du Village des Notaires