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[119e Congrès des Notaires] « Cette recherche appliquée n'est pas si courante en droit ». Entretien avec Gwenaëlle Durand-Pasquier

[119e Congrès des Notaires] « Cette recherche appliquée n’est pas si courante en droit ». Entretien avec Gwenaëlle Durand-Pasquier

Comme le dit Gwenaëlle Durand-Pasquier, Professeur agrégée des Universités et Rapporteur de synthèse du 119e Congrès de Notaires, « il est important de pouvoir faire vivre le Congrès après le Congrès et pas uniquement les propositions. Tout ce travail de recherche est important aussi bien pour les acteurs du congrès, les chercheurs et pour les étudiants. La réussite d’un Congrès, c’est aussi le fait que le travail de recherche réalisé continue et que le rapport constitue une base de travail pour d’autres ».

C’est exactement la raison pour laquelle nous l’avons sollicitée pour répondre aux questions de la Rédaction. Faisons un pas de côté par rapport aux propositions votées et passons "en coulisse" pour dresser un bilan et tracer des perspectives.

Gwenaëlle Durand-Pasquier est Professeur agrégée des Universités. Docteur en droit de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, elle a soutenu en 2005, une thèse de doctorat portant sur « Le maître de l’ouvrage - Contribution à l’harmonisation du régime du contrat d’entreprise ».
Professeur à la Faculté de droit et de sciences politiques de l’Université de Rennes I, elle a également été en poste à l’Université d’Artois et enseigne en Master II à l’Université Paris-Panthéon-Assas, principalement le droit immobilier, le droit des contrats et de la construction . Elle dispose ainsi d’une expertise en droit des contrats et de la responsabilité, en droit des biens, ainsi qu’en droit immobilier et de la construction.

Pouvez-vous nous rappeler quel est la mission et le rôle du rapporteur de synthèse du Congrès des Notaires ?

Gwenaëlle Durand-Pasquier : Il s’agit d’une très belle expérience scientifique et de recherche collective qui s’inscrit dans la durée, puisque nous avons travaillé pendant deux ans. Il me semble avoir complètement fait partie de l’équipe. Dès ma désignation officielle, la première année, nous nous sommes retrouvés une journée par mois en réunion physique et en réunions de visioconférence. La deuxième année, deux jours par mois en réunion physique ainsi que pour des séances de relecture et de visioconférence auxquels se sont ajoutés, au moins quatre ou cinq semaines ou week-ends prolongés durant lesquelles nous avons travaillé soit pour des répétitions, soit pour des congrès blancs, soit pour une finalisation d’écriture.

Mon rôle était non pas de faire de la recherche sur tous les points, mais plutôt de discuter de l’harmonie générale et du plan, de la manière dont on pouvait amener les différents sujets. Parfois, j’ai participé à l’éclaircissement de certains points de droit. Mais la recherche a en fait été largement menée par les notaires eux-mêmes. Cela reste le rapport du Congrès des Notaires, le rapporteur de synthèse étant là pour assister le chef d’orchestre qu’est le rapporteur général. Il représente une personne avec laquelle discuter quant au plan, aux sujets à aborder et puis pour retrouver peut- être certaines harmonies et de petits ajustements sur des points précis.

Cette recherche appliquée n’est pas si courante en droit. Nous avons confronté toutes les questions juridiques et idées que l’on rencontrait avec celle des praticiens que sont les notaires. De très nombreux entretiens ont surtout été menés avec des intervenants très différents, à la fois des élus, des syndicats professionnels du monde du bâtiment, du monde de la promotion. Nous avons rencontré des dirigeants de start-up qui, dans le logement, proposent des produits innovants, que ce soit en surélévation ou en mode de détention. Nous avons également confronté les idées avec des financiers.

À titre plus personnel, que retenez-vous de votre expérience de rapporteur de synthèse ?

G. D.-P. : À titre personnel, participer au Congrès a été extrêmement enrichissant et stimulant. Le rapporteur est choisi par le Président. Dans mon cas, le Président Yves Delecraz avec un regard de l’ACNF et du CSN, je pense. Quant à son rôle, le rôle de rapporteur de synthèse, me semble-t-il, a un petit peu évolué au cours des dernières années. L’universitaire rapporteur de synthèse intervient depuis quelques années dès la constitution de l’équipe et travaille durant les deux ans avec a minima des réunions mensuelles avec l’équipe.

Vous avez donc vu un véritable intérêt à croiser la recherche appliquée qui a été faite pendant ces deux années, et vos travaux de recherche fondamentale ?

G. D.-P. : Oui, absolument. Je n’étais pas spécialiste de toutes les questions très précises qui ont été évoquées, loin de là. Je ne le suis d’ailleurs toujours pas ! L’intérêt de cette approche est précisément de croiser les regards. Il m’est arrivée d’indiquer que tel article était intéressant à lire ou que tel auteur était incontournable sur telle question, par exemple. Chaque membre de l’équipe effectuait alors ses lectures, organisait les entretiens, avec l’aide d’Elisabeth Lambelin et de son équipe de l’ACNF. Ensuite, nous échangions ou procédions aux auditions.

