Réforme de la formation initiale des notaires
Une réforme débattue
Jusqu’il y a encore peu de temps, il existait deux façons de devenir notaire : une voie universitaire et une voie professionnelle. Elles sont désormais fusionnées. La dualité laisse désormais la place à un diplôme unique : le nouveau DESN.
Un premier projet de texte avait fait l’unanimité en 2020. Mais des changements « surprises », apportés en 2022, avaient provoqué de vifs débats dans l’écosystème notarial et universitaire.
L’un des points d’achoppement était lié à l’indépendance de l’université vis-à-vis de l’INFN (Institut National des Formations Notariales), puisqu’il était question d’un diplôme :
- codélivré par l’institut privé et les universités partenaires ;
- dont les universitaires directeurs seraient nommés sur avis conforme du directeur général de ce même institut privé.
Deux tribunes parues au cours de l’été 2022 [1], avaient fustigé ces modifications du texte, déplorant l’absence de réunion de conditions essentielles de participation de l’université, à savoir :
- le respect de l’indépendance de l’université ;
- l’égalité statutaire dans l’architecture de la formation ;
- la loyauté des négociations.
À la suite de cette profusion d’inquiétudes (pour le moins !), la co-délivrance du diplôme et l’avis conforme de l’INFN avaient été retirés du texte, retenu, donc, dans sa version initiale.
Création du DESN en 2022
C’est un décret du 7 octobre 2022 [2] qui a créé le diplôme d’études supérieures de notariat (DESN).
Sont abrogés à compter de l’entrée en vigueur du présent arrêté :
- l’arrêté du 28 avril 2008 (NOR : JUSC0810688A) relatif au diplôme supérieur de notariat ;
- l’arrêté du 8 août 2013 (NOR : JUSC1317915A) fixant les modalités de la sélection des dossiers pour l’accès aux centres de formation professionnelle de notaires (CFPN) ;
- l’arrêté du 8 août 2013 (NOR : JUSC1317919A) fixant les modalités de l’examen par modules et du rapport de stage en vue de l’obtention du diplôme de notaire
À compter de la rentrée universitaire 2023, ce sera la principale voie d’accès à la profession, associant l’INFN et les établissements publics d’enseignement supérieur qui ont conclu avec lui la convention prévue à cet effet [3].
DESN : dispositions transitoires
Pour celles et ceux qui seraient actuellement inscrit(e)s aux formations dans leur version antérieure demeurent soumis(e)s aux dispositions antérieures jusqu’au 31 août 2026 au plus tard.
Les personnes qui demeurent soumises au décret du 5 juillet 1973 dans sa version antérieure restent soumises aux dispositions de ces arrêtés dans leur dernière version en vigueur. Si celles-ci n’ont pas, au 31 décembre 2027 au plus tard, achevé leur formation, elles intègrent le DESN, une commission étant chargée de déterminer, au regard du parcours de chaque étudiant, les modules ou matières qui lui restent à valider dans ce cadre [4].
Modalités de formation des futur(e)s notaires (DESN 2023)
L’arrêté du 5 juillet 2023 relatif au diplôme d’études supérieures de notariat (NOR :
JUSC2318761A) précise les modalités de la formation.
Accès à la formation
Aux termes des articles 6 et 7 de l’arrêté du 5 juillet 2023 :
- les candidats titulaires Master droit notarial, délivré par un établissement signataire de la convention mentionnée à l’article 2, accèdent de plein droit aux études supérieures de notariat [5] ;
- les candidats non titulaires de ce Master sont sélectionnés, sur dossier, puis entretien individuel [6]. 3 candidatures à l’admission dans cette formation peuvent être présentées. Les candidats admis à ce titre doivent suivent un module préparatoire visant à compléter leurs connaissances [7]. Ce module comporte 5 matières d’un volume horaire de 20 heures à chaque fois :
- essentiels du droit des obligations et de la preuve,
- essentiels du droit du patrimonial de la famille,
- essentiels du droit de la personne, de la famille,
- essentiels du droit immobilier et des biens,
- essentiels du droit des affaires et des sociétés.
Durée de la formation
La durée des études supérieures de notariat est de 24 mois [8].
L’étudiant(e) dispose, du jour de sa première inscription, d’un délai butoir de 10 ans pour obtenir son diplôme.
L’assiduité aux enseignements est obligatoire. Au-delà de 3 absences non justifiées par période de formation, il ne sera pas possible de se présenter à la session d’examens, l’étudiant(e) étant comme défaillant(e) à l’ensemble de la session d’examens de la période de formation considérée.