Dans votre discours, vous avez mentionné Proust à plusieurs reprises et beaucoup d’intervenants ont également fait le lien avec la Normandie. Un petit clin d’œil local probablement ! Plus concrètement, comment prépare-t-on son rapport de synthèse ?

G. D.-P. : Le rapport de synthèse constitue un exercice très singulier. Il s’écrit en grande partie durant les journées de congrès. Il convient d’évoquer les débats, les réactions, la manière dont les choses se sont déroulées et de citer ces interventions. Le congrès est toujours ancré géographiquement. Il m’a alors semblé intéressant de créer une caisse de résonance entre les travaux et la région qui nous accueillait. Certes, ce n’est pas en Normandie que nous avons effectué l’ensemble de nos recherches. Toutefois, mon idée de la synthèse était de la situer au lieu où se tenait l’événement.

Le rapport de synthèse correspond à la clôture des journées de congrès. Il se trouve que Proust fait partie de mon univers littéraire. Ma mère était professeure de lettres et Marcel Proust a compté parmi les auteurs qui m’ont marquée. Or, dans sa trilogie Normande, l’auteur évoque beaucoup les logements qui constituent pour lui des lieux de réaction, d’émotions, de souvenirs, des lieux à partir desquels il va décrire précisément les relations sociales, la maison des Swan, le salon de la duchesse de Guermantes. L’objectif n’était pas tant de resituer le Congrès à l’époque de Proust, mais de le resituer par rapport aux différentes réactions de l’auteur et la manière dont j’avais vu l’équipe réagir.

Quant à la manière dont la recherche s’est faite, au départ, nous avons essayé de faire une forme d’état des lieux, de ce qui existe législativement, réglementairement et de le confronter aux pratiques des notaires. Assez rapidement, les notaires ont mis l’accent sur ce qui ne convenait pas, soit pas du tout, soit parce qu’un texte nécessitait des retouches. En confrontant le constat à la pratique ou à des positions de certains acteurs, l’objectif a alors consisté à se dire « Que peut-on proposer ? Comment réagir ? Peut-on suggérer de simples modifications ou au contraire, faudrait-il prendre complètement le contre-pied ? » Telle a été la trajectoire intellectuelle.

Vous avez également indiqué que le logement s’inscrivait dans l’air du temps. La problématique du logement est-elle intemporelle ?

G. D.-P. : Je l’ai en effet évoquée en citant l’abbé Pierre, dont le discours a également été évoqué en ouverture du Congrès par notre rapporteur général. Le logement revêt une dimension intemporelle dans la mesure où, comme le disait l’abbé Pierre, c’est le premier des droits de l’homme. Pouvoir se loger, s’abriter, c’est un droit fondamental. De ce point de vue, la question du logement me parait effectivement intemporelle.

En revanche, la manière dont nous avons abordé les choses est très séculaire, c’est- à- dire qui est très temporel, ancré dans notre époque. Les travaux ont montré que la question du logement rencontrait aujourd’hui un triptyque de problématiques, à la fois sociétales, environnementales et économiques.

Nous ne pouvons pas dissocier nos propositions, ni les recherches qui ont été faites, de la période dans laquelle nous vivons. Même si à chaque fois, un réel travail historique a été réalisé, notamment par notre rapporteur général et par Maitre Sophie Lambert.

À la différence de la période contemporaine de Marcel Proust, les questions actuelles du logement, sans même évoquer la crise conjoncturelle, très dure et importante que nous traversons cette année, sont liées, pour la partie sociétale, à l’évolution des familles, aux différents modes d’union et de désunion, à la plus grande circulation de la population. Je pense à la population étudiante par exemple. Le vieillissement de la population, dont nous avons beaucoup parlé par ailleurs, implique évidemment l’adaptation du logement à l’âge et la nécessité que tout le monde n’aille pas dans des établissements spécialisés, mais qu’on puisse adapter d’abord les logements, ce qui correspond aux souhaits de la population.

La question du logement s’inscrit aussi dans d’autres dimensions : environnementale, économique…

G. D.-P. : Oui. La dimension environnementale se montre ensuite incontournable. Le sujet de la raréfaction du foncier, et le ZAN qui a été rappelé par Édouard Philippe, pose la question de travailler sur le parc de logements existants, la mixité fonctionnelle, la reconstruction des friches, etc. Mais le neuf ne peut être complétement stoppé. L’existant est déterminant, mais ne suffira pas. Reste à adapter les textes pour y parvenir.

Dans cette dimension environnementale, s’ajoute bien sûr les problématiques climatiques, de gaz à effet de serre auxquelles il convient d’adjoindre la crise de l’énergie. Ces facteurs encouragent à repenser le logement autour de la rénovation, de la construction et de la mobilité, donc autour du thème aussi de la multifonctionnalité. Néanmoins, là encore, le droit doit s’adapter, tout en restant pragmatique, pas dogmatique.

Enfin, il y a la problématique économique avec le coût du logement. Le coût du logement doit s’entendre dans une dimension plurielle toutefois. Il y a la hausse des taux d’intérêt parce que c’est l’actualité. J’en parlais encore, il y a quelques jours, avec des acteurs du logement social. L’accession sociale est actuellement également bloquée parfois par le niveau des taux d’intérêt. Mais le coût du logement est aussi lié aux normes de construction et aux textes relatifs à la rénovation. La construction s’enchérit et donc l’acquisition de la propriété s’enchérit aussi.

Et il est vrai que le coût des travaux aujourd’hui devient assez rédhibitoire…

G. D.-P. : D’autant que ces travaux se fondent sur des audits. Ces derniers sont certes nécessaires afin que les travaux réalisés puissent revêtir une certaine efficacité. Pour autant, leur coût, préalable à la réalisation de travaux, constitue parfois un frein eu égard aux possibilités financières des ménages. Ces éléments sont à prendre en compte. De là, la proposition relative à l’accompagnement de la rénovation énergétique, notamment dans les copropriétés.

Vous avez associé le Congrès au triptyque « Ouverture, Futur, Mesure ». Quelles sont les attentes post-Congrès avec le projet de loi de finances en cours de discussion ?

G. D.-P. : Vous me posez la question des attentes et bien ces attentes sont grandes ! Les treize propositions n’ont pas été faites à la légère, elles ont été sous-pesées. Au vu du contexte, elles ont peut-être encore plus été passées au crible de leurs conséquences, de leur faisabilité, mais aussi de leur acceptabilité que lors de précédents événements. Elles étaient en quelque sorte attendues, mais également attendues au tournant si je peux m’exprimer ainsi. Cela a été très perceptible dans les discours des deux ministres en exercice, et de deux anciens ministres ou premier ministre qui sont venus sur place au Congrès de Deauville. De même, le maire de Deauville lui-même, comme la Présidente du Conseil Supérieur du Notariat, ont évoqué l’importance des propositions et leur brûlante actualité.

Ces propositions forment autant de suggestions d’amélioration législative et/ou réglementaire. Ces améliorations ont été envisagées, parfois pour corriger, parfois pour combler et parfois pour complètement réformer. Tout n’est pas révolutionnaire ! Il y a des points qui sont des évolutions, d’autres qui sont de vraies réformes. Le rôle de l’équipe consiste à présent à les porter. Ce n’est pas moi qui vais porter ces réformes, les propositions sont encore une fois les propositions des notaires, ils les ont formulés et l’ensemble des notaires présents les ont votées. Elles ont toutes été votées cette année.

Mon rôle désormais est simplement de soutenir l’équipe. Je suis tenue à un devoir moral de réserve bien évidement. Mais ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a déjà des contacts très forts pris avec les différents ministères et les élus en lien avec ces questions.

Les treize propositions ont été remises avant le Congrès dans les différents ministères ainsi qu’aux élus nationaux et locaux. Bien évidemment, ces propositions, et on l’a entendu lors de l’intervention de Patrice Vergriete, notamment sur le sujet du bailleur privé, vont certainement être amenées à évoluer. En revanche, les discussions ont déjà commencé. Encore une fois, je m’applique bien sûr un devoir de réserve sur l’état actuel des discussions sur les propositions.

Un certain nombre de propositions émanant de Congrès des Notaires de France ont déjà été gravées dans le marbre de la loi. Cela a été le cas pour environ 130 propositions dans le passé. Il se trouve que le croisement des préoccupations gouvernementales, des acteurs du secteur et tout simplement celles des citoyens qui cherchent à se loger, ou à rénover, adapter, conserver ou transmettre leur logement, avec la thématique du congrès conduit à ce qu’en effet, de nombreuses discussions constructives ont eu lieu dès avant le Congrès et que quelques jours après, il y avait déjà des choses qui, à nouveau, avaient été relancées.

Participerez-vous activement au prochain Congrès (2024) ?

G. D.-P. : Activement et directement, non, car il y a un seul universitaire rapporteur de synthèse dans l’équipe à chaque Congrès ! Sur un plan scientifique et personnel, je connais bien, voire très bien Élise Carpentier, qui est ma collègue et qui sera rapporteur de synthèse l’an prochain. Je connais aussi assez bien la Présidente Marie-Hélène Perro-Augereau-Hue. Il se trouve, bien que cela relève du complet hasard, qu’Élise et moi-même, nous nous rencontrons fréquemment à l’occasion de colloques universitaires comme professionnelles et que nous sommes les professeures référentes au Conseil Supérieur du Notariat pour la section immobilière de l’Institut d’Études Judiciaires (IEJ) dirigée par Maître Herrnberger. Marie-Hélène est quant à elle la Présidente de la section droit public de l’IEJ.

Je serai évidemment disponible avec le plus grand plaisir pour discuter des problématiques d’urbanisme ou d’environnement qui sont dans la continuité de la thématique de cette année, tout en se présentant de manière très différente, puisque bien évidement l’urbanisme et l’environnement ne concernent pas que le logement. Et puis surtout, je serai présente pour les écouter et assister à l’ensemble de ce qui sera certainement également un très beau et passionnant congrès à Bordeaux en septembre 2024 !

À lire également : 119e Congrès des Notaires : un événement (aussi) politique

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