Période de césure
Il est désormais possible de bénéficier d’une période de césure, la formation étant suspendue afin de pouvoir acquérir une expérience personnelle ou professionnelle complémentaire.
Cette période, qui peut débuter à l’issue du module préparatoire et au plus tard avant la 3e période de formation, est :
- insécable ;
- comprise entre six mois et un an ;
- accordée qu’une seule fois.
Contenu pédagogique de la formation des notaires (DESN 2023)
Avec une grande pertinence eu égard à la manière dont s’exerce désormais le métier de notaire et les besoins de formation en la matière, le cursus comprend trois périodes de formation, ainsi qu’un stage. Une épreuve de langue étrangère complète la 3e période de formation.
1re période de formation : « Le notaire, officier public et ministériel »
Volume horaire : 85 heures d’enseignements.
Contenu :
- l’acte notarié :
- domaine de l’authenticité,
- force de l’acte notarié,
- l’acte notarié numérique,
- l’accès des notaires aux fichiers,
- les formalités postérieures à l’acte ;
- déontologie et responsabilité notariale :
- règles déontologiques,
- obligations déclaratives,
- les responsabilités professionnelles ;
- la profession notariale :
- histoire de la profession,
- accès la profession,
- organismes professionnels,
- tarif du notaire,
- comptabilité notariale,
- médiation notariale et arbitrage ;
- contribution du notaire aux politiques publiques (LCB-FT (lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme) en particulier) ;
- les humanités notariales ;
- les outils et ateliers numériques.
Examen :
Cette première période de formation est sanctionnée par une session d’examens, qui comporte :
- une épreuve écrite : résolution d’un cas pratique ou d’une consultation, en quatre heures ;
- une épreuve orale : exposé-discussion de vingt minutes avec le jury, sur un sujet choisi par l’étudiant parmi deux tirés au sort, après 30 minutes de préparation.
Chacune des épreuves est noté entre 0 et 20. La première période de formation est validée si la moyenne est > ou = 10/20.
En cas de moyenne < 10/20, l’étudiant(e) est autorisé(e) à poursuivre sa formation et se présente à la prochaine session d’examens de la première période de formation. En cas d’échec à cette nouvelle session, il peut se présenter à une ultime session lors de la prochaine session d’examens de la première période de formation. En cas de nouvel échec, il est mis fin à sa formation.
2e période de formation : « Le notaire, expert juridique »
Volume horaire : 300 heures d’enseignements.
Contenu :
- ingénierie des actes du droit des personnes et de la famille et techniques liquidatives (90 heures) :
- personnes et patrimoines,
- régimes patrimoniaux des couples,
- successions et libéralités,
- droit international privé des personnes et de la famille,
- fiscalité des personnes et de la famille ;
- ingénierie des actes du droit immobilier et du droit rural (120 heures) :
- droit de la copropriété et organisation collective des immeubles,
- droit de l’urbanisme,
- droit de la construction,
- droit de l’environnement,
- droit public immobilier,
- fiscalité immobilière,
- droit rural,
- fiscalité agricole,
- protection sociale agricole,
- vente immobilière,
- négociation immobilière,
- baux civils,
- financement et garanties,
- droit international privé ;
- ingénierie des actes du droit des affaires et de l’entreprise (90 heures) :
- droit commercial,
- opérations sur fonds de commerce et autres fonds,
-** droit des sociétés civiles et commerciales, - droit des groupements spéciaux,
- financement de l’entreprise,
- transmission de l’entreprise,
- droit des entreprises en difficulté,
- droit international privé et droit européen des affaires,
- droit fiscal des affaires.
Examen :
Les trois modules sont sanctionnés par un contrôle continu (au moins une évaluation orale et une évaluation écrite) et par une session d’examens portant sur le programme de chaque module.
La moyenne des notes de contrôle continu compte pour un tiers de la note globale attribuée à chaque module.
Chaque module comporte une épreuve écrite (résolution d’un cas pratique ou d’une consultation en quatre heures), dont le sujet est déterminé par les enseignants du module concerné. Les responsables pédagogiques de chaque module décident des documents autorisés aux épreuves.
Une note de 0 à 20 est attribuée pour chacune des épreuves. Cette note compte pour 2/3 dans la note globale du module.
Chaque module est validé si la note globale est > ou = 10/20. La période est validée si, à l’issue de la session d’examens, l’étudiant(e) a validé l’ensemble des modules, sans compensation possible entre ceux-ci.
Si une note globale d’un module est < 10/20, l’étudiant(e) est ajourné(e). Il se présente à la session d’examens qui suit celle au titre de laquelle il a été ajourné. Si sa note de contrôle continu est > 10/20, l’étudiant(e) peut, à sa demande, conserver le bénéfice de celle-ci. Si sa note de contrôle continu est < 10/20, il ou elle est évalué(e) sur la seule épreuve écrite terminale.
En cas d’échec à cette session du module concerné, il ou elle peut se présenter à une ultime session lors de la prochaine session d’examens organisée pour ce module. En cas de nouvel échec, il est mis fin à sa formation.
3e période de formation : « Le notaire, entrepreneur »
Volume horaire : 168 heures d’enseignements.
Module de langue étrangère (60 heures), évalué par un questionnaire à choix multiple (QCM) [9]
Module d’expertise entrepreneuriale (108 heures) :
- la nomination et l’installation ;
- l’entreprise notariale : aspects fiscaux et comptables ;
- le tarif ;
- la réflexion stratégique de l’entreprise notariale ;
- la gestion des ressources humaines et le management ;
- la relation client.
Examen :
L’examen consiste en une épreuve orale : entretien de 20 minutes avec le jury, sans aucun temps de préparation. Il prend la forme d’une discussion portant sur le programme de la troisième période de formation et sur le projet professionnel de l’étudiant.
Cette période de formation est validée si la note obtenue à l’épreuve est > ou = 10/20. Si cette note est > 10/20, l’étudiant(e) est soumis(e) à une session de rattrapage, organisée dans les 15 jours de la publication des résultats et selon les mêmes formes que la 1re session. Si la note de rattrapage est < 10/20., l’étudiant(e) est ajourné(e) et il est mis fin à sa formation.
Le stage
Le stage :
- comprend des travaux de pratique professionnelle ;
- s’effectue en alternance pendant les 24 mois des études supérieurs de notariat ;
- peut être accompli à temps partiel. Dans ce cas, sa durée est prolongée de telle sorte qu’elle soit équivalente à la durée normale d’accomplissement du stage.
L’admission au stage résulte de l’inscription sur le registre de stage effectuée par l’’INFN, qui tient également à jour ce registre.
À l’issue des 3 périodes de formation et après l’obtention du certificat de fin de stage, les étudiants soutiennent au choix un rapport de stage ou un mémoire :
- le rapport de stage relate les diligences auxquelles l’étudiant a concouru concernant des actes relevant de deux des trois modules qui composent la deuxième période de formation et comporte une analyse détaillée du dossier confié au sein de l’office notarial ;
- le mémoire porte sur un sujet rencontré à l’occasion du stage, contextualisé au regard de la pratique notariale et qui fait l’objet d’une réflexion théorique. Le mémoire peut débuter, en accord, avec les responsables compétents, dès la deuxième année du Master droit notarial.
Soutenance :
La soutenance a lieu devant un jury composé de 3 personnes (dont un universitaire et un notaire ou collaborateur de notaire), qui évalue la qualité des travaux de l’étudiant, son aptitude à les situer dans leur contexte et ses qualités d’exposition.
À l’issue de la soutenance d’un mémoire, le jury peut proposer au candidat de poursuivre son travail en vue de la rédaction d’une thèse de doctorat.
Sauf dérogation, le rapport de stage ou le mémoire doit être soutenu au plus tard à la fin de l’année civile qui suit celle de la réussite à toutes les périodes de formation.
Une dispense de rapport de stage ou de mémoire est prévue pour l’étudiant(e) qui a suivi avec succès une formation de spécialisation d’au moins 120 heures ou une formation diplômante à l’étranger [10].
Notes :
[1] Defrénois, 8 sept. 2022, n° DEF209t6, Réforme de la formation notariale : comment a-t-on pu en arriver là ? ; Defrénois, 25 août 2022, n° DEF209j7, Formation, réforme et profession notariale->https://www.defrenois.fr/article/defrenois/DEF209j7].
[3] Les stipulations de la convention sont décrites à l’art. 2, Arr. 5 juill. 2023, NOR : JUSC2318761A
[5] Les candidats qui ne sont pas titulaires du diplôme requis au jour de la clôture des inscriptions doivent justifier de son obtention au plus tard avant le début de la formation (art. 8, Arr. 5 juill. 2023, NOR : JUSC2318761A.
[6] sur le contenu du dossier de candidature et le déroulement de l’entretien, voir art. 7, Arr. 5 juill. 2023, NOR : JUSC2318761A
[8] hors module préparatoire et hors temps de préparation et de soutenance du rapport de stage ou du mémoire
[10] Sous réserve qu’elle figure sur la liste des formations établie par l’Institut national des formations notariales.
A. Dorange
Rédaction des Experts du Patrimoine (Village des Notaires